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LIGURIE

Une renaissance tardive

La Ligurie du Quattrocento est demeurée étrangère à la révolution artistique issue de la renaissance toscane ; le style gothique y persiste durablement, comme le démontre notamment le prospetto de la chapelle du Baptiste à San Lorenzo de Gênes, exécuté par les Lombards Domenico et Elia Gagini, avec un souci décoratif inspiré du gothique fleuri. La peinture fait également survivre des accents gothiques avec les œuvres notables du Niçois Ludovico Brea ou celles de maîtres nordiques comme Just de Ravensburg, Joos Van Cleve, Gérard David, etc. Si l'art de Mantegna se répercute par l'entremise des Lombards Carlo Braccesco, Vincenzo Foppa et du Piémontais Giovanni Masone, et si des artistes toscans, tels Matteo Cividali et Andrea Sansovino, vinrent travailler à la chapelle du Baptiste, ils ne parvinrent pas pour autant à amorcer en Ligurie le processus de la Renaissance.

C'est seulement en 1528 que cette province s'ouvrira à la culture de l'Italie centrale, quand Andrea Doria appelle Perin del Vaga pour décorer son palais de Fassolo. Les artistes génois découvrent alors, par la médiation de ses fresques, le monde de Raphaël et de Michel-Ange, nuancé cependant d'une composante toscane, en raison des séjours simultanés de Domenico Beccafumi et de Giovanni Angelo Montorsoli dans la métropole ligure.

Mais faute d'avoir vécu et intégré l'expérience de la Renaissance, les artistes génois ne purent comprendre ce qui, dans le maniérisme, était recherche formelle inquiète, issue de la crise de la Renaissance ; ils n'y virent que les aspects capables de procurer les expressions d'un agréable esprit décoratif.

Cette interprétation demeurera une composante fondamentale de la sensibilité des artistes locaux durant tout le xvie et le xviie siècle, à commencer par Luca Cambiaso (1527-1585), le plus important des peintres ligures du Cinquecento. C'est dans certaines œuvres de sa maturité que brille son génie, quand il parvient à franchir les limites du maniérisme ; s'appropriant une réalité approchée dans ses aspects épisodiques, il produit, dans une interprétation personnelle du luminisme, des ouvrages qui le feront passer pour un précurseur de Georges de La Tour. Au demeurant, il n'est pas exclu que ce sentiment intimiste de la réalité, propre au goût nordique, lui ait été inspiré par les nombreuses peintures flamandes qui furent collectionnées à Gênes au cours des xve et xvie siècles. Luca atteignit également une grande maîtrise dans la décoration à fresque, fondant une tradition qui sera continuée aux xviie et xviiie siècles par Lazzaro et Pantaleo Calvi, Andrea Semino, Valerio Castello, Lazzaro Tavarone, Giambattista Paggi et Giovan Battista Carlone.

Quant au développement de la ville selon les schèmes de la Renaissance, il fut le fait d'un architecte de formation romaine, Galeazzo Alessi, appelé à Gênes en 1548 pour édifier la basilique de Santa Maria di Carignano, inspirée du projet de Bramante pour Saint-Pierre de Rome. La réalisation la plus notable, à cette époque, fut l'ouverture de la via Nuova (aujourd'hui, via Garibaldi) ; c'était la première rue conçue selon une percée rectiligne, réglée selon les lois de la perspective et flanquée de palais articulés en masses séparées, au contraire du dispositif continu propre aux voies médiévales. Imitée de la via Nuova, la via Balbi fut ouverte en 1602 sous la direction de l'architecte Bartolomeo Bianco ; cette voie illustre une conception d'espace urbain que caractérise l'articulation scénographique de vastes escaliers, de somptueuses cours et de jardins richement parés.

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Michel ROUX et Giovanna TERMINIELLO ROTONDI. LIGURIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Italie : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Italie : carte administrative

Ligurie : Cinque Terre - crédits : M.Santini/ De Agostini/ Getty Images

Ligurie : Cinque Terre

Gênes - crédits : De Agostini/ Getty Images

Gênes

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