Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NATIONALITÉ

La distinction étranger/national

Le problème est de savoir si les étrangers jouissent dans un pays donné des mêmes droits que les nationaux. La réponse affirmative de principe est de plus en plus générale, au moins en ce qui concerne les relations privées par opposition aux droits politiques. Toutefois, cet aboutissement est le résultat d'une longue histoire qui commence dans le monde antique par le refus de tout droit à l'étranger.

Évolution historique

La rigueur du principe qui mettait l'étranger hors la loi a été très tôt tempérée de multiples manières, notamment par les traités, les institutions du patronage et de l'hospitalité. Mais l'ancien principe, disparu dans l'Empire avec l'octroi général du droit de cité par Caracalla (212), reparut quand des relations s'établirent avec les Barbares ; patronage et hospitalité se retrouvent alors. Et, quand la féodalité se développa après la disparition de l'Empire romain, le même ostracisme s'exerça de nouveau à l'égard de l'aubain : s'il ne s'avoue l'homme du seigneur, ce dernier peut le saisir corps et biens. La tradition est tenace selon laquelle l'homme étranger à l'unité politique est étranger à son droit, à tout droit.

L'évolution vers la reconnaissance de la personnalité juridique de l'étranger tenait cependant à des facteurs antagonistes au moins aussi puissants, ne serait-ce que la nécessité de relations entre unités politiques distinctes, et le sentiment corrélatif persistant d'une communauté de nature ne permettant pas de nier à l'étranger les prérogatives inséparables de la qualité d'homme. À la veille de la Révolution, l'évolution s'était achevée sous la seule réserve, pour des raisons complexes, du droit de transmettre et de recueillir à cause de mort.

L'époque moderne a vu le droit des étrangers se fragmenter en deux directions bien différentes. D'une part, on a continué à se demander quels droits devaient être accordés ou refusés, en règle générale, aux étrangers. Bien que l'article 11 du Code Napoléon eût posé en règle que la jouissance en France des droits civils par les étrangers était subordonnée à une condition de réciprocité diplomatique, la jurisprudence, en entendant restrictivement la notion de droits civils qu'elle opposa à celle de droits naturels, a fini par admettre que les étrangers jouissaient de tous les droits privés et professionnels – mais non des droits politiques – qui ne leur étaient pas refusés par un texte exprès.

D'autre part, cependant, le souci de contrôler une immigration croissante a suscité une réglementation de droit public très mouvante, qui enserre chaque étranger, pris individuellement, dans un réseau d'autorisations et d'interdictions. Cela commence par le visa d'entrée et toute une série de justifications à fournir à l'entrée en France, se poursuit par la nécessité d'obtenir un titre de séjour et des autorisations de travail, et peut s'achever par une mesure d'éloignement du territoire (reconduite à la frontière ou expulsion, accompagnées ou non d'une mesure d'interdiction du territoire).

De nombreux traités bilatéraux ont été conclus en cette matière pour garantir aux ressortissants d'un État contractant la jouissance de certains droits sur le territoire de l'autre. Le traité de Rome du 25 mars 1957 et les textes qui en sont issus vont plus loin en accordant aux ressortissants de chaque État membre de l'Union européenne sur le territoire des autres le droit au séjour et l'égalité de traitement en matière professionnelle et sociale.

Le renforcement de l'Union européenne a eu pour résultat d'accentuer les discriminations entre étrangers, selon qu'ils ont la nationalité d'un État de l'Union ou celle[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris
  • : professeur de droit international public à l'université d'Évry-Val-d'Essonne
  • : avocat à la cour
  • : professeur honoraire à l'université de Rouen Haute-Normandie, doyen honoraire de la faculté de droit et des sciences économiques
  • : professeur à la faculté de droit, université de Rouen
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Henri BATIFFOL, Patricia BUIRETTE, Universalis, Jean-Éric MALABRE, Marthe SIMON-DEPITRE et Paul TAVERNIER. NATIONALITÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CITOYENNETÉ ET NATIONALITÉ EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE (R. Brubaker)

    • Écrit par Henri MÉNUDIER
    • 1 302 mots

    Professeur de sociologie à l'université de Californie à Los Angeles (U.C.L.A.), Rogers Brubaker considère que la définition juridique de la nationalité joue un rôle central dans le développement et le fonctionnement de l'État. Pour ne pas en rester au niveau des généralités, il étudie...

  • ALLEMAGNE (Géographie) - Géographie économique et régionale

    • Écrit par Guillaume LACQUEMENT
    • 12 044 mots
    • 9 médias
    La nation allemande transgresse donc les frontières étatiques. Elle procède d'une vision tout à la fois naturaliste et historique qui liela nationalité à l'origine ethnique et qui établit le droit du sang comme fondement légitime de la citoyenneté. L'interprétation biologique et raciste...
  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - L'Allemagne unie

    • Écrit par Étienne DUBSLAFF, Universalis, Anne-Marie LE GLOANNEC
    • 9 694 mots
    • 4 médias
    ...cinq ans. Le gouvernement Schröder recourt donc à une politique de naturalisation qui tranche avec la politique précédente, fondée sur le droit du sang. Le Code de la nationalité est réformé en 2000 : il accorde désormais la nationalité allemande aux enfants nés en Allemagne de parents étrangers et réduit...
  • CHINE - Droit

    • Écrit par Jean-Pierre CABESTAN
    • 10 329 mots
    • 1 média
    Désireused'entériner sa politique à l'égard des Chinois d'outre-mer, la Chine populaire promulguait en septembre 1980 une loi sur la nationalité. Conciliant le principe traditionnel du jus sanguinis avec des éléments de jus soli, cette loi réaffirme les idées avancées par Pékin...
  • CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - Les années Mitterrand (1981-1995)

    • Écrit par Pierre BRÉCHON
    • 7 342 mots
    • 7 médias
    ...situation irrégulière. Ce changement de politique est symboliquement manifesté par l'expulsion retentissante de 101 Maliens par charter spécial. La réforme du code de la nationalité, pour en rendre moins automatique son acquisition par les enfants nés en France de parents étrangers, est fortement contestée...
  • Afficher les 17 références

Voir aussi