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TOURISME

Une géohistoire du tourisme

Naissance et diffusion spatiale du tourisme - crédits : Encyclopædia Universalis France (fond de carte : Daniel Dalet)

Naissance et diffusion spatiale du tourisme

Certains historiens, dans leur recherche de traces lointaines des activités présentes, font remonter le tourisme très loin dans le temps, car il existe des similitudes entre les mobilités de loisir et d’agrément de l’Antiquité à nos jours. Dans le monde romain, l’otium, c’est-à-dire l’oisiveté, se rapporte au temps libre et à des activités intellectuelles, méditatives ou artistiques. Il est associé à un séjour dans une propriété rurale ou littorale, propice à la paix et à la sérénité. Cette villégiature, mot dérivé de l’italien villegiare (« séjourner dans sa maison de campagne, sa villa, pour s’y reposer ou s’y divertir »), s’oppose au negotium et au quotidien, c’est-à-dire le temps des affaires. Elle refait son apparition à la Renaissance dans la campagne romaine, autour de Florence ou en Vénétie. D’autres chercheurs, dans une démarche post-moderne, veulent rompre avec les grands récits européocentrés et s’attachent à montrer que la quête d’évasion et d’oisiveté est universelle, révélant ainsi que certaines pratiques de repos et d’agrément de diverses populations amérindiennes, africaines ou asiatiques ont pu influer sur la manière dont le tourisme a été adopté.

Le « Grand Tour », ancêtre le plus direct du tourisme

Ces approches commettent de spectaculaires anachronismes, car on ne peut comprendre la dynamique touristique comme fait social de très grande ampleur impliquant une majorité d’individus et un grand nombre d’institutions sans partir de la société anglaise qui l’a engendrée et codifiée dans la seconde moitié du xviiie siècle. Ce lieu et ce moment éclairent la diffusion spatiale et sociale du tourisme. L’ancêtre le plus direct du tourisme est le « Grand Tour », une pratique qui s’est mise en place au xvie siècle et qui disparaît au début du xixe siècle. Il s’agit d’un voyage de formation en Europe continentale effectué par de jeunes Anglais à la fin de leurs études, accompagnés de leur tuteur ou précepteur, et parcourant pendant parfois deux ou trois ans la France, la Suisse, l’Allemagne, notamment par la vallée du Rhin, et les Provinces-Unies, en route ou de retour d’Italie. Paris est souvent la première étape importante pour parfaire leur éducation. Cette école de la vie leur apprend les bonnes manières, la danse, le maniement de l’épée ou l’équitation, ce qui les prépare aux plus hautes carrières diplomatiques ou politiques. Une fois les Alpes passées, Turin, Florence ou Venise, grands centres académiques, sont des étapes avant Rome et Naples. L’étude des ruines de la Rome antique, des sites archéologiques de Pompéi ou d’Herculanum, de l’architecture et de la peinture de la Renaissance ou de la période baroque sont au programme. Au retour, on s’arrête à Innsbruck, Vienne, Munich, Dresde, Berlin, Potsdam ou Hambourg avant de regagner l’Angleterre par Amsterdam et les Provinces-Unies (Towner, 1996). À son apogée, au milieu du xviiie siècle, on estime que 15 000 à 20 000 Anglais pratiquent annuellement le « Grand Tour ». Toutefois, des Allemands, comme le philosophe Goethe, des Français, des Néerlandais ou des Russes, comme Pierre le Grand, optent aussi pour cette expérience très coûteuse. Quelques femmes vont pouvoir également, de cette manière, acquérir une culture qui leur était refusée dans le système éducatif de l’époque.

L’itinéraire du « Grand Tour » reprend l’axe des villes qui s’est mis en place au Moyen Âge, des Flandres à l’Italie méridionale, et qui est devenu la colonne vertébrale de l’Europe. Il évolue peu durant plus de deux siècles et demi, si ce n’est que la Suisse devient au xviiie siècle une étape majeure. Le « Grand Tour » est un bon révélateur des lieux de pouvoirs politique, économique ou culturel à ce moment-là. À partir du milieu du xviii[...]

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Écrit par

  • : agrégé de géographie, professeur des Universités, université Côte d'Azur

Classification

Pour citer cet article

Jean-Christophe GAY. TOURISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Naissance et diffusion spatiale du tourisme - crédits : Encyclopædia Universalis France (fond de carte : Daniel Dalet)

Naissance et diffusion spatiale du tourisme

<it>Assembly Room</it>, Bath - crédits : Icas94/ De Agostini/ Getty Images

Assembly Room, Bath

Allemagne, années 1950 - crédits : AKG-Images

Allemagne, années 1950

Autres références

  • TOURISME (anthropologie)

    • Écrit par Anne DOQUET
    • 1 104 mots

    Perçu par les institutions internationales dans les années 1960 comme un facteur de développement puis comme une solution salvatrice pour les pays du Tiers Monde, le tourisme est longtemps resté prisonnier d’une appréhension économiste qui l’analysait uniquement en termes de flux financiers sans...

  • ABRUZZES

    • Écrit par Robert BERGERON
    • 815 mots
    • 1 média

    Située dans le centre-est de l'Italie, couvrant une superficie de 10 794 kilomètres carrés, la région des Abruzzes renferme les montagnes les plus élevées et les moins facilement pénétrables de la péninsule ; l'Apennin y atteint sa puissance maximale. Les chaînons massifs...

  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Universalis, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
    • 29 784 mots
    • 28 médias
    De cette variété climatique découle une forte diversité des paysages.Celle-ci est valorisée par les activités touristiques : plages et réserves animalières (dont la plus étendue d'Afrique, le parc national Kruger) abondent. L'Afrique du Sud attire en effet des flux touristiques de plus en plus importants...
  • ALASKA

    • Écrit par Claire ALIX, Yvon CSONKA
    • 6 048 mots
    • 10 médias
    Parmi les autres secteurs économiques, c'est le tourisme qui rapporte le plus à l'Alaska. En 2003, on a compté 1,4 million de visiteurs dont la moitié fait des croisières estivales dans le Sud-Est, région connue pour ses glaciers spectaculaires et son abondante faune marine. L'industrie...
  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...tertiaire qui occupe au moins 56 % de la population active et contribue pour plus de 29 % au PIB (en 2007) profite très peu des opportunités offertes par le tourisme, qu'il soit balnéaire, saharien ou thermal. Avec la décennie noire de 1990, l'image du pays est ternie, marquée par les actions terroristes de...
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Voir aussi