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PALÉOCHRÉTIEN ART

Que signifie l'expression d'« art chrétien » ? Consacrée par l'usage, elle est historiquement fausse. En effet, la définition d'un « art chrétien » repose sur l'idée d'une séparation entre les domaines du sacré et du profane telle qu'elle s'établit surtout à partir du xixe siècle, dans la réflexion sur l'« art sacré », opposition étrangère aux époques anciennes, et tout particulièrement au monde antique. Mais, paradoxalement, c'est à cette conception même que l'on doit en grande part l'essor des études sur l'art chrétien ancien et médiéval, car c'est bien souvent en recherchant, dans une intention apologétique, l'expression ancienne de la foi chrétienne que l'on s'est intéressé à un art longtemps négligé, voire méprisé, parce que jugé décadent, barbare par rapport au bel art antique – celui de l'Antiquité tardive.

Méthodologiquement, il faut néanmoins s'interroger sur la notion même d'art chrétien, car on a longtemps opposé l'art païen à l'art chrétien, comme s'il s'agissait des expressions équivalentes de deux confessions différentes, l'art païen étant souvent entendu comme synonyme d'art antique. Or l'art chrétien ne se constitue pas contre l'art païen ; il ne se substitue pas à lui. Lentement, c'est l'art antique qui se christianise : « L'art chrétien [...] est né non pas comme un langage artistique nouveau par des balbutiements, mais en se détachant de l'art courant du milieu qui a vu se propager la religion chrétienne, et en élargissant progressivement l'étendue de son programme. C'est ce qui fait l'originalité de ces premiers chapitres de l'histoire artistique chrétienne : l'œuvre chrétienne n'y apparaît qu'en tant que partie d'un ensemble beaucoup plus considérable, celui de l'art antique à son déclin » (André Grabar, Le Premier Art chrétien, 1966). Aussi bien, le cadre géographique de l'art chrétien coïncide-t-il avec celui de l'Empire romain, ou du moins de la progression de l'évangélisation dans l'Empire : de l'Euphrate à l'Atlantique, des îles Britanniques au Sahara et à la Nubie, avec quelques centres privilégiés – Rome, puis Ravenne en Occident, Alexandrie, Antioche et Constantinople en Orient.

Mais qu'appellera-t-on alors art chrétien ? L'art qui affiche une référence religieuse explicite (certains ont pu dire : l'art « engagé »), ou l'art des chrétiens ? Si l'on s'en tient à la première conception, on sera amené, par force, à ne retenir presque que l'art « religieux » – l'art funéraire et l'art lié à la vie religieuse (décor des édifices religieux, mobilier liturgique), non seulement parce que ce fut sans doute effectivement dans ces cadres surtout que se développa d'abord un art chrétien, mais aussi parce que nombre des objets plus quotidiens et plus fragiles qui pouvaient présenter aussi un décor chrétien ont disparu (car des textes et des documents figurés confirment leur existence). En revanche, si l'on adopte une conception plus large, quelle marge chronologique choisir ? Des témoignages (Tertullien, Clément d'Alexandrie) prouvent que dès le début du iiie siècle – c'est-à-dire un siècle avant la paix de l'Église et près d'un demi-siècle avant que n'apparaissent les premières œuvres explicitement chrétiennes – certaines représentations courantes pouvaient être acceptées par les chrétiens, et même lues chrétiennement. Comment supposer d'ailleurs que les chrétiens aient refusé toutes les images du monde dans lequel ils vivaient, alors même qu'ils se proclamaient citoyens de Rome ? Mais, à ce compte, on risque de retomber dans l'excès des premiers grands corpus constitués[...]

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Écrit par

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Pour citer cet article

François BARATTE, Françoise MONFRIN et Jean-Pierre SODINI. PALÉOCHRÉTIEN ART [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Cubiculum de la Velatio</it>, catacombe de Priscille - crédits : V. Pirozzi/ De Agostini/ Getty Images

Cubiculum de la Velatio, catacombe de Priscille

Mosaïques de Ravenne - crédits :  Bridgeman Images

Mosaïques de Ravenne

Fragment de peigne en os - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Fragment de peigne en os

Autres références

  • AMBON

    • Écrit par Maryse BIDEAULT
    • 194 mots

    Nom donné, dans l'art paléochrétien, à la chaire du haut de laquelle sont lus les textes sacrés ou prononcés les sermons. De formes diverses, l'ambon peut être isolé dans la nef principale de l'édifice ou bien faire partie d'un chancel situé devant l'abside ; dans ce...

  • ARAGON

    • Écrit par Roland COURTOT, Marcel DURLIAT, Philippe WOLFF
    • 8 652 mots
    • 6 médias
    C'est dans le cadre de l'évolution du Bas-Empire que se produisirent les premières manifestations de l'art paléochrétien. Une église funéraire apparaît ainsi dans une annexe de la grande villa Fortunatus de Fraga. On suit l'adaptation de l'esprit chrétien aux traditions plastiques romaines dans...
  • ARMÉNIE

    • Écrit par Jean-Pierre ALEM, Françoise ARDILLIER-CARRAS, Christophe CHICLET, Sirarpie DER NERSESSIAN, Universalis, Kegham FENERDJIAN, Marguerite LEUWERS-HALADJIAN, Kegham TOROSSIAN
    • 23 765 mots
    • 13 médias
    Les plus anciens édifices connus à ce jour sont des basiliques voûtées, le plus souvent à trois nefs : dans les uns, de type « oriental », un toit à deux versants recouvre les trois nefs, comme à K'asagh, dans d'autres, de type « hellénistique », la nef centrale s'élève sensiblement plus haut que les...
  • BASILIQUE

    • Écrit par Pierre GROS
    • 2 593 mots
    • 3 médias
    ...une maison de Doura-Europos, sur l'Euphrate, dont l'aménagement cultuel et communautaire remonte aux années 230 après J.-C. L'autre est structurelle : dans les basiliques paléochrétiennes, le plan centré et le schéma périégétique de la basilique judiciaire disparaissent au profit d'une organisation processionnelle...
  • Afficher les 30 références

Voir aussi