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MALADIES MOLÉCULAIRES

Le déterminisme

On distinguera ici les maladies moléculaires selon qu'elles sont innées (dues à une transmission parentale) ou acquises de façon contingente.

Maladies moléculaires héréditaires

L'exemple des hémoglobinopathies était presque le seul que l'on pouvait donner de maladies moléculaires vers 1975. Il reste le mieux connu ; nous ne le décrirons ici que brièvement (cf. hémoglobinopathies). L' hémoglobine adulte, la principale, est un tétramère formé de deux chaînes α (dont le gène est porté par le chromosome 16) et de deux chaînes β (dont le gène est porté par le chromosome 11). Il existe des anomalies qualitatives dans lesquelles une des deux chaînes est porteuse d'une mutation qui peut en altérer les propriétés physico-chimiques ou physiologiques, comme l'affinité pour l'oxygène ; on en connaît plusieurs centaines, de gravité variable, que nous ne détaillerons pas ici. Il existe aussi des anomalies quantitatives, dans lesquelles ce n'est pas la nature de l'hémoglobine qui est modifiée mais sa production, ou plutôt celle d'une de ses chaînes : telles sont les thalassémies. Selon la chaîne qui est en cause, on distingue les α et les β thalassémies. On sait que le gène α est dupliqué en α1 et α2, alors que le gène β est unique, mais ne fonctionne qu'après la naissance, remplaçant le gène γ, actif pendant la vie fœtale. Les thalassémies, à l'état homozygote, se traduisent par une anémie sévère et précoce ; quant aux anomalies moléculaires, elles sont différentes dans les deux cas. Dans les α thalassémies, il s'agit presque toujours de délétions complètes de gènes, et la gravité dépend du nombre de gènes délétés. Une délétion des quatre gènes est incompatible avec la survie ; si trois gènes sont enlevés, on obtient une forme d'anémie sévère avec apparition de tétramères β4 qu'on appelle hémoglobine H. Une délétion de un ou deux gènes est beaucoup moins grave. Les mécanismes des β thalassémies sont multiples, et rares sont les délétions totales. Parmi les mutations, la plus fréquente provoque l'apparition d'un codon stop qui entraîne la terminaison prématurée de la synthèse de la protéine.

L'exemple des hémoglobinopathies n'est plus le seul à pouvoir être interprété en termes moléculaires ; de nombreuses maladies héréditaires ont aujourd'hui leur mécanisme décrypté, comme nous le verrons plus loin (cf. chap. 3, Les enzymopathies). Nous nous bornerons tout d'abord à développer brièvement deux modèles caractéristiques, l'un d'une maladie liée au sexe, l'autre d'une maladie autosomique récessive.

Un modèle d'une maladie liée au chromosome X. Un des succès les plus précoces et les plus impressionnants de la méthode dite de génétique inverse a été la myopathie appelée dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne. C'est la plus fréquente des maladies liées au sexe, atteignant un garçon sur 3 500 environ. Dans sa forme la plus typique, elle entraîne un arrêt de la marche entre cinq et dix ans et la mort autour de la vingtième année. Il en existe une forme plus lente, dite de Becker. Les premiers symptômes biochimiques connus étaient dus à la fuite des enzymes musculaires dans le plasma où leur taux augmente considérablement. C'est entre 1985 et 1987 que des approches successives isolèrent le gène : sa localisation précise fut d'abord reconnue grâce à des translocations entre le chromosome X et un autosome, qui cassaient l'X en un point défini situé en Xp21. Le gène de cette dystrophie est le plus grand qui soit connu ; il mesure 2 300 kilobases (à titre de comparaison, un gène de globine couvre environ 2 kb). Il contient 79 exons ; son messager de 14 kilobases code pour une protéine, la dystrophine, qui compte 3 685 acides aminés. Le rôle de la dystrophine est[...]

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Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-Claude DREYFUS et Fanny SCHAPIRA. MALADIES MOLÉCULAIRES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Enzymopathies - crédits : Encyclopædia Universalis France

Enzymopathies

Autres références

  • NOTION DE MALADIE MOLÉCULAIRE

    • Écrit par Dominique LABIE
    • 252 mots
    • 1 média

    Comme d'autres scientifiques, Vernon Ingram avait quitté l'Europe centrale pour la Grande-Bretagne, Londres, puis Cambridge. C'est là qu'il apporta un complément décisif à la mise en évidence par Linus Pauling en 1949 d'une migration électrophorétique anormale de l'...

  • ÉLASTINE

    • Écrit par William HORNEBECK, Ladislas ROBERT
    • 1 940 mots
    • 2 médias
    De nombreuses pathologies du collagène ont été définies en fonction desanomalies moléculaires résultant de modifications qualitatives et quantitatives aux différentes étapes de la synthèse et de la maturation de cette molécule. Une classification analogue a été proposée pour l'élastine par L....
  • HÉMATOLOGIE

    • Écrit par Jean BERNARD, Michel LEPORRIER
    • 8 478 mots
    • 1 média
    ...de l'hémoglobine et, éventuellement, une maladie mortelle. Ainsi se trouve à la fois définie et illustrée la remarquable conception de la pathologie moléculaire de Pauling. Les douleurs et les malaises, la fièvre, tous les tourments que souffre le patient, les hypertrophies et les atrophies constatées...
  • HÉMOGLOBINOPATHIES

    • Écrit par Michel COHEN-SOLAL, Jean-Claude DREYFUS
    • 3 852 mots
    • 6 médias
    Les hémoglobines anormales sont responsables de maladies dont la cause est génétique et l'interprétation moléculaire, ce qui a permis à L. Pauling de parler de « maladie moléculaire ». Les anomalies observées sont de deux types : quantitatives et qualitatives.
  • INGRAM VERNON MARTIN (1924-2006)

    • Écrit par Universalis
    • 184 mots

    Biologiste allemand installé aux États-Unis. Né en Allemagne, émigré avec ses parents en 1938 au Royaume-Uni, il mène des études de chimie au Birbeck College de l'universitéde Londres où il obtient un doctorat de chimie organique en 1949. Il travaille ensuite aux États-Unis avec Moses Kunitz sur la...

  • Afficher les 8 références

Voir aussi