LITTÉRATURE FRANÇAISE CONTEMPORAINE
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- Écrit par Dominique VIART
L’essor des non-fictions
Non seulement la littérature semble se rapprocher plus fortement de la vie effective et nourrir désormais moins d’imaginaires fantaisistes, mais l’écriture du réel et l’écriture de l’histoire se satisfont de moins en moins du détour fictionnel. La littérature contemporaine est ainsi marquée par la montée en puissance des non-fictions, qui entendent témoigner de réalités avérées plutôt qu’inventées. Dans le champ historique, ce sont d’abord les témoignages et œuvres de mémoire. Le documentaire Shoah de Claude Lanzmann et les procès des anciens nazis ou collaborateurs ont favorisé, à partir des années 1990, une multiplication de récits et de témoignages. Marguerite Duras rapporte dans La Douleur (1985) l’attente de Robert Antelme pendant l’Occupation et son retour à la vie. Patrick Modiano tente dans Dora Bruder (1997) de restituer l’itinéraire d’une jeune fille juive disparue. Certains, comme Georges-Arthur Goldschmidt, racontent leur propre histoire ou en font la matière d’œuvres théâtrales (Jean-Claude Grumberg). Mais les témoignages littéraires ne se limitent pas à ce seul domaine historique. Après Robert Linhart, d’autres « établis » rapportent leurs expériences de l’usine (Jean Rolin, Jean-Pierre Martin, Daniel Rondeau, Jean-Pierre Le Dantec). Chaque événement majeur apporte ses livres : catastrophe nucléaire (Michaël Ferrier, Fukushima, récit d’un désastre, 2012), tsunami et cancer (Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne, 2009), migrations (Patrick Chamoiseau, Frères migrants, 2017), explosion du port de Beyrouth et crise économique libanaise (Charif Majdalani, Beyrouth 2020. Journal d’un effondrement, 2020). Certains d’entre eux, autour de l’inceste (Camille Kouchner, La Familia grande) et de la pédophilie (Vanessa Springora, Le Consentement) notamment, suscitent prises de conscience et débats de société. La littérature retrouve alors une fonction d’alerte sociale qu’elle avait un peu délaissée après les grandes années de l’engagement sartrien et de l’écrivain « en situation ».
Emmanuel Carrère
Stephane Grangier/ Corbis/ Getty Images
Au-delà des témoignages, nombre de non-fictions se donnent pour objet des événements historiques (l’assassinat de Heydrich dans HHhH de Laurent Binet, 2010 ; l’histoire du camp de Terezin dans Une Île, une forteresse d’Hélène Gaudy, 2015) ou des faits divers (Emmanuel Carrère dans L’Adversaire, 2000) ; Ivan Jablonka dans Laetitia ou la Fin des hommes, 2016 ; Philippe Jaenada dans plusieurs de ses ouvrages) mais préfèrent raconter les investigations auxquelles se livrent les écrivains plutôt que de produire le récit reconstitué – ou fictionnalisé – de l’événement choisi. Ces littératures « de terrain », ainsi qu’on les nomme en référence au « travail de terrain » (fieldwork) des sciences sociales, inaugurent un nouveau type de rapport avec ces disciplines dont elles ne partagent plus seulement l’objet ou les concepts, mais aussi les pratiques : fouille d’archives, déplacements in situ, documentation, collecte de récits, entretiens. Les écrivains restituent leurs recherches et investigations comme telles. Au lieu d’en nourrir leurs fictions, ils font de ces enquêtes la matière même de leurs livres. Ils s’y impliquent personnellement, exposent leurs rencontres, livrent leurs hypothèses, fausses pistes, découvertes, erreurs ou errances.
Le large développement de cette forme nouvelle s’orchestre à partir de lieux à découvrir. À la manière de Georges Perec, avec sa Tentative d’épuisement d’un lieu parisien (la place Saint-Sulpice), leurs auteurs investissent la gare du Nord (Joy Sorman) ou Montparnasse (Martine Sonnet) ; ils parcourent plus largement les territoires de la France (Jean-Christophe Bailly, Michel Chaillou), s’intéressent aux taches blanches demeurées sur la carte IGN de la région parisienne (Philippe Vasset). Les parcours[...]
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Écrit par
- Dominique VIART : professeur des Universités, université Paris Nanterre, Institut universitaire de France
Classification
Pour citer cet article
Dominique VIART. LITTÉRATURE FRANÇAISE CONTEMPORAINE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )
Article mis en ligne le et modifié le 07/12/2022
Médias
Chute du Mur de Berlin
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L’Acte inconnu, V. Novarina
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Jean Echenoz
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