LITTÉRATURE FRANÇAISE CONTEMPORAINE

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Les écritures du sujet

Ainsi est-ce dans le dialogue critique avec les pratiques anciennes ou venues d’ailleurs que de nouvelles formes littéraires apparaissent. La défection envers les grandes idéologies collectives favorise, au seuil des années 1980, un repli sur l’individu et sur son cercle intime, comme l’a bien montré le sociologue Gilles Lipovetsky (L’Ère du vide, 1983). Ce regain de l’écriture de soi renouvelle le genre de l’autobiographie, mis à mal par les pensées du soupçon et par le structuralisme qui dénonçaient l’illusion d’un sujet plein et entier. Livré aux déterminismes sociaux (Marx), soumis à un inconscient inconnaissable (Freud), modelé par des injonctions morales dont il peine à se défaire (Nietzsche), l’individu n’était plus en mesure de se connaître ni de se raconter. Plutôt que l’authenticité pourtant revendiquée, l’étude des grands modèles autobiographiques (Philippe Lejeune) en a fait apparaître les travestissements : plaidoyer pro domo (Rousseau), mythification de soi-même (Chateaubriand). Comment se dire, désormais, si chacun triche avec l’image qu’il compose de lui-même ? Assumant la « ligne de fiction » (Lacan) à travers laquelle le sujet s’appréhende, Serge Doubrovsky nomme « autofiction » (Fils, 1977) une écriture de soi qui emprunte à la parole libre sur le divan de l’analyste et livre le sujet à « l’aventure du langage ».

<em>Juste la fin du monde</em>, J.-L. Lagarce — *Juste la fin du monde*, J.-L. Lagarce

Brigitte Enguérand/ Divergence , coll. Comédie-Française, 2008

Également expérimentée par Roland Barthes (Roland Barthes par Roland Barthes, 1975), Georges Perec (W ou le souvenir d’enfance, 1975) ou Patrick Modiano (Livret de Famille, 1977) qui ne lui donnaient pas ce nom, cette forme connaît, selon des modalités très diverses, un large succès. Philippe Forest, qui en trouve le modèle dans la littérature japonaise, l'appelle « roman du Je », quand Alain Robbe-Grillet, qui y sacrifie à son tour dans ses « Romanesques » (1985-1994), nomme « nouvelle autobiographie » le mélange de personnages fictifs et de réalités avérées qui prolonge ses expérimentations néoromanesques. Marguerite Duras (L’Amant, 1984) et Nathalie Sarraute (Enfance, 1983) y viennent également. Pour Camille Laurens, l’autofiction s’appuie sur la littérature passée, relue et mêlée à sa vie présente. Chloé Delaume, qui choisit chez Vian et Artaud le pseudonyme dont elle se dote, surmonte une tragédie familiale (Le Cri du sablier, 2001) et se projette en personnage de fictions médiatiques (J’habite dans la télévision, 2006 ; La Nuit je suis Buffy Summers, 2007). Cette représentation de soi accède aussi au théâtre avec des accents toutefois plus distanciés (Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, 1990 ; Olivier Py, Théâtres, 1998 ; ou dans la fresque autobiographique de Philippe Caubère, Le Roman d’un acteur, 1993).

Annie Ernaux

Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Objet de débats et de discussions, l’autofiction n’est pas la seule forme possible pour revenir à soi. Depuis le début des années 1980, les récits de filiation, apparus quasi simultanément sous la plume d’Annie Ernaux (La Place,1983 ; Une femme, 1988) et de Pierre Michon (Vies minuscules, 1984), puis largement déployés par d’autres écrivains (Pierre Bergounioux, Jean Rouaud, Charles Juliet, J. M. G. Le Clézio, Leïla Sebbar, Luc Lang, Belinda Cannone…), prennent la forme d’une enquête sur l’ascendance – père, mère, grands-parents ou lignée plus lointaine – de l’auteur. Selon Pierre Bergounioux, le sujet demeure tributaire des expériences, désirs et frustrations de son lignage. Aussi l’investigation de l’antériorité se substitue-t-elle à celle de l’intériorité, d’autant que l’époque affronte un défaut de transmission, dû à la fois aux vicissitudes de l’histoire (de nombreux récits de filiation tentent de reconstruire le destin de parents emportés par la Shoah et par les conflits du xx ^e siècle), au souci familial d’en taire le secret[...]

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Écrit par

Dominique VIART : professeur des Universités, université Paris Nanterre, Institut universitaire de France

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Pour citer cet article

Dominique VIART, « LITTÉRATURE FRANÇAISE CONTEMPORAINE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

« LITTÉRATURE FRANÇAISE CONTEMPORAINE ». Dans Encyclopædia Universalis [en ligne]. Consulté le sur

Encyclopædia Universalis, s.v. « LITTÉRATURE FRANÇAISE CONTEMPORAINE », Consulté le ,

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<em>L’Acte inconnu</em>, V. Novarina — *L’Acte inconnu*, V. Novarina

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