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HUMANITÉ

L'humanité est d'abord la qualité de l'être humain, autrement dit la nature humaine. Pour préciser en quoi consiste cette qualité, d'autres sens du mot peuvent nous guider. Ce terme désigne aussi la bienveillance ou la compassion (la vertu d'humanité), la culture comprise comme perfection de l'humanité, la politesse, la civilité, le savoir-vivre. Employé au pluriel, il couvre les studia humanitatis, les disciplines qui cultivent l'homme. Homo humanissimus caractérise en latin l'homme très cultivé, parfaitement accompli (Cicéron). Le simple redoublement qui permet de dire homo humanus est particulièrement significatif : il ne suffit pas d'être homme, il faut être humain. La véritable humanité se manifeste dans le perfectionnement culturel et éthique que l'homme apporte à ce qu'il est. Mais en même temps, un sujet doit déjà être doté d'« hominité » pour que puisse advenir l'humanité. Cette idée d'humanité a longtemps nourri la culture et la philosophie occidentales, tout en donnant lieu à des interprétations très différentes.

Les progrès de l'humanité

Dans la pensée gréco-latine, l'humanité aborde bien les questions de civilité et de culture. Mais celles-ci ne prétendent à rien d'autre qu'à aider la nature à s'accomplir et à atteindre sa perfection. Elles supposent en particulier que les êtres humains parviennent à se tenir à leur place au sein du cosmos, sans rivaliser avec les dieux.

Le christianisme a très profondément modifié la portée de l'accomplissement humain. Mais il n'a pas véritablement changé les assises du mot. L'humanité est la qualité que l'homme est supposé atteindre dans la réalisation de sa nature, laquelle a été créée par Dieu. Mais cet accomplissement, éthique et spirituel plus encore que culturel, s'avère plus complexe puisqu'il suppose une tension avec le monde lui-même, dans lequel l'homme connaît d'abord la déchéance, et où il a besoin du secours de Dieu pour restaurer et parfaire sa nature. Dès lors, la perfection de l'humanité n'appartient pas au monde que l'homme connaît.

L'humanisme de la Renaissance renoue avec l'idéal de la culture antique, mais le sens de la modération qui sied à l'homme dans le cosmos ou devant Dieu fait place à la perspective d'un regnum hominis (une royauté de l'homme), autrement dit d'un pouvoir de l'homme lui-même en matière d'humanité. La culture n'est plus comprise simplement comme le soin que l'on prend de la nature humaine pour qu'elle atteigne sa perfection, mais devient l'action de former et de produire l'humanité. Entre-temps s'est imposée une conception mécaniste de la nature : l'homme ne peut s'accomplir sans entrer dans le jeu des rapports de force où son esprit se forme et progresse en s'opposant à elle. Si l'accomplissement de l'homme repose sur l'homme lui-même, il faut distinguer en lui le sujet actif, l'instance qui impose la forme humaine à ce qui est initialement nature, en lui et hors de lui. L'accomplissement de la nature humaine ne se fait pas sans transformation de cet état initial. On peut toujours penser, comme Kant, que la nature elle-même fait que l'homme s'accomplit, même si celui-ci ne le veut pas. Mais ce qui fait l'humanité de l'homme, c'est l'esprit qu'il est lui-même et qui finit par vouloir être humain.

Dans la langue latine, humanitas ne signifie pas « espèce humaine », et le terme « humanité » ne prend ce sens qu'à partir du xviie siècle. Dans la pensée antérieure, l'humanité s'accomplit dans une communauté universelle qui comprend d'autres êtres que les hommes, ou bien au-delà de ce monde : en Dieu même. Quand l'humanité relève d'un pouvoir[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Bourgogne

Classification

Pour citer cet article

Hubert FAES. HUMANITÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

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