BRAHMAPOUTRE
Les Indiens donnent le nom de Brahmaputra (« fils de Brahma ») à un fleuve puissant, long de 2 900 kilomètres et drainant un bassin de 580 000 kilomètres carrés, qui prend sa source au nord de l'Himalaya pour venir finalement mêler ses eaux à celles du Gange dans un delta commun qui forme l'essentiel du Bangladesh. La longueur même de ce fleuve fait qu'il change de nom en passant d'une aire culturelle à une autre. Dans l'aire sino-tibétaine, il est connu sous le nom de Gtsang-po ou Zangbojiang. Le cours comporte trois tronçons assez différents pour qu'ils puissent être présentés tour à tour.
Le cours supérieur tibétain occupe un long sillon (plus de 1 000 km) au nord de la haute chaîne himalayenne, qui lui est assez strictement parallèle. L'explication de ce cours très rectiligne pose un problème assez difficile, d'autant plus que l'Indus supérieur coule vers l'ouest selon un alignement qui prolonge celui du Brahmapoutre. Il est possible que les deux fleuves aient été fixés dans cette position par l'existence d'une zone de faiblesse correspondant à une suture structurale majeure au contact de l'orogène himalayen et du Tibet. La région est élevée, mais assez sèche, car elle est isolée par de hautes montagnes des sources d'humidité. Les précipitations tombent sous forme de neige, en hiver surtout, et les glaciers sont étendus dans le haut bassin. Ces conditions expliquent que l'abondance soit assez faible dans cette partie tibétaine (débit maximal de 14 000 m3/s près de la sortie du Tibet), et que le régime soit du type nivo-glaciaire, avec de hautes eaux commençant en mars et se prolongeant vers le début de l'été. Malgré l'altitude supérieure à 3 000 mètres sur de longues distances, le fleuve est navigable au long de 640 kilomètres sur les 1 100 du cours tibétain, fait dont la rareté mérite d'être notée.
Après un brusque coude vers le sud, le Brahmapoutre traverse l'Himalaya oriental, en une série de gorges impressionnantes au pied de reliefs qui dépassent encore 7 000 mètres. Il s'agit sans doute d'un phénomène d'antécédence, c'est-à-dire que le cours se serait établi avant le soulèvement majeur de l'Himalaya. Le fleuve entre alors dans la plaine d'Assam, après un nouveau coude vers l'ouest, et vient rejoindre le Gange. Sur cette partie du bassin, les précipitations sont très abondantes (plus de 2 000 mm en plaine, plus de 5 000 sur les reliefs bordiers) et tombent surtout en été. Aussi l'abondance moyenne augmente-t-elle considérablement (19 000 m3/s) et les crues sont redoutables (maxima observés de 70 000 m3/s) ; au seul Bangladesh, 40 000 kilomètres carrés sont sous la menace constante de l'inondation. Le fleuve est très chargé par suite de la violence de l'érosion ; le lit, surélevé par rapport à la plaine, est formé de chenaux anastomosés très instables. Malgré les dangers qu'il représente, le fleuve est activement utilisé pour la navigation et pour la culture du riz par inondation plus ou moins contrôlée. Dans la partie deltaïque surtout, un système de culture complexe a été mis au point. L'endiguement assez largement pratiqué n'offre pas une solution définitive, et un aménagement complet serait souhaitable, mais il est rendu difficile par suite de la puissance du fleuve et surtout parce que trois pays s'en partagent le bassin.
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Écrit par
- François DURAND-DASTÈS : professeur à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
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