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MUSÉE

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Avancées muséographiques

La présentation des collections, leur mise en valeur, longtemps réduite à deux partis pris élémentaires – scansion dépouillée et neutre visant à une harmonie d'ensemble ou accumulation décorative (l'accrochage dit « de palais »), voire désordre pittoresque –, a fait l'objet d'une véritable révolution en Italie dans les années 1950-1960 : on en citera comme exemples les aménagements réalisés par l'architecte Carlo Scarpa au palais Abatellis de Palerme en 1953-1954 et au Castello de Vérone en 1964, ainsi que l'agrandissement de la gypsothèque de Canova à Possagno (Trévise), dont il fut chargé en 1956-1957. Dans ce cas, c'est l'unicité de l'œuvre, et non sa situation dans un déroulement historique, qui se trouve exaltée, grâce à des supports et à des éclairages (naturels ou artificiels) individualisés, et une disposition séquentielle à l'intérieur des salles. Certaines œuvres font même l'objet d'un traitement scénographique qui tend à restituer les conditions de « lecture » de leur emplacement d'origine (ainsi la très célèbre statue équestre de Cangrande, perchée sur une potence de béton armé, dans la cour du Castel Vecchio de Vérone).

On peut voir là une manière de réponse au reproche, maintes fois adressé aux musées, d'annuler par des juxtapositions indifférenciées la qualité intrinsèque de l'objet et son pouvoir d'attraction. Le malaise qu'engendre fréquemment chez le visiteur la prodigalité de l'institution a été parfaitement analysé par Paul Valéry : « C'est un paradoxe que ce rapprochement de merveilles indépendantes mais adverses, et même qui sont le plus ennemies l'une de l'autre, quand elles se ressemblent le plus. Une civilisation ni voluptueuse ni raisonnable peut seule avoir édifié cette maison de l'incohérence. Je ne sais quoi d'insensé résulte de ce voisinage de visions mortes. Elles se jalousent et se disputent le regard qui leur apporte l'existence. Elles appellent de toutes parts mon indivisible attention ; elles affolent le point vivant qui entraîne toute la machine du corps vers ce qui l'attire… » Ces propos disent assez bien – la dilection de l'auteur pour les œuvres d’art ne pouvant être mise en doute – à quelle contradiction se trouve confronté le musée : l'accumulation des œuvres, l'impartialité « historienne » qui préside généralement à leur présentation s'accordent assez mal avec le dialogue privilégié que requiert chacune d'elles, avec la jouissance esthétique. Valéry reconnaissait d'ailleurs lui-même : « Les idées de classement, de conservation et d'utilité publique, qui sont justes et claires, ont peu de rapport avec les délices. » Aussi bien les solutions apportées par Scarpa et d'autres (F. Albini, Gardella…) au problème de la mise en valeur des collections ne pouvaient-elles que faire école : elles ont plus ou moins influencé toutes les recherches muséographiques ultérieures, tel l'aménagement par Alain Richard du musée des Primitifs italiens de la collection Campana au Petit Palais d'Avignon (1976) ou celui du musée Picasso à Paris, dû à Roland Simounet (1976-1985), voire les aménagements des différents départements du Grand Louvre (achèvement en 1999-2001), et notamment celui des Antiquités égyptiennes (1997). Originale et spectaculaire, l'organisation du musée de la Civilisation gallo-romaine de Lyon-Fourvière, construction en partie souterraine en forme de théâtre antique, due à Bernard Zehrfuss (1981), reflète des préoccupations analogues, d'autant plus justifiées en l'occurrence que l'impact des objets archéologiques est souvent moindre que celui des œuvres d'art proprement dites.

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Robert FOHR. MUSÉE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 22/11/2022

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Tribune des Offices, musée des Offices, Florence - crédits : Paolo Gallo/ Shutterstock

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence

<em>Cabinet d’art et de curiosités</em>, Frans Francken II le Jeune. - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Cabinet d’art et de curiosités, Frans Francken II le Jeune.

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican - crédits : Adam Eastland Art + Architecture/ Alamy/ Hemis

Salle des Muses du musée Pio-Clementino, Vatican

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