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TIBET (XIZIANG)

Histoire

Peu de pays ont une histoire aussi profondément conditionnée par la géographie que le Tibet. Cet énorme plateau, qui occupe le centre de l'Asie, offre des conditions de vie pénibles. L'agriculture est limitée aux vallées (rong) des grands fleuves, tandis que les parties plus hautes ('brog) ne permettent que l'élevage. La population, faible en termes absolus, se concentre dans les rong ; elle est peu nombreuse et totalement ou partiellement nomade dans les 'brog. Ces conditions comportent des conséquences de plusieurs ordres. Avant tout, l'émiettement du pays, où chaque rong tend à former une unité territoriale. Cela est la règle presque absolue au Tibet oriental ; seule dans le Tibet central l'existence de la grande vallée du gTsang-po (Brahmapoutre) a permis de temps en temps la formation d'un pouvoir central.

Dès les origines, la structure sociale a été féodale ; par la suite, une aristocratie monastique s'est ajoutée à la noblesse laïque, sans que soient profondément modifiées les conditions de vie du peuple. Cette aristocratie se recrutait presque exclusivement chez les cultivateurs des vallées ; la société des pasteurs ne comprenait pas de nobles et n'était pas dirigée par une aristocratie. La prédominance économique et sociale des sédentaires est absolue ; l'histoire du Tibet a été faite par les agriculteurs et non par les éleveurs.

L'altitude du pays, la rareté et la difficulté des voies d'accès ont contribué à préserver le Tibet de maintes invasions. D'un autre côté, le faible potentiel démographique n'a pas permis au pays de se livrer à l'expansion militaire ; la seule mais très importante exception est la période monarchique (viie-ixe s.), où l'impérialisme d'une envergure panasiatique a bénéficié d'un moment historique et de conditions internes exceptionnelles. Depuis la pénétration définitive du bouddhisme au xie siècle, le Tibet est devenu objet, et non sujet, d'histoire. Il peut paraître singulier qu'un pays aussi pauvre ait fait l'objet d'invasions. Le motif en était qu'il servait de refuge à une religion, le bouddhisme, qui à diverses époques déploya une intense activité missionnaire au-dehors ; plus tard, la position stratégique du Tibet au centre du continent y contribua aussi. La Chine au xviiie siècle établit son contrôle sur le Tibet pour empêcher que le dalaï-lama, qui était aussi le chef spirituel des Mongols, ne tombât sous des influences hostiles. De même, aux environs de 1900, l'Angleterre intervint militairement pour éviter que l'influence russe ne s'y établît. Quand le Tibet se trouvait enserré entre des voisins en phase d'expansion, le but de ceux-ci n'était pas de le soumettre, mais d'empêcher les autres de le faire. Cette limitation d'intérêt sauvait l'autonomie interne du pays, mais pas son indépendance.

La monarchie

On ne connaît presque rien de la préhistoire du Tibet ; l'archéologie en est encore à ses débuts, et les quelques trouvailles de l'Amdo et de Nyalam aux confins népalais sont trop minces pour qu'on puisse en tirer des conclusions. En ce qui concerne les légendes tibétaines des origines, les études critiques de ces dernières années permettent de tracer un tableau assez précis. Selon les anciens mythes, les habitants primitifs, issus de l'union d'un singe avec une ogresse des rochers, auraient reçu une organisation sociale et politique d'un être semi-divin, gNya'-khri-btsan-po, descendu du ciel au moyen d'une corde céleste. À ce fondateur mythique de la nation et de l'État vingt-sept rois auraient succédé jusqu'au commencement du viie siècle. En réalité, la légende concerne une petite principauté située dans la vallée de Yar-lung, dans le Tibet méridional. À la[...]

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Écrit par

  • : chargée de mission au musée Guimet
  • : professeur à l'université de Rome
  • : Fellow of the British Academy
  • : professeur des Universités, Institut national des langues et civilisations orientales
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis, Chantal MASSONAUD, Luciano PETECH, David SNELLGROVE et Pierre TROLLIET. TIBET (XIZIANG) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Chine : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Chine : carte administrative

Plateau du Tibet - crédits : J. Singer/ Click

Plateau du Tibet

Berger tibétain et son troupeau - crédits : Feng Wei Photography/ Moment Open/ Getty Images

Berger tibétain et son troupeau

Autres références

  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés

    • Écrit par Philippe PELLETIER
    • 23 142 mots
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    ...de cette nouvelle situation au cœur de l'Asie, la Chine réalise deux projets majeurs en 2006. D'une part, elle prolonge son réseau ferroviaire jusqu'au Tibet, en ouvrant la voie Golmud-Lhassa (1 100 km), la plus haute du monde (col de Tanggula, 5 072 m), qui lui permettra de renforcer sa mainmise sur...
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    La conversion du Tibet au bouddhisme se confond avec l'introduction des civilisations indienne et chinoise, dans ce pays isolé et resté à l'écart des grands courants culturels jusqu'au milieu du viie siècle de notre ère. Le bouddhisme pourtant, d'après la légende, serait apparu au...
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Voir aussi