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GILLES, Pierre Drieu la Rochelle Fiche de lecture

Lorsqu'en 1937, Drieu la Rochelle (1893-1945) entreprend la rédaction de Gilles, son ambition est de parvenir à un livre-somme qui, par l'ampleur de son propos, l'installe enfin au rang des grands écrivains de son temps, aux côtés d'Aragon, de Malraux ou de Montherlant. Certes, à l'âge de quarante-quatre ans, il a déjà publié une douzaine d'ouvrages de fiction dont L'Homme couvert de femmes (1925), Le Feu follet (1931), Rêveuse Bourgeoisie (1937). Mais ces courts récits ou ces recueils de nouvelles, par leur brièveté, leur inspiration largement autobiographique, lui ont donné l'image d'un auteur un peu dilettante, davantage réputé pour son existence de dandy et de séducteur ou ses positions politiques que par sa puissance d'écriture.

C'est pourquoi, durant deux ans, il se consacre presque exclusivement à ce roman de bientôt 700 pages dont le but est de dresser, à travers l'itinéraire d'un personnage central qui est une image possible de lui-même, une vaste rétrospective de la France intellectuelle et politique de l'entre-deux-guerres, où « toute sa génération se retrouvera de gré ou de force ». Ce retour dans le passé contraint Drieu à opérer une douloureuse plongée en lui-même et à revivre ses drames les plus intimes, toutes les figures féminines de son récit étant imaginées à partir de celles qui ont marqué sa vie, à commencer par sa première femme, Colette Jéramec : « J'ai eu des moments angoissants [...] Pour moi, la littérature ce n'est pas un métier, c'est comme un vice ou un sport mortel. »

Du dandysme au fascisme

Cette épreuve accentue la noirceur d'un ouvrage qui entend retracer non pas l'insouciance des années folles, mais le long processus de décadence qui, aux yeux de l'auteur, conduit en 1938, à l'aube d'un nouveau conflit mondial, à sonner « le glas de la France ». « Pour nous qui avons, chacun pour notre part, vécu ce drame, Gilles est un livre important, essentiel, vraiment chargé d'un terrible poids de souffrance et d'erreur », écrit Mauriac. Mais, s'il apparaît tourmenté et même « sinistre » selon Drieu, Gilles est aussi un très classique roman d'éducation.

Blessé au combat, le jeune Gilles Gambier se retrouve, en 1917, en permission à Paris. Sans famille ni ressources, il sollicite l'aide de la famille de camarades morts dans les tranchées : les frères Falkenberg, fils d'un riche homme d'affaires. Leur sœur, Myriam, s'éprend de lui et l'entretient. Gilles ne l'aime pas et lui préfère la jeune Mabel. Toutefois, quand, après le suicide de son père, Myriam devient une riche héritière, il décide cyniquement de l'épouser. Au lendemain d'un mariage à peine consommé, il quitte sa femme, rejoint l'armée et tombe amoureux d'Alice, une infirmière qu'il abandonne à son tour.

La guerre finie, Gilles, grâce à l'argent de son ex-femme, mène une vie oisive et mondaine. Il fréquente Gilbert de Clérences, futur député radical, dont la femme, fille du président de la République, Morel, a été sa maîtresse, et le demi-frère de Gilbert, Cyrille Galant, qui lui fait connaître le groupe Révolte, mouvement politico-esthétique dirigé par Caël, personnage qui tient à la fois du gourou et du directeur de conscience. Ces relations l'entraînent malgré lui dans un complot contre Morel, feuilleton tragi-comique au cours duquel le fils de Morel se suicide. Écœuré par la comédie grotesque qui l'entoure, désespéré par le départ de Dora, une Américaine mariée et mère de famille à laquelle il vouait une vraie passion, Gilles fuit la France.

Réfugié dans le désert algérien, il rencontre Pauline, dont la saine simplicité lui redonne le goût de vivre. Revenu à Paris, il fonde un journal d'opinion, L'Apocalypse[...]

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

Classification

Pour citer cet article

Philippe DULAC. GILLES, Pierre Drieu la Rochelle - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DRIEU LA ROCHELLE PIERRE (1893-1945)

    • Écrit par Dominique FERNANDEZ
    • 1 165 mots
    Cette remarque vaut particulièrement pour Gilles (1939), le grand roman autobiographique où Drieu a raconté, avec le minimum de transposition, plusieurs de ses aventures féminines. Gilles, amateur de prostituées comme tous les hommes marqués précocement par une dissociation entre l'amour et la sexualité,...

Voir aussi