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CORPS GRAS

Les corps gras font partie d'un ensemble complexe de composés organiques, les lipides, présents dans les tissus animaux et végétaux. Ce sont des lipides simples, caractérisés par leur insolubilité dans l'eau et leur toucher onctueux.

Au point de vue chimique, les corps gras sont des composés du carbone, de l'hydrogène et de l'oxygène, qui appartiennent à la catégorie des esters, combinaison d'un trialcool, le glycérol, et d'acides organiques particuliers, les acides gras.

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L'histoire des corps gras se confond avec celle de l'humanité. On retrouve des lampes à huile et des chandelles chez les Égyptiens qui connaissaient aussi le pouvoir lubrifiant des huiles, utilisées pour déplacer les matériaux lourds et graisser les essieux des chars. Ils se servaient également des huiles de palme et d'olive. Homère mentionne l'usage de l'huile d'olive pour faciliter le tissage par graissage des fibres. La fabrication du savon était connue du temps des Phéniciens, plusieurs siècles avant notre ère. Pline décrit les savons, et spécifie même qu'il y en a des durs et des mous.

Depuis des millénaires, les huiles sont employées dans la décoration des murs et des maisons, soit en mélange avec des couleurs, soit comme produit de protection des fresques. Dans l'Antiquité, les bateaux étaient rendus étanches par des mélanges de cires, d'huiles et de goudron. Les moulins pour presser les olives étaient connus en Égypte, en Grèce et à Rome. Ces pressoirs se retrouvent en Gaule romaine au iie siècle de notre ère, avec leurs scourtins en fibres végétales. Les usages les plus nobles sont cependant ultérieurs, et débutent au Moyen Âge dans les domaines religieux, médical et artistique.

De la médecine médiévale nous viennent les huiles camphrée, iodée, goménolée. Les vernis transparents apparurent ensuite, à base d'huiles siccatives et de résines naturelles. Les siccatifs ne se répandirent qu'après Van Eyck au xve siècle.

Michel-Eugène Chevreul - crédits : Bettman/ Getty Images

Michel-Eugène Chevreul

Si les propriétés étaient connues, la nature chimique restait mystérieuse. Il faut attendre les travaux de Karl Wilhelm Scheele en 1779 pour savoir que le glycérol fait partie des corps gras. Mais ce n'est que vers 1815 que Michel Eugène Chevreul (1786-1889) prouve la nature chimique exacte d'un corps gras, à savoir une combinaison du glycérol avec des acides gras. Il décrit ses travaux dans l'ouvrage désormais célèbre qui parut en 1823 : Recherches chimiques sur les corps gras d'origine animale. Quelques années plus tard, C. A. Gusserow sépara les acides gras solides des acides gras liquides, montrant ainsi qu'il y avait au moins deux catégories d'acides gras.

C'est après la Première Guerre mondiale que les connaissances sur les corps gras se développent, avec notamment les travaux de T. P. Hilditch, consacrés à la structure glycéridique. À partir de 1950, on avance à la fois dans la connaissance des corps gras et dans les applications aussi bien alimentaires qu'industrielles. De nombreuses techniques nouvelles d'analyse, d'extraction et de transformation permettent de pousser encore plus loin les connaissances.

Principaux corps gras

Huiles et graisses sont très largement distribuées dans le monde vivant, que ce soit dans le règne animal, le règne végétal ou chez les micro-organismes. Il est tout à fait improbable de rencontrer un être vivant dépourvu de lipides. Chez les animaux, la fonction principale des corps gras est de constituer une réserve d'énergie. Mais ils possèdent des rôles plus discrets, comme l'apport d'éléments indispensables. Les graisses présentent également la propriété d'être un isolant thermique disposé sous le derme des animaux.

Dans le règne végétal, les lipides sont le plus souvent concentrés dans le fruit, pour permettre à l'embryon de disposer d'une source d'énergie nécessaire à son développement.

Végétaux couramment employés pour l'alimentation et l'industrie

Oléagineux alimentaires

L' arachide (Arachis hypogaea), de la famille des Papilionacées, est une plante herbacée annuelle. Les principaux pays de culture sont l'Inde, la Chine, les États-Unis, l'Indonésie et le Sénégal. Curieusement, les fruits de cette plante mûrissent en terre. Après enlèvement de la coque ligneuse, il reste deux graines revêtues d'une fine pellicule brune : leur teneur en huile est de l'ordre de 50 p. 100. L'arachide est un oléagineux dont la production se situait au troisième rang mondial en 1989 avec 23 millions de tonnes par an.

