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MUTATIONS

Toute reproduction biologique associe toujours deux tendances contradictoires. L' une tend à maintenir immuables les caractères héréditaires ; l'autre tend, au contraire, à introduire des changements ou variations génétiques, qui s'accomplissent selon deux modalités fondamentalement distinctes. Dans la première, le caractère nouveau est obtenu par recombinaison : deux individus parentaux distincts, le père et la mère dans le cas de la reproduction sexuée des organismes supérieurs, contribuent chacun pour une part au patrimoine héréditaire d'un descendant. Dans la seconde modalité, la variation génétique résulte d'événements accidentels survenus dans un système biologique unique. De tels événements, capables de modifier les caractères héréditaires, parce qu'ils ont touché ce que l'on appelle le matériel génétique, sont connus sous le nom de mutations. Ils se produisent spontanément, mais leur fréquence peut être augmentée par l'action de certains agents qualifiés de mutagènes.

La plupart des pionniers de la génétique n'ont pas soupçonné l'existence des mutations. C'est ainsi que Mendel s'est contenté d'observer la transmission dans les croisements des variations génétiques disponibles dans certaines espèces, sans chercher à approfondir le problème de leur origine.

Ce n'est qu'à la suite des recherches conduites sur la drosophile par l'équipe de T. H. Morgan, au cours des premières décennies du xxe siècle, que la production de mutations, ou mutagenèse, est devenue un phénomène scientifiquement étudiable, reconnu comme bien distinct de la formation de recombinaisons génétiques. Les progrès dans ce domaine se sont ensuite poursuivis en corrélation étroite avec le développement de la génétique. C'est ainsi que la découverte du rôle joué dans l'hérédité par l'acide désoxyribonucléique (ADN) a ouvert des vues plus précises sur la nature des mutations. Tout d'abord, des changements ponctuels dans la séquence des paires de nucléotides qui constituent l'ADN ont été bien caractérisés à la suite d'innombrables travaux sur les bactéries et les virus. Ensuite furent découverts dans les génomes complexes tels que ceux du maïs, de la drosophile, de la levure, mais également chez les bactéries, des éléments génétiques mobiles qui sont capables de se déplacer (de se transposer) d'une région chromosomique dans une autre. Enfin, l'analyse moléculaire de la complexité des génomes d'eucaryotes supérieurs a montré qu'ils contenaient une quantité importante de séquences d'ADN répété auxquelles sont associés des mécanismes particuliers de variation génétique.

Mutation et mutant

Une mutation est un événement rare, à caractère aléatoire, qui touche une seule cellule ou une simple particule virale. Elle peut être étroitement localisée en un point d'une unique molécule d'ADN. Ce n'est donc que grâce à ses conséquences sur l'expression génétique qu'elle peut éventuellement être observée. La cellule ou la particule virale mutante qui en résulte a acquis des caractères héréditaires nouveaux et est capable de les transmettre à ses descendants. Pour l'étude des mutations, il est alors nécessaire d'utiliser des dispositifs expérimentaux qui permettent de repérer les individus mutants à l'intérieur d'une population d'individus qui ont conservé les caractères d'origine.

La situation la plus favorable est rencontrée chez les micro-organismes. Dans ce cas, il est généralement possible de séparer les cellules ayant acquis certaines propriétés génétiques nouvelles en soumettant la population à une opération de criblage. Le crible est le plus souvent un milieu nutritif sur lequel seules les cellules mutées peuvent se reproduire et former[...]

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Écrit par

  • : docteur ès sciences naturelles, professeur à l'université de Paris-XI, centre d'Orsay
  • : professeur honoraire à la faculté des sciences de Clermont-Ferrand
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis, Gérard LEBLON et Philippe L'HÉRITIER. MUTATIONS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MUTATIONS ET SPÉCIATION

    • Écrit par Nicolas CHEVASSUS-au-LOUIS
    • 209 mots

    Botaniste comme Gregor Mendel (1822-1884), le Néerlandais Hugo De Vries (1848-1935) s'intéresse à la formation des espèces, dans un contexte d'intenses discussions autour du darwinisme. Il étudie l'apparition de nouveaux caractères dans les populations de fleurs à croissance rapide,...

  • MÉIOSE

    • Écrit par Marguerite PICARD, Denise ZICKLER
    • 4 645 mots
    • 7 médias
    ...chromosomes, et occupant sur ce dernier une place précise ou locus. Si l'information génétique d'un gène est modifiée – on parle de mutation –, le caractère qu'il détermine est lui-même modifié, et cette modification est héréditaire. L'individu mutant diffère donc...
  • ANIMAUX MODÈLES, biologie

    • Écrit par Gabriel GACHELIN, Emmanuelle SIDOT
    • 9 550 mots
    • 8 médias
    Dans le cadre nouveau dessiné par la capacité de modifier à volonté le génome des souris, d'y créer des mutations ciblées et d'introduire de nouveaux gènes étrangers, se développe alors une problématique originale, celle de la « souris modèle de maladies humaines » et non plus seulement outil pour...
  • ANTHROPOLOGIE DES ZOONOSES

    • Écrit par Frédéric KECK, Christos LYNTERIS
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    • 4 médias
    ...centre l’ontologie des agents pathogènes comme entités informationnelles dont la multiplication atteint une taille suffisante pour qu’apparaissent des mutations lui donnant la capacité de franchir la barrière d’espèce et ainsi d’infecter des espèces animales qui lui étaient auparavant réfractaires. La...
  • ARCHÉES ASGARD

    • Écrit par Patrick FORTERRE
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    ...protéines possédant assez de signal phylogénétique. En effet, la longueur d’une branche dans un arbre phylogénétique est proportionnelle au nombre de mutations (changement d’acides aminés) qui se sont produites par le passé le long de cette branche. Si ce nombre est faible, il est possible que les méthodes...
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Voir aussi