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MUSÉE

Consacrer les artistes (xixe siècle)

Groupe d’Athéna, frise du Grand Autel de Pergame - crédits : Erich Lessing/ De Agostini/ Getty Images

Groupe d’Athéna, frise du Grand Autel de Pergame

La politique muséale de l’ère napoléonienne, loin de se limiter à des mesures de spoliation, suscita des fondations dans la plupart des pays annexés ou vassaux, par l'intermédiaire des frères de l'Empereur et des généraux investis ici et là du pouvoir (1808, Rijksmuseurn d'Amsterdam ; 1809, Pinacothèque de Brera à Milan ; 1809-1819, musée du Prado à Madrid). Pour parer aux réquisitions éventuelles des commissaires français, certaines villes avaient ouvert à la hâte leurs propres musées dès l'époque de la Révolution : c'est le cas de Bologne (1796) et d'Anvers (1797), mais l'exemple impérial fut plus déterminant encore que les menaces de spoliation. Vers 1850, la quasi-totalité des grandes collections royales était devenue accessible au public, voire installée dans de nouveaux bâtiments. Ainsi du musée de Frédéric-Guillaume III à Berlin, dit aussi Altes Museum, point de départ du fameux Museuminsel, premier grand complexe européen qui devait regrouper par la suite le Kaiser-Friedrich Museum, le Deutsches Museum, la National galerie et le Pergamonmuseum ; les Alte et Neue Pinakothek de Munich, l'Ermitage de Saint-Pétersbourg. Fondée en 1824, la National Gallery de Londres fut installée dans ses locaux actuels en 1838.

Il s'agit là essentiellement de musées d'art, ensembles d'une richesse exceptionnelle, réunis au cours des siècles par des générations de princes amateurs ou simplement avides du surcroît de gloire que peut conférer la possession d'un riche patrimoine artistique. Ouverts au public, ils s'adressaient en priorité aux artistes eux-mêmes, auxquels ils fournissaient des modèles stimulants, éléments de référence d'un enseignement pour longtemps encore fondé sur l'admiration des maîtres et la pratique de la copie, conformément à l'idée de certains fondateurs, tel Federico Borromeo à l'Ambrosienne de Milan, idée reprise par les théoriciens et les critiques des Lumières.

En France, le xixe siècle vit aussi l’apparition d'une institution tout à fait originale dans sa spécificité : le musée d'art contemporain. En effet, à partir de 1818, le musée du Luxembourg – bien avant le Musée national d'art moderne (qui ouvrira ses portes en 1937) – accueillait des œuvres d’artistes vivants et fondait ainsi la notion ambiguë d'« art des musées », terme d'adulation ou de mépris selon les cas, désignant à la fois l'héritage du passé et ce qui, de la production de l’époque, était jugé digne de le rejoindre ou prétendait le continuer, tel l'art pompier… Institutions publiques, les musées offraient dès lors aux artistes, plus que les collections des académies destinées à leur formation et à leur sélection, la consécration suprême : une place dans l'histoire de l'art. Ce pouvoir d'arbitrer en dernier ressort les préférences manifestées par les critiques, les collectionneurs et les marchands, qui donna lieu, au gré des changements d'éthique et de mode et par suite de la timidité ou de l'audace des conservateurs, à autant d'injustices – le plus souvent, il est vrai, réparées avec le temps – que de reconnaissances méritées (songeons seulement à la destinée contraire des œuvres de Daumier et de Meissonier), explique en partie le rapport ambigu, de fascination et de dédain tout à la fois, qu'entretiennent de nos jours encore les artistes avec l'institution.

La montée d'une histoire de l'art représentée, en dépit des retards et des lacunes, par les musées, laissait par ailleurs pressentir tous les mouvements d'avant-garde et de rupture avec le passé qui n'ont cessé de marquer la création depuis plus d'un siècle. L'entrée au musée des formes d'expression les plus contestataires par rapport[...]

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Pour citer cet article

Robert FOHR. MUSÉE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence - crédits : Paolo Gallo/ Shutterstock

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence

<em>Cabinet d’art et de curiosités</em>, Frans Francken II le Jeune. - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Cabinet d’art et de curiosités, Frans Francken II le Jeune.

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican - crédits : Adam Eastland Art + Architecture/ Alamy/ Hemis

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican

Autres références

  • MUSÉE, NATION, PATRIMOINE 1789-1815 (D. Poulot)

    • Écrit par Robert FOHR
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    Dominique Poulot est l'un des meilleurs spécialistes français de l'histoire des musées, plus spécialement sous la Révolution et au xixe siècle. Parmi les nombreuses études qu'il a consacrées à ce domaine, il faut citer notamment « L'Avenir du passé, les musées en mouvement » (in ...

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    ...du territoire métropolitain ne fit l'objet d'aucune recherche institutionnelle appuyée sur l'Université, et se trouva abandonnée aux notables locaux. Le musée des Antiquités nationales, créé en 1867, ne fut pas en France, comme dans d'autres pays, installé au cœur de la capitale, mais dans sa banlieue,...
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