Le soja (Glycine hispida) est également une Papilionacée. Cette plante est connue depuis près de quatre mille ans. La graine de soja est assez pauvre en huile, de l'ordre de 20 p. 100. C'est de loin le premier oléagineux à être consommé, avec une production mondiale de plus de 107 millions de tonnes en 1989, fournie principalement par les États-Unis, le Brésil et la Chine. Le tourteau est riche en protéines utilisées pour l'alimentation du bétail, et, parfois, pour l'alimentation humaine. Sa culture en France, encore peu étendue, est en croissance constante.

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Le tournesol (Helianthus annuus) est une plante annuelle de la famille des Astéracées. La « fleur » du tournesol est en fait un ensemble de petites fleurs disposées en rosace sur un support ou capitule. Au moment de la fructification, on ne compte pas moins de trois cents graines, et parfois beaucoup plus, qui fournissent une huile destinée à l'alimentation. La production mondiale était de l'ordre de 22 millions de tonnes en 1989, ce qui met cet oléagineux au quatrième rang. Les principaux pays producteurs étaient l'U.R.S.S., l'Argentine et l'Europe centrale. En France, la culture du tournesol est très développée ; sa production arrive au premier rang.

Champ de tournesols - crédits : Images Etc Ltd/ The Image Bank/ Getty Images

Champ de tournesols

Tournesols - crédits : Naomi Rahim/ Moment/ Getty Images

Tournesols

Acides gras usuels - crédits : Encyclopædia Universalis France

Acides gras usuels

Le colza (Brassica napus, variété oleifera) est une Brassicacée herbacée annuelle connue depuis le Néolithique. Il est cultivé en Chine et en Inde principalement, mais aussi en Europe centrale, au Canada et en France. Il représentait en 1989 le cinquième oléagineux par sa production mondiale annuelle, qui était estimée à 21,7 millions de tonnes. Avant 1970, la composition de l'huile de colza était différente : à la place de l' acide oléique on trouvait l' acide érucique, acide gras suspecté de provoquer des lésions du myocarde. Depuis 1975, les généticiens ont mis au point des variétés de colza dont l'huile ne renferme plus d'acide érucique.

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Le cotonnier (Gossypium, famille des Malvacées) existe à l'état sauvage dans les deux hémisphères. Cinq espèces sont cultivées. Avec 32 millions de tonnes produites en 1989, l'huile de coton occupait la deuxième place dans le monde. Les principaux producteurs étaient la Chine, l'Union soviétique, les États-Unis, l'Égypte et l'Amérique du Sud. Dans le coton, l'huile est un sous-produit (environ 20 p. 100 en poids par rapport à la graine).

Le palmier à huile (Elaeis quineensis, famille des Palmacées) fournit à la fois l' huile de palme et l' huile de palmiste. Les fruits sont des drupes disposées sur un régime qui peut en contenir 1 500 pour un poids de 15 kg en moyenne. Le mésocarpe, ou partie charnue du fruit, contient l'huile de palme. Le noyau est une coque dure qui renferme le palmiste, graisse végétale de composition différente de celle de l'huile. Le palmier à huile est particulièrement cultivé en Afrique, en Indonésie et en Malaisie. Avec une production mondiale de 10 millions de tonnes, l'huile de palme était, en 1989, le sixième corps gras au monde.

Le coprah est fourni par le cocotier (Cocos nucifera), grand palmier de la famille des Palmacées. Les noix de coco sont groupées en régimes de dix à quinze fruits. La noix possède une coque dure et fibreuse qui protège une amande pulpeuse et blanche baignant dans un liquide laiteux. L'amande séchée renferme 60 p. 100 d'huile. La culture des cocotiers pour la récolte du coprah est surtout équatoriale : Philippines, Indonésie et Inde. Avec une production mondiale de 4,8 millions de tonnes en 1989, la culture du coprah est en stagnation.

