TRAVAIL/TECHNIQUE (notions de base)

Le travail humain est-il dès l’origine « technicien », ou est-il devenu technique au fil des millénaires ? Parce que les liens entre le travail et la technique n’ont cessé d’évoluer au cours de l’histoire, une réponse univoque ne peut être donnée. Pour Aristote (env. 385-322 av. J.-C.) la technè, même si elle ne peut atteindre l’universalité qui est le propre de la theôria, c’est-à-dire du savoir théorique, surpasse de très loin les savoir-faire empiriques qui ne se construisent que sur la répétition des observations, ignorant le « pourquoi » des choses. L’exemple favori employé par Aristote pour préciser cette différence est celui de la médecine. Elle n’est pas une science au sens strict, puisqu’elle a affaire aux individus singuliers, mais elle s’appuie pour les soigner sur une connaissance générale du corps humain que le médecin, « homme de l’art », a la capacité d’adapter aux particularités de ses patients.

Une spécificité humaine

Le travail a acquis chez les philosophes des trois derniers siècles un statut éminemment positif. Seul l’homme semble capable d’utiliser des outils : même si quelques animaux peuvent se servir très ponctuellement d’instruments pour accomplir une tâche, aucun ne conserve l’instrument une fois la tâche accomplie. Karl Marx (1818-1883) insiste sur cette spécificité humaine : « Nous voyons que le travailleur s’empare immédiatement non pas de l’objet, mais du moyen de son travail. » Cette particularité du travail humain ne donne-t-elle donc pas à notre espèce la capacité de dominer la nature ? Même si la modernité a accentué cette dimension, elle n’était pas inconnue de la philosophie antique, comme le montre le mythe de Prométhée rapporté par Platon (env. 428-env. 347 av. J.C.) dans le Protagoras.

Mais, pendant des millénaires, le travail a surtout été envisagé dans ses caractéristiques négatives, voire considéré comme une punition infligée aux hommes pour leur désobéissance, si l’on en croit la Genèse ou l’étymologie du mot « travail » (du latin trepalium, instrument de torture).

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Il en va de même pour la technique. Elle acquiert chez Aristote un statut très positif en dépassant le bas niveau des savoir-faire empiriques. Mais, en se développant de façon considérable depuis les temps modernes, elle est souvent dénoncée comme aliénante. L’humanité donne l’impression d’en perdre la maîtrise. En se soumettant à ce que Jacques Ellul (1912-1994) qualifiait de « système technicien », elle semble devenir l’esclave des procédés élaborés pour se libérer des contraintes naturelles.

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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