PARIS
Un certain nombre de villes du monde ont donné naissance à des mythes ; quelques-uns ont acquis une portée universelle, en se détachant des caractères fondamentaux du pays lui-même pour exalter la Ville en tant qu'individu. Il en est ainsi de Rome et de Paris. On a maintes fois signalé cette sorte de familiarité amoureuse, avec ses éclats de haine ou d'adoration, que Paris a toujours suscitée, dans le monde entier, chez les poètes ou les chansonniers notamment, familiarité manifestée par l'usage de « petits noms » : Paname, Pantruche. C'est là un phénomène probablement unique à ce degré et qui révèle tout d'abord un premier caractère de la ville, celui de métropole internationale, aux « spécialités » contradictoires : capitale du luxe et de la mode, foyer littéraire et artistique, Babylone de luxure et mère patrie des révolutions.
À l'échelon national, Paris exerce son rôle de capitale depuis treize siècles (si l'on fait abstraction de deux siècles carolingiens) ; c'est un rare privilège, c'est aussi une charge d'où proviennent les difficultés que Paris éprouve à s'adapter au monde moderne et à la poussée désordonnée de la civilisation urbaine.
On a souvent énuméré ses attributs de capitale nationale. Ils découlent des fonctions qui ont fait sa fortune et qui sont issues d'une position géographique et d'un site privilégiés. Le passage de la grande Seine alluviale du début du Quaternaire à travers les gués et les îlots, dans l'axe même des cols de la France du Nord vers celle du Midi, l'axe routier romain emprunté ensuite par le christianisme localisent peu à peu et animent les trois secteurs topographiques séparés par la rivière : l'île de la Cité, siège de l'autorité politique et religieuse ; la rive gauche, centre intellectuel ; la rive droite, vouée à l'activité économique. Telle est l'origine de ces fonctions : capitale politique et quasi religieuse, capitale intellectuelle et artistique, capitale économique. Paris est connu pour être en France le premier centre industriel, la première place de commerce, la première place bancaire et le premier centre de gestion des affaires, le cœur du réseau routier et ferroviaire, le premier port fluvial, la plaque tournante du réseau aérien ; autant de qualifications qui pèsent lourdement sur l'activité des départements français en établissant l'autorité, si souvent dénoncée, du « Parisien ».
Le site seul n'a pourtant pas créé la ville. C'est le choix des césars romains, Julien l'Apostat et Valentinien, puis celui de Clovis, enfin celui de Hugues Capet, qui a ainsi imposé à la France l'ancienne bourgade gauloise, choix heureux sur bien des points (relief, fleuve, approvisionnement) sauf sur un seul : l'ouverture vers la trop proche frontière de l'est, chemin millénaire des invasions. La ville est ainsi « fille de la Seine et du roi » ; dans son intimité avec le souverain, trop étroite pour qu'elle ne soit pas à la fois choyée et malmenée, elle cherchera son indépendance en constituant une force politique et intellectuelle qui brisera à maintes reprises ses liens de filiation avec la monarchie et avec l'État : 1358, 1382, 1588, 1648, 1789, 1830, 1848, 1870, en prenant finalement l'habitude d'écrire elle-même l'histoire de France.
Sur le plan topographique, la croissance urbaine s'est faite avec une certaine régularité, à partir de l'île mère. En commençant par les environs immédiats des grands axes (rues Saint-Denis et Saint-Martin, Saint-Jacques, Saint-Honoré et Saint-Antoine), la ville s'est étendue peu à peu, comblant les vides et englobant les anciens « bourgs » fixés généralement autour des abbayes. Cette croissance radiante est matérialisée par les anneaux concentriques des [...]
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Écrit par
- Jean-Pierre BABELON : inspecteur général des Archives de France
- Michel FLEURY : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, secrétaire de la IVe section
- Frédéric GILLI : directeur délégué de la chaire Ville à Sciences Po, Paris
- Daniel NOIN : professeur émérite à l'université de Paris-I
- Jean ROBERT : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, membre de la section prospective et planification du conseil économique et social de la Région Île-de-France
- Simon TEXIER : professeur, université de Picardie Jules-Verne
- Jean TULARD : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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