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L' olivier (Olea europea, famille des Oléacées) existe dans une aire de culture qui définit la zone méditerranéenne, laquelle couvre les pays du Moyen-Orient, ceux du Maghreb, l'Espagne, la Grèce, l'Italie et la France. Cependant, on retrouve l'olivier au Portugal, en Californie et en Amérique du Sud. La production mondiale était de l'ordre de 9,5 millions de tonnes en 1989, dont un peu plus du centième pour la France. L' olive renferme de 35 à 50 p. 100 d'une huile dont la couleur varie du jaune d'or au vert foncé selon les variétés. L'huile d'olive de première pression (cf. Extraction) est un produit souvent fraudé, mais les méthodes modernes d'analyse permettent de déceler les adultérations à un niveau très bas.

Oléagineux industriels

Cette catégorie de corps gras est particulièrement importante sur le plan économique, car on s'accorde volontiers à reconnaître leur caractère irremplaçable. Des corps gras déjà cités pour leur usage alimentaire sont également utilisés dans l'industrie : les huiles de soja, de coprah, de colza ancien, ainsi que de palmiste. Deux huiles sont cependant dévolues uniquement aux applications industrielles : le lin et le ricin.

Le lin (Linum usitatissimum) est une herbacée de la famille des Linacées. Originaire du Caucase, le lin est cultivé dans le monde entier, mais principalement en U.R.S.S., en Argentine, en Inde et aux États-Unis. L'huile de lin est dite siccative, c'est-à-dire qu'elle est capable de sécher à l'air lorsqu'elle est déposée en couche mince, d'où son emploi dans l'industrie des peintures et vernis. Cette propriété est due à la présence des acides linoléique et linolénique.

Ricin (fruits) - crédits : CSP_Patrick16/ Fotosearch LBRF/ Age Fotostock

Ricin (fruits)

Le ricin (Ricinus communis) est une Euphorbiacée arbustive des régions tropicales. Les principaux pays producteurs sont l'Inde, le Brésil, l'U.R.S.S. et la Chine. L'huile de ricin est unique parmi toutes les huiles à cause d'un acide gras qui comporte une fonction alcool. Les usages de l'huile de ricin sont nombreux et variés : hauts polymères, lubrifiants, peintures et vernis.

Oléagineux pharmaceutiques et cosmétiques

Il est fait appel à un certain nombre de corps gras, soit comme excipient, soit comme source de substance active (amande douce, noisette, avocat, ricin, karité et cacao).

Depuis peu, la médecine s'intéresse à des huiles végétales rares – onagre, bourrache, cassis – qui se caractérisent par la présence d'acide gamma-linolénique. Cet acide gras joue un rôle important dans la biosynthèse des prostaglandines.

Corps gras animaux

Le plus connu et le plus usité des corps gras animaux est certainement le beurre. Contrairement aux corps gras cités précédemment, le beurre est une émulsion contenant environ 18 p. 100 d'eau dispersée dans la phase grasse. La production est de l'ordre de 7 millions de tonnes.

Tous les mammifères accumulent des corps gras entre chair et peau. Les principaux sont le suif de bœuf, le saindoux du porc, la graisse de mouton et celle de cheval. Le suif possède plusieurs qualités : la meilleure est destinée à l'alimentation, les autres aux utilisations industrielles. La production mondiale des graisses animales atteint 6,5 millions de tonnes.

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Dans le monde marin aussi, les corps gras sont abondants. Chez la baleine, la couche de graisse atteint une épaisseur de 30 cm sous la peau. Entre les deux guerres, la graisse de baleine servait à la confection de la margarine. Les baleines sont protégées, mais l'homme a su trouver ailleurs les corps gras qui lui étaient nécessaires.

Dans les pays nordiques, les animaux marins ont toujours constitué la principale source de corps gras. La production mondiale est de l'ordre de 1,4 million de tonnes à partir principalement du hareng et du menhaden. D'autres poissons ne sont pêchés que pour leur foie riche en vitamines (morue, flétan).

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Écrit par

  • : docteur ès sciences; directeur de recherche au C.N.R.S.

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Michel-Eugène Chevreul - crédits : Bettman/ Getty Images

Michel-Eugène Chevreul

Champ de tournesols - crédits : Images Etc Ltd/ The Image Bank/ Getty Images

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Tournesols - crédits : Naomi Rahim/ Moment/ Getty Images

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