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STOÏCISME

Contrairement à la plupart des doctrines philosophiques, le stoïcisme ne tire son nom ni de celui de son fondateur, comme le platonisme, ni de celui de son concept central, comme l'existentialisme, mais simplement de celui de l'endroit où sa voix s'est fait entendre pour la première fois : c'est au Portique des peintures, à la Stoa poikilè, à Athènes, que les premiers stoïciens donnèrent leur enseignement. En conservant ce nom, leurs successeurs, qui forment l'une des écoles les plus vigoureuses de l'Antiquité, témoignèrent à leur façon d'une fidélité qui ne s'adressait pas à la littéralité d'un catéchisme ou au prestige d'une personnalité supérieure, mais à l'esprit d'un lieu et à la tradition d'un style de pensée et de vie. Le stoïcisme, de Zénon à Marc Aurèle, est une longue création continuée ; chacun de ceux qui s'en réclament le revit et le reformule selon son génie propre, tout en s'insérant dans une lignée doctrinale.

Ce double aspect de la tradition stoïcienne explique aussi que cette philosophie partage avec celle de Platon le curieux privilège d'avoir donné naissance à deux adjectifs distincts : « stoïcien » et « stoïque ». Le stoïcisme est, en effet, la conjonction d'une doctrine complexe, hautement technique, et d'un style de vie parfaitement identifiable en dehors de toute référence doctrinale. À la relative indépendance de ces deux éléments est due, sans doute, l'extraordinaire influence que le stoïcisme a exercée dans la tradition morale de l'Occident, où il a fini par symboliser l'essentiel de ce qu'on entend communément par « philosophie ».

La longue histoire du stoïcisme s'étend sur près de six siècles. On la divise ordinairement en trois périodes : le stoïcisme ancien, avec les fondateurs, Zénon, Cléanthe, Chrysippe (fin du ive s. et iiie s. av. J.-C.) ; le stoïcisme moyen, avec surtout Panétius et Posidonius (iie-ier s. av. J.-C) ; le stoïcisme nouveau ou impérial, avec Sénèque, Épictète et Marc Aurèle (ier-iie s. apr. J.-C.). Comme ces derniers, mieux connus grâce à la conservation de leurs œuvres, font ici même l'objet d'articles particuliers, on insistera surtout sur l'ancien stoïcisme, en donnant quelques indications sur le stoïcisme moyen.

Les anciens stoïciens

Le stoïcisme naît à l'aube des temps hellénistiques, dans le monde profondément déséquilibré qui apparaît à la mort d'Alexandre. La cité grecque n'est plus qu'une carapace vide ; les monarchies hellénistiques et la puissance romaine sont encore à naître. C'est une philosophie pour temps de crise, qui retrouvera régulièrement son actualité chaque fois que l'on aura besoin de « constance et consolation ès calamités publiques », pour reprendre le titre du traité néo-stoïcien du chancelier Du Vair (1590).

Zénon de Cittium - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Zénon de Cittium

Le fondateur du Portique est Zénon de Cittium (332-262). Né dans l'île de Chypre, d'une famille de commerçants, il n'est, pas plus que ses successeurs immédiats, un Grec de souche, mais un Phénicien hellénisé ; il gardera à Athènes, où il se fixe vers 312, une allure exotique dans son physique et sa façon de parler. Sa vocation de philosophe lui fut révélée, dit-on, par la lecture des Mémorables de Xénophon ; il demanda au libraire où l'on trouvait des hommes comme Socrate ; le libraire lui montra le cynique Cratès, dont il devint l'élève. Il suivit aussi l'enseignement des autres maîtres athéniens du moment, les académiciens Xénocrate et Polémon, les mégariques Stilpon et, peut-être, Diodore Cronos. Il se mit à enseigner vers l'âge de quarante ans, plusieurs années après la fondation par Épicure de son école athénienne du Jardin. Sa doctrine fut très appréciée par les Athéniens, qui lui rendirent[...]

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Pour citer cet article

Jacques BRUNSCHWIG et Urs EGLI. STOÏCISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Zénon de Cittium - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Zénon de Cittium

Syllogismes de base de Chrysippe - crédits : Encyclopædia Universalis France

Syllogismes de base de Chrysippe

Autres références

  • AFFECTIVITÉ

    • Écrit par Marc RICHIR
    • 12 228 mots
    ...apparentes contradictions de la doctrine – nous ne disposons que de fragments plus ou moins épars –, il semble bien qu'il y ait eu, dans l'ancien stoïcisme, une conception double du pathos comme « passion » et comme « affect ». D'une part, en effet, les stoïciens soutiennent que « la passion (...
  • ÂGE DE LA TERRE

    • Écrit par Pascal RICHET
    • 5 143 mots
    • 5 médias
    ...il lui attribua comme auteur un démiurge ayant ordonné la khôra, un « réceptacle » qui fut peu après considéré comme une matière informe. En dépit de leurs désaccords fondamentaux, les atomistes et les stoïciens partagèrent l’idée que le monde passait continuellement par des cycles de formation...
  • ALEXANDRIE ÉCOLE PHILOSOPHIQUE D'

    • Écrit par Jean PÉPIN
    • 2 186 mots
    ...principal témoignage est un petit traité, Du monde, longtemps attribué à Aristote lui-même, et issu probablement d'un milieu alexandrin. Quant au stoïcisme, il est représenté à Alexandrie par un Égyptien du nom de Chaerémon, chef de l'école des grammairiens de la ville et directeur du Musée ; il...
  • ÂME

    • Écrit par Pierre CLAIR, Henri Dominique SAFFREY
    • 6 020 mots
    Le stoïcisme fut essentiellement la philosophie d'un homme placé dans un monde considérablement agrandi : philosophie du cosmos (κόσμος) conçu comme un gigantesque vivant, philosophie de la « sympathie » ou des harmonies préétablies et des correspondances secrètes entre les parties du monde....
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Voir aussi