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MALADIES MOLÉCULAIRES

Les enzymopathies

C'est en 1908 que, pour la première fois, un médecin d'Oxford, Archibald Garrod, fait la corrélation entre « maladie », «  enzyme » et « génétique ». Il observe dans diverses familles la fréquence de l'alcaptonurie (cette affection bénigne se caractérise par un noircissement rapide des urines à l'air). Il constate la distribution familiale de cette affection et sa haute fréquence en cas de mariage consanguin. Il rapproche ces phénomènes des lois de Mendel, alors récemment redécouvertes, et fait l'hypothèse que cette anomalie est due à une déficience enzymatique.

Trente ans plus tard, en 1941, les travaux de Beadle et Tatum leur permettent d'énoncer le principe : « un gène, une enzyme », et d'affirmer ainsi que toutes les étapes des processus biochimiques s'effectuent sous un contrôle génétique. Par conséquent, la mutation d'un gène provoque l'incapacité de la cellule à effectuer la réaction correspondante.

La localisation des anomalies biochimiques

La lésion peut se situer à tous les niveaux au cours de l'opération intracellulaire qu'est la biosynthèse des protéines.

Le niveau de l'ADN est probablement le plus fréquemment en cause. Il est également le plus facile à comprendre ; on peut observer :

– une délétion du gène, complète ou non ; si le gène n'est pas présent, aucune protéine ne peut être synthétisée ;

– une anomalie autre qu'une délétion : c'est le plus souvent une mutation, remplacement d'une base par une autre. Cela peut aboutir à un signal de terminaison précoce interrompant la synthèse de la protéine. Le plus souvent cela aboutit au remplacement dans la chaîne de la protéine d'un acide aminé par un autre. Une enzyme porteuse de cette mutation ponctuelle peut rester fonctionnelle, mais, si la mutation siège dans une zone indispensable à son action (le site actif), l'enzyme aura perdu son activité.

Au niveau de l'ARN deux types d'anomalies peuvent s'observer :

– des anomalies de maturation : le produit primaire de transcription ne sera pas transformé en messager fonctionnel ;

– des anomalies de stabilité du messager, détruit avant d'avoir pu remplir sa fonction.

Lorsque la protéine est synthétisée en quantité normale, plusieurs accidents peuvent en prévenir l'action :

– certaines mutations altèrent gravement la stabilité de l'enzyme qui est rapidement détruite ;

– dans certains cas, la « finition » ne peut se faire ; l'enzyme sera incapable de gagner son lieu d'action définitif ou d'y exercer celle-ci.

Les méthodes d'étude des anomalies

Ces méthodes sont nombreuses et visent à reconnaître l'enzymopathie puis à en analyser les caractères.

Le premier temps est celui d'identification : il reconnaît le déficit par un dosage de l'enzyme soit dans les tissus, soit dans le sérum, plus facile d'accès, mais qui souvent ne reflète qu'imparfaitement l'activité tissulaire.

S'il existe une activité résiduelle, on en analysera les caractères comparés à ceux d'un sujet normal : étude de la constante d'affinité de l'enzyme, de la thermostabilité, du pH optimal, de l'action sur des substrats secondaires, etc. À l'électrophorèse sur divers supports et à la chromatographie, y compris la chromatographie d'affinité, est venue s'ajouter l' électrofocalisation (électrophorèse en présence d'amphotères permettant une séparation très fine en fonction du point isoélectrique). L'électrophorèse (en milieu dissociant) en gradient d'acrylamide permet d'évaluer le poids moléculaire.

Si au cours d'une enzymopathie on ne peut détecter aucune activité au niveau d'un chaînon du métabolisme, il est possible de rechercher s'il existe une protéine[...]

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Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-Claude DREYFUS et Fanny SCHAPIRA. MALADIES MOLÉCULAIRES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Enzymopathies - crédits : Encyclopædia Universalis France

Enzymopathies

Autres références

  • NOTION DE MALADIE MOLÉCULAIRE

    • Écrit par Dominique LABIE
    • 252 mots
    • 1 média

    Comme d'autres scientifiques, Vernon Ingram avait quitté l'Europe centrale pour la Grande-Bretagne, Londres, puis Cambridge. C'est là qu'il apporta un complément décisif à la mise en évidence par Linus Pauling en 1949 d'une migration électrophorétique anormale de l'...

  • ÉLASTINE

    • Écrit par William HORNEBECK, Ladislas ROBERT
    • 1 940 mots
    • 2 médias
    De nombreuses pathologies du collagène ont été définies en fonction desanomalies moléculaires résultant de modifications qualitatives et quantitatives aux différentes étapes de la synthèse et de la maturation de cette molécule. Une classification analogue a été proposée pour l'élastine par L....
  • HÉMATOLOGIE

    • Écrit par Jean BERNARD, Michel LEPORRIER
    • 8 478 mots
    • 1 média
    ...de l'hémoglobine et, éventuellement, une maladie mortelle. Ainsi se trouve à la fois définie et illustrée la remarquable conception de la pathologie moléculaire de Pauling. Les douleurs et les malaises, la fièvre, tous les tourments que souffre le patient, les hypertrophies et les atrophies constatées...
  • HÉMOGLOBINOPATHIES

    • Écrit par Michel COHEN-SOLAL, Jean-Claude DREYFUS
    • 3 852 mots
    • 6 médias
    Les hémoglobines anormales sont responsables de maladies dont la cause est génétique et l'interprétation moléculaire, ce qui a permis à L. Pauling de parler de « maladie moléculaire ». Les anomalies observées sont de deux types : quantitatives et qualitatives.
  • INGRAM VERNON MARTIN (1924-2006)

    • Écrit par Universalis
    • 184 mots

    Biologiste allemand installé aux États-Unis. Né en Allemagne, émigré avec ses parents en 1938 au Royaume-Uni, il mène des études de chimie au Birbeck College de l'universitéde Londres où il obtient un doctorat de chimie organique en 1949. Il travaille ensuite aux États-Unis avec Moses Kunitz sur la...

  • Afficher les 8 références

Voir aussi