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FUTURISME

En France, le futurisme italien a souvent fait l'objet d'un intérêt condescendant. Or rien ne peut légitimement fonder cette attitude : l'intensité plastique des œuvres, l'ampleur et la nouveauté des attendus théoriques, la contribution majeure du mouvement à l'essor des avant-gardes apparaissent indiscutables.

Dans leur perpétuel souci d'innovation, les futuristes ne songèrent rien moins qu'à plaire, utilisant de façon retentissante les ressources de la provocation, du scandale, voire de la violence. Ils se firent les chantres intolérants d'une modernité agressive symbolisée par la machine et par des valeurs plus abstraites liées au mouvement et au dynamisme. Aucun domaine des arts plastiques ne leur fut indifférent ; mieux, ils en questionnèrent les limites et étendirent leur pratique à l'écriture, à la musique, au théâtre, au cinéma et au décor.

L'épopée futuriste

La préhistoire du mouvement débute à Rome en 1901 ; Umberto Boccioni et Gino Severini deviennent les élèves du peintre Giacomo Balla, qui les initie au divisionnisme. En 1906, tandis que Severini s'installe à Paris, Boccioni entame un large périple européen qui s'achève l'année suivante à Milan. Là se noueront bientôt d'autres amitiés picturales : avec Carlo Carrà, puis Luigi Russolo, Romolo Romani et Aroldo Bonzagni. Cette même année 1909 se produit encore la rencontre décisive avec Marinetti, le remuant directeur de Poesia, dont Le Figaro a publié le 20 février précédent le manifeste fondateur.

Les fondateurs du futurisme - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Les fondateurs du futurisme

Le futurisme - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Le futurisme

La communication

Le 11 février 1910 paraît sous forme de tract publié par Poesia la proclamation : Agli artisti giovani d'Italia (connu comme Manifeste des peintres futuristes). Marinettien dans sa forme agressive, le texte est cosigné par les « Milanais » Boccioni, Carrà, Russulo et s'adjoint les noms de Severini puis de Balla. Suit, le 11 avril, La Peinture futuriste (dit Manifeste technique) qui précise les options thématiques et esthétiques du groupe. Plusieurs dizaines de manifestes artistiques se succéderont jusqu'à la fin de la guerre : sur la sculpture (Boccioni, 1912 et 1913), l'architecture (Sant'Elia, 1914), la photographie (Bragaglia, 1911), le cinéma (Balla, Corra, Chiti, Ginna, Marinetti, Settimelli, 1912), la musique (Pratella, 1911) et le bruitisme (Russolo, 1913), la danse (V. de Saint-Point, 1914)... Il n'y a guère de thèmes de la vie sociale, politique et morale, littéraire, artistique ou scientifique qui ne soient abordés dans la perspective futuriste.

Les futuristes ne manquent aucune occasion de s'exprimer au cours de soirées organisées dans les capitales italiennes. Ils lisent textes et manifestes, se délectent de « la volupté d'être sifflés » et y échangent « presque autant de coups de poing que d'idées » (celui de Boccioni, qui « fait merveille », se verra célébré dans une sculpture de Balla). Ils possèdent néanmoins l'art de communiquer et, se servant abondamment de la presse qui ne saurait les ignorer, se répandent dans toute l'Europe en interviews, déclarations et conférences. Si Poesia, devenu en 1909 « organe du futurisme », disparaît dès la fin de l'année, les éditions qui lui survivent diffusent largement tracts et brochures. Un peu plus tard, Lacerba – fondé à Florence en 1913 par Giovanni Papini et le peintre écrivain Ardengo Soffici – deviendra rapidement un lieu d'expression et de polémique pour le mouvement, mais également le support d'expériences graphiques telles les parolibere (« mots en liberté »).

Les expositions

Les expositions du groupe répondent à sa volonté de communication publicitaire et tapageuse. Si en 1911 à Milan on lacère La Risata de Boccioni, l'accueil du milieu international semble plus favorable. Partant en 1912 de la galerie parisienne Bernheim-Jeune,[...]

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Écrit par

  • : réalisateur et critique de cinéma
  • : professeur émérite des Universités, président du centre de recherche Pierre-Francastel
  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Grenoble

Classification

Pour citer cet article

Jean-Louis COMOLLI, Claude FRONTISI et Claude KASTLER. FUTURISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Les fondateurs du futurisme - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Les fondateurs du futurisme

Le futurisme - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Le futurisme

Marinetti - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Marinetti

Autres références

  • LE FUTURISME À PARIS (exposition)

    • Écrit par Henri BEHAR
    • 1 016 mots

    À Paris, le Centre Georges-Pompidou présentait, du 15 octobre 2008 au 26 janvier 2009, une exposition consacrée au Futurisme à Paris, significativement sous-titrée, d'après Mikhaïl Larionov, « une avant-garde explosive ». Elle se transportera ensuite à Rome (Scuderie al Quirinale) puis...

  • FUTURISME. MANIFESTES, DOCUMENTS, PROCLAMATIONS, Giovanni Lista - Fiche de lecture

    • Écrit par Jacinto LAGEIRA
    • 964 mots
    • 1 média

    L'anthologie Futurisme. Manifestes, documents, proclamations a été mise au point par Giovanni Lista, l'un des meilleurs spécialistes du mouvement futuriste, auquel il a consacré une douzaine d'ouvrages. Elle comporte les principaux textes des protagonistes écrits entre 1909 et 1930, ainsi que...

  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    ...alors une dimension nouvelle au cubisme, à partir de laquelle les affichistes à leur tour vont déployer leurs recherches au cours des années 1920. Les futuristes, quant à eux, diffusent internationalement, livres, manifestes et affiches, prônant une « nouvelle conception de la page typographiquement...
  • AVANT-GARDE EST-EUROPÉENNE

    • Écrit par Andrzej TUROWSKI
    • 8 086 mots
    ...l'approche des problème posés par l'art moderne. Les déclarations expressionnistes se sont raréfiées au profit de l'attraction exercée par la dynamique futuriste et par le jeu dadaïste. Ces deux tendances engendrent une attitude générale par rapport à l'art plutôt qu'elles n'aboutissent à des solutions...
  • BALLA GIACOMO (1871-1958)

    • Écrit par Maïten BOUISSET
    • 655 mots

    Signataire avec Boccioni, Carrá, Russolo et Severini du Manifeste des peintres futuristes, le 11 février 1910 à Milan, Giacomo Balla est le plus âgé du groupe. Né à Turin, Balla décide très tôt de sa vocation de peintre. Autodidacte, il ne suivra que quelques cours de dessin ; il travaille chez...

  • BOCCIONI UMBERTO (1882-1916)

    • Écrit par Maïten BOUISSET
    • 637 mots
    • 3 médias

    « Il n'y a qu'une loi pour l'artiste, c'est la vie moderne et la sensibilité futuriste », écrivait Umberto Boccioni, qui est incontestablement, avec le poète Marinetti, le protagoniste le plus important et la figure la plus complète du mouvement futuriste : il en fut le théoricien le plus lucide,...

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Voir aussi