DURAS MARGUERITE (1914-1996)

Marguerite Duras

Marguerite Duras

Marguerite Duras

Marguerite Duras (1914-1996), romancière et cinéaste française, photographiée ici en 1961.

« Elle écrit, Marguerite Duras, oui, M. D., elle écrit. Elle a des crayons, des stylos et elle écrit. C'est ça. C'est ça et rien d'autre. » L'écriture est la seule identité que Marguerite Duras se concède. L'écrit a pris possession de tout, du théâtre comme du cinéma. Il parcourt tout, le corps comme le plus courant de la vie. Il finit par tenir lieu de tout, de l'alcool – refuge contre l'absence de Dieu –, de l'histoire personnelle comme de celle de l'univers – « Que le monde aille à sa perte, c'est la seule politique. » Écrire ne sauve de rien, et surtout pas de la mort, et surtout pas de l'amour. Écrire est une occupation tragique plongeant au fond d'un inconnu de soi, dans cette zone indéfinissable que Marguerite Duras appelle « l'ombre interne », nourrie par la mémoire et l'oubli, proche de l'inconscient mais aussi de cet état de folie à la limite de laquelle se tient l'auteur. Elle est fascinée par la mendiante des bords du Gange – dont le chant lancinant parcourt India Song –, par Lol V. Stein – dont Le Ravissement s'exprime dans le silence ou dans le cri –, par Émily L., femme poète dont le personnage lui a été suggéré par une malade d'un asile psychiatrique.

L'histoire de la vie n'existe pas : « Le roman de ma vie, de nos vies, oui ; mais pas l'histoire. » Pourtant, c'est de la vie que se nourrit entièrement l'écrit, à distance d'abord, jusqu'en 1984, jusqu'à l'aveu autobiographique que représente L'Amant. Marguerite Duras se laisse alors porter par ce qu'elle a appelé « l'écriture courante », qui suit le mouvement quotidien et poétique de l'existence. L'écriture devient alors celle de tous, et l'auteur peut parler au nom de tous. Atteignant à une notoriété populaire, nationale et internationale, rarement égalée, elle suscite des polémiques violentes par ses prises de position dans des affaires judiciaires à scandale (le meurtre du petit Grégory Villemin) et par son désir de tout dire, dans ses romans, dans ses films, dans ses pièces de théâtre ou dans des formes ordinairement considérées, avec mépris, comme de la paralittérature : elle revendique comme une part de son œuvre les entretiens, les articles de journaux et même ses interventions à la télévision.

Marguerite Duras fait scandale par l'écrit, par les circonstances de sa vie qu'elle s'obstine à montrer au grand jour, par une présence médiatique qu'elle utilise pour donner à la parole le pouvoir d'une vraie liberté.

Du roman aux zones limites

Marguerite Donnadieu est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, agglomération au nord de Saigon, dans une famille de petits fonctionnaires français. Le pseudonyme de Duras lui vient d'une commune du sud-ouest de la France, lieu d'origine de la famille paternelle. Son père meurt en 1918, et sa mère, institutrice, reste seule avec Marguerite et ses deux frères plus âgés : le « grand frère » – l'ennemi, le dépravé – et le « petit frère », celui dont elle partage tous les jeux. La mère achète une concession à Vinh Long sur les bords du Mékong. Or sa propriété se révèle incultivable, envahie régulièrement par la mer, malgré le barrage qu'elle tente d'ériger contre le Pacifique. La mère, proche de la folie, manifeste une vraie préférence pour le frère aîné qui, longtemps après, finira de la dépouiller. À l'âge de douze ans, Marguerite connaît une crise très grave avant son départ pour le pensionnat de Saigon. Elle y est fascinée par la beauté et l'histoire d'une femme de la colonie européenne, Elizabeth Striedter, qui deviendra dans son œuvre Anne-Marie Stretter. Elle y rencontre celui qui sera l'amant chinois.

Son retour en France[...]

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Aliette ARMEL, « DURAS MARGUERITE (1914-1996) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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Marguerite Duras

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Marguerite Duras (1914-1996), romancière et cinéaste française, photographiée ici en 1961.

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