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NOMBRES (THÉORIE DES) Nombres algébriques

Idèles et adèles

Dans ses recherches sur les formes quadratiques à coefficients dans un corps de nombres algébriques k, en vue d'étendre un résultat de Minkowski, Hilbert avait été conduit à considérer simultanément des congruences modulo les puissances des idéaux premiers du corps, et les équations correspondantes dans R ou dans C, provenant des divers plongements de k ; il appelait place de k un idéal premier de k, ou bien un plongement de k dans R ou dans C, ces dernières places étant qualifiées de « places à l'infini ». Takagi (1920), dans ses démonstrations des conjectures de Weber en théorie du corps de classes, a modifié la notion de diviseur telle que nous l'avons introduite plus haut, de manière à inclure les places à l'infini : selon Takagi, un diviseur est un symbole m = p1n1p2n2 ... prnr, avec ni ∈ N, les pi étant des places finies (= idéaux premiers) ou non. Dans les diviseurs fractionnaires, on admet des exposants ni négatifs, et on a ainsi un groupe multiplicatif ; à un diviseur entier m, on associe le groupe Am des diviseurs fractionnaires premiers à m, et le sous-groupe Hm des diviseurs principaux congrus à 1 modulo m, c'est-à-dire congrus à 1 modulo pini pour tout i tel que pi soit un idéal premier, et d'image positive pour toute place à l'infini réelle pi. Les groupes de classes d'idéaux de Weber sont alors remplacés par les groupes de classes de diviseurs Am/Hm et leurs quotients de la forme Am/Hm ( NK/k(Am(K)), où K est une extension galoisienne finie de k, Am(K) est le groupe des diviseurs fractionnaires de K premiers à m, et NK/k est la « norme relative » ; si l'ordre du groupe quotient précédent est égal au degré (K : k), K est un corps de classes au sens de Takagi, et son groupe de Galois sur k est isomorphe à ce quotient. Toute extension abélienne de k est un corps de classes pour un certain diviseur m, que l'on peut choisir minimal (le « conducteur » de K).

Une théorie analogue, mais beaucoup plus simple, a été développée par Hasse (1929-1930), en considérant, au lieu du corps de nombres algébriques k son complété kp pour la valuation associée à l'idéal premier p ; ce corps kp est une extension finie du corps p-adique Qp, où p est le nombre premier que p divise (cf. théorie des nombres - Nombres p-adiques), et il a des propriétés analogues : son anneau op des entiers, éléments de valuation ≥ 0, est principal et il a un seul idéal premier non nul, engendré par p. La théorie du corps de classes local de Hasse établit une correspondance bijective entre les sous-groupes d'indice fini H du groupe multiplicatif de kp et les extensions abéliennes finies Kp de kp (ce sont aussi des corps locaux, extensions finies de Qp, et on note P l'unique idéal premier non nul) ; pour une telle extension, H est l'image du groupe multiplicatif de Kp par la norme relative NKp/kp. Les démonstrations de Hasse étaient fondées sur la théorie « globale » de Takagi, mais Chevalley (1933) est parvenu à un exposé autonome de la théorie locale. Il eut ensuite l'idée de récupérer la théorie globale à partir de la théorie locale (1936-1940), en remplaçant les diviseurs de Takagi par les idèles. Un idèle de k est un élément (ξp)p du produit des groupes multiplicatifs de tous les complétés kp de k, p variant dans l'ensemble de toutes les places, y compris les places à l'infini ; pour ces dernières, le complété est R si la place est réelle, et C si la place est imaginaire (d'après un théorème d'Ostrowski (1935), toutes les valeurs absolues possibles sur k sont équivalentes à l'une de celles qui sont définies par les places ; cf. topologie-Topologie algébrique). On impose, de plus, que vpp) = 0 sauf pour un nombre fini de places finies p, en notant vp la valuation correspondante[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'université de Paris-VIII-Denis-Diderot

Classification

Pour citer cet article

Christian HOUZEL. NOMBRES (THÉORIE DES) - Nombres algébriques [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PRIX ABEL 2016

    • Écrit par Yves GAUTIER
    • 1 168 mots
    • 2 médias

    Le 15 mars 2016, l’Académie norvégienne des sciences et des lettres a décerné le prix Abel 2016 au mathématicien anglais Andrew John Wiles « pour avoir démontré de manière éclatante le dernier théorème de Fermat par le biais de la conjecture de modularité pour les courbes elliptiques semi-stables,...

  • ARITHMÉTIQUES (Diophante)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 188 mots

    Diophante d'Alexandrie, parfois appelé le « père de l'algèbre », est connu par son ouvrage les Arithmétiques, qui traite des solutions des équations algébriques. On ne sait pratiquement rien de sa vie et ses dates de naissance et de mort sont très controversées. Les Arithmétiques...

  • ARTIN EMIL (1898-1962)

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 1 319 mots
    La part la plus importante de l'œuvre d'Artin concerne l'étude des corps de nombres algébriques etl'application des résultats obtenus à la théorie des nombres. Pour tout corps de nombres algébriques K, on peut considérer une fonction ζk(s), appelée la fonction zêta de Dedekind, qui...
  • BAKER ALAN (1939-2018)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 338 mots

    Alan Baker, mathématicien britannique, lauréat de la médaille Fields en 1970 pour ses travaux en théorie des nombres, est né le 19 août 1939 à Londres. Il a fait ses études supérieures à l'University College de Londres puis au Trinity College de Cambridge où il soutient sa thèse de doctorat en...

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Voir aussi