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ALEXANDRIE ÉCOLE PHILOSOPHIQUE D'

Bien des Anciens qui ont fait carrière en philosophie touchent à Alexandrie par leur naissance ou leur séjour. Il faut donc savoir pourquoi et comment cette cité est devenue un foyer exceptionnellement important de rayonnement philosophique. Au vrai, il n'y a pas une philosophie alexandrine, mais une succession d'aspects philosophiques plus frappants par leurs différences que par une certaine communauté d'inspiration qui les marque néanmoins. Dans cette succession, nous dégagerons quatre moments qui s'imposent particulièrement à l'attention.

Le premier d'entre eux se situe assez tard dans la chronologie de la pensée grecque : en 332 avant J.-C., quand Alexandre le Grand fonde la ville qui perpétue son nom, la philosophie grecque a déjà un long passé ; les présocratiques, Platon et, à peu d'années près, Aristote ont délivré leur message. D'autre part, on connaît l'action déterminante pour la promotion de la culture qu'exercèrent le Musée d'Alexandrie et son annexe la célèbre Bibliothèque, dus à l'initiative du roi Ptolémée Ier Sôter (début du iiie siècle av. J.-C.). Or, si l'on consulte la liste des plus anciens « pensionnaires » de cette fondation, l'on y trouve bien certains grands noms de la science et de la littérature : des poètes comme Callimaque et Théocrite, des géomètres comme Euclide, des astronomes comme Ptolémée, et aussi les savants philologues qui fixèrent le texte définitif des poèmes homériques, mais on n'y relève l'existence d'aucun philosophe d'envergure. La philosophie est donc tard venue à Alexandrie : elle devait s'y épanouir avec d'autant plus d'intensité.

L'éclectisme du Ier siècle avant J.-C.

Peu avant l'ère chrétienne, les principaux courants de la pensée grecque se trouvent représentés à Alexandrie. Mais ils ne se maintiennent pas à l'état pur ; chacune des écoles s'est ouverte sur les autres et leur a emprunté des éléments qu'elle essaie d'incorporer à sa doctrine originelle. Cet éclectisme constituera un caractère important, commun à presque toutes les époques de la philosophie alexandrine ; il correspond en quelque sorte à la situation même de la ville, carrefour et centre d'accueil pour les civilisations les plus diverses.

C'est ainsi que le platonisme de ce temps accueille certaines doctrines venues de l'aristotélisme et du stoïcisme. L'instigateur de ce platonisme éclectique (que l'on appelle aussi « moyen platonisme ») est Antiochus d'Ascalon. Avant de devenir chef de l'école d'Athènes, il avait séjourné à Alexandrie ; un groupe de disciples y continuèrent sa tradition, dont le principal représentant fut l'Alexandrin Eudore, suivi par son compatriote Potamon. La tradition aristotélicienne est également florissante. Circonstance curieuse, elle s'inspire moins des grandes œuvres d'Aristote que de ses dialogues, qui ne sont pas parvenus jusqu'à nous. Or ces dialogues, datant de la jeunesse d'Aristote, devaient être, par leur doctrine comme par leur facture, bien plus platoniciens que les œuvres qui nous ont été transmises. C'est dire qu'à cette époque les adeptes de l'aristotélisme, eux aussi, retenaient surtout dans leur tradition les aspects compatibles avec ceux d'autres écoles, en particulier celle de Platon. De cet aristotélisme éclectique, le principal témoignage est un petit traité, Du monde, longtemps attribué à Aristote lui-même, et issu probablement d'un milieu alexandrin. Quant au stoïcisme, il est représenté à Alexandrie par un Égyptien du nom de Chaerémon, chef de l'école des grammairiens de la ville et directeur du Musée ; il allait devenir l'un des précepteurs de Néron. Son originalité est d'avoir soumis à l'interprétation[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

Classification

Pour citer cet article

Jean PÉPIN. ALEXANDRIE ÉCOLE PHILOSOPHIQUE D' [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARISTÉE LETTRE D'

    • Écrit par André PAUL
    • 325 mots

    Œuvre de propagande du judaïsme alexandrin, la Lettre d'Aristée est censée avoir été rédigée par un grand officier du roi Ptolémée (~ 285-~ 247). Elle est bien plus tardive en vérité, et il est difficile de la dater d'avant ~ 100. C'est là que, pour la première fois et brillamment orchestrée,...

  • BIBLE - Ancien et Nouveau Testament

    • Écrit par Paul BEAUCHAMP, Xavier LÉON-DUFOUR, André PAUL
    • 10 281 mots
    • 1 média
    ...dans sa langue originale, l'hébreu, mais en grec, la langue de la gentilité. C'est d'abord au sein de la puissante entité judaïque (le politeuma) d' Alexandrie que l'ensemble des livres sacrés s'est appelé « le Livre » (hè Biblos). Un brillant ouvrage alexandrin, la Lettre d'Aristée...
  • SEPTANTE BIBLE DES (385 av. J.-C. env.)

    • Écrit par Jean-Urbain COMBY
    • 202 mots

    Au sens strict, la Septante désigne d'abord la traduction grecque de la Torah, c'est-à-dire du Pentateuque, à Alexandrie d'Égypte, qui fut réalisée au iiie siècle avant notre ère, au temps des deux premiers Ptolémées. Certains historiens la datent au plus tard de 282 avant notre...

  • CLÉMENT D'ALEXANDRIE (140 env.-env. 220)

    • Écrit par Pierre HADOT
    • 2 912 mots

    Clément d' Alexandrie représente un phénomène tout à fait original et presque unique dans l'histoire du christianisme. Il est tout d'abord le premier écrivain chrétien à concevoir le dessein d'une vaste entreprise littéraire, composée de plusieurs traités et destinée à donner un programme...

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Voir aussi