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TOURISME

Une société devenue touristique

Dans les sociétés où le tourisme est ancien, ses valeurs ont investi le quotidien. Si, jadis, les lieux touristiques cherchaient à proposer un hébergement et une animation dignes des métropoles, c’est l’inverse qui se produit aujourd’hui quand des villes se donnent un air de vacances en plantant des espèces tropicales, comme les palmiers, ou aménagent à la belle saison des plages en leur cœur. L’ailleurs, exotisé et rêvé, s’est introduit dans nos vies et nos habitats. Des régions touristiques voient arriver des résidents à l’année. Ces hybridations révèlent de nouvelles pratiques mobilitaires, tels ces très courts séjours demandant un long déplacement et remettant en cause la distinction entre les espaces du quotidien et du « hors-quotidien ».

Des cultures vacancières variées

La propension à partir en vacances est fortement corrélée à la prospérité des États. À l’échelle mondiale, c’est dans les pays les plus riches que la part de la population ayant accès aux vacances est la plus forte, alors que seule une petite minorité de la population y a accès dans les pays les plus pauvres. À l’échelle de l’Union européenne (UE), où l’on a des statistiques fiables et homogènes, le taux de départ en vacances, défini par Eurostat comme le pourcentage de la population effectuant dans l’année au moins un séjour de quatre nuits ou plus hors de sa résidence habituelle, est un bon indicateur du niveau de développement des membres de l’UE. Les pays européens du Sud et de l’Est s’opposent à ceux du Nord-Ouest. Dans ces derniers, plus des deux tiers des habitants sont considérés comme des vacanciers au moins une fois l’an. Dans les premiers, c’est moins de la moitié, voire moins d’un tiers pour la Bulgarie et la Roumanie. La France, avec un taux de départ de 66 p. 100 en 2018, se situe dans le peloton de tête, mais derrière l’Allemagne, le Benelux ou les pays scandinaves.

Toutefois, le PIB par habitant ne permet pas de comprendre les manières de faire du tourisme sur les différents continents. On ne peut pas saisir la variété des pratiques et leur extension si on ignore la capacité des sociétés locales à s’approprier le tourisme et à l’adapter, dans des contextes culturels et socio-économiques très divers, avec notamment un rapport au travail et un poids de l’individu dans la société qui diffèrent fortement. Ainsi, si les Japonais, les États-Uniens et les Nord-Européens ont des revenus comparables, ils ne font pas du tourisme de la même manière. Concernant les premiers, leurs pratiques résultent d’une idéologie du travail développée au moment de la restauration de Meiji (1868), sans qu’elle soit compensée par un principe de loisirs. La réduction du temps de travail y a été très tardive. En 1987, l’amendement au Code du travail instaure les 46 heures hebdomadaires et définit une évolution graduelle vers les 40 heures ainsi qu’une augmentation de la durée des congés payés, fixée actuellement entre dix jours, après six mois de travail, et vingt jours ouvrés. Toutefois, dans une société où le groupe a une importance capitale, prendre des vacances signifie encore mettre ses collègues de travail dans l’embarras. Ainsi, par égard pour ceux-ci et par « loyauté » envers leur entreprise, les salariés ne prennent que la moitié environ des congés auxquels ils ont droit. La persistance d’un sentiment de faute lié aux loisirs et au tourisme explique la frénésie d’achats de souvenirs, destinés à faire pardonner leur absence. En outre, le fait que l’émergence des loisirs n’est pas liée comme en Europe à une augmentation des jours de congés, mais à celle des revenus disponibles durant la période dite de « haute croissance » (1955-1973), permet d’éclairer le comportement des Japonais assimilant les loisirs à la consommation, ce qui est également le cas pour les Chinois.[...]

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Écrit par

  • : agrégé de géographie, professeur des Universités, université Côte d'Azur

Classification

Pour citer cet article

Jean-Christophe GAY. TOURISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Naissance et diffusion spatiale du tourisme - crédits : Encyclopædia Universalis France (fond de carte : Daniel Dalet)

Naissance et diffusion spatiale du tourisme

<it>Assembly Room</it>, Bath - crédits : Icas94/ De Agostini/ Getty Images

Assembly Room, Bath

Allemagne, années 1950 - crédits : AKG-Images

Allemagne, années 1950

Autres références

  • TOURISME (anthropologie)

    • Écrit par Anne DOQUET
    • 1 104 mots

    Perçu par les institutions internationales dans les années 1960 comme un facteur de développement puis comme une solution salvatrice pour les pays du Tiers Monde, le tourisme est longtemps resté prisonnier d’une appréhension économiste qui l’analysait uniquement en termes de flux financiers sans...

  • ABRUZZES

    • Écrit par Robert BERGERON
    • 815 mots
    • 1 média

    Située dans le centre-est de l'Italie, couvrant une superficie de 10 794 kilomètres carrés, la région des Abruzzes renferme les montagnes les plus élevées et les moins facilement pénétrables de la péninsule ; l'Apennin y atteint sa puissance maximale. Les chaînons massifs...

  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Universalis, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
    • 29 784 mots
    • 28 médias
    De cette variété climatique découle une forte diversité des paysages.Celle-ci est valorisée par les activités touristiques : plages et réserves animalières (dont la plus étendue d'Afrique, le parc national Kruger) abondent. L'Afrique du Sud attire en effet des flux touristiques de plus en plus importants...
  • ALASKA

    • Écrit par Claire ALIX, Yvon CSONKA
    • 6 048 mots
    • 10 médias
    Parmi les autres secteurs économiques, c'est le tourisme qui rapporte le plus à l'Alaska. En 2003, on a compté 1,4 million de visiteurs dont la moitié fait des croisières estivales dans le Sud-Est, région connue pour ses glaciers spectaculaires et son abondante faune marine. L'industrie...
  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...tertiaire qui occupe au moins 56 % de la population active et contribue pour plus de 29 % au PIB (en 2007) profite très peu des opportunités offertes par le tourisme, qu'il soit balnéaire, saharien ou thermal. Avec la décennie noire de 1990, l'image du pays est ternie, marquée par les actions terroristes de...
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Voir aussi