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COMMUNAUTÉ

L'articulation des différents niveaux d'appartenance « communautaire » et leur degré d'intégration dans la communauté nationale constituent un problème récurrent pour les États modernes. La notion de « communauté » renvoie en effet à une question fondamentale : celle des principes d'organisation garantissant la cohésion sociale et des règles de cohabitation entre les divers groupes d'appartenance qui composent les sociétés.

Typologie

L'historien allemand Ferdinand Tönnies a, le premier, proposé une analyse des formes d'appartenance aux groupes et de leurs fondements dans son ouvrage au titre évocateur, Communauté et société (1887). Fondant sa réflexion sur la distinction entre société traditionnelle et société moderne, il oppose la Gemeinschaft à la Gesellschaft. La Gemeinschaft (« communauté ») décrit tout groupement « naturel », clos et à forte dimension émotionnelle, fondé sur des liens objectifs (famille, ethnie, religion, appartenance villageoise, traditions, langue, références historiques...). Par opposition, la Gesellschaft (« société ») est un groupement fondé sur le consentement et l'adhésion volontaire, dans une logique utilitariste. La description de la société contractualiste renvoie aux caractéristiques d'organisation de l'État capitaliste moderne tel qu'il s'est progressivement construit en substituant au principe de droit divin qui organisait la société traditionnelle le principe du choix et de l'élection pour fonder l'ordre politique. Dès lors que le fondement social repose sur un lien rationnel et individualiste, la nature et la solidité du lien social né de cette organisation juridique sont interrogées, en comparaison au lien de solidarité ancré dans la Gemeinschaft.

Cherchant à comprendre comment les diverses formes de solidarité participent à l'intégration générale de la société, le sociologue Émile Durkheim a, en particulier, précisé les types de solidarité qui caractérisent les différentes sociétés. Dans De la division du travail social(1893), il oppose la « solidarité mécanique », « qui vient de ce qu'un certain nombre d'états de conscience sont communs à tous les membres de la même société », à la « solidarité organique », due à la division du travail social et qui, en juxtaposant les individus les uns à côté des autres, ne contribue point à l'unité du corps social. La problématique du lien social s'est donc imposée au moment de la construction et du développement des États-nations, symbolisant le passage d'une société communautaire fondée sur des liens objectifs et une solidarité naturelle à une société nationale fondée sur des liens juridiques et une solidarité contractuelle. Partant, deux fondements distincts mais non exclusifs peuvent organiser les groupes sociaux : le sentiment subjectif d'appartenir à une même communauté d'une part, la recherche rationnelle d'intérêts communs d'autre part. Pour Max Weber, il existe également plusieurs types de groupes selon qu'ils tendent vers la « communalisation » fondée sur l'appartenance subjective, ou vers la « sociation », axée sur l'appartenance contractuelle.

C'est précisément ces deux fondements que les États-nations ont cherché à concilier ou à dépasser au moment de leur construction et de l'invention d'un lien national aux xviiie et xixe siècles dans les pays européens. En effet, une fois acquis les principes de l'État de droit et de la liberté individuelle, comment construire la « communauté des citoyens » (Dominique Schnapper) englobant la multitude d'identités sociales primaires et donnant naissance à une identité politique unifiante ? Une double conception de l'appartenance à la communauté nationale et de la citoyenneté[...]

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Écrit par

  • : docteur en science politique, centre de recherches politiques de la Sorbonne, université de Paris-I

Classification

Pour citer cet article

Stéphanie MOREL. COMMUNAUTÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ĀŚRAM ou ASHRAM

    • Écrit par Guy DELEURY
    • 1 737 mots
    ...coup de gong du réveil, à 4 heures du matin, jusqu'à l'extinction des feux à 9 h 30 du soir, chacun suit un horaire à la fois très strict et très libre. La communauté se rassemble pour les prières du matin et du soir et pour les deux repas : le reste du temps, chacun se consacre à son travail, domestique,...
  • BOSNIE-HERZÉGOVINE

    • Écrit par Emmanuelle CHAVENEAU, Renaud DORLHIAC, Universalis, Nikola KOVAC, Noel R. MALCOLM
    • 13 495 mots
    • 7 médias
    ...qui passent de 7,6 % à 2,7 %. Ces évolutions sont le produit conjugué des effets de la guerre de 1992-1995 et des politiques qui l’ont suivie. En effet, ces dernières ont largement prolongé les objectifs d’homogénéisation communautaire mis en œuvre durant le conflit par la violence et les mouvements forcés...
  • CABET ÉTIENNE (1788-1856)

    • Écrit par François BURDEAU
    • 605 mots

    Jeune avocat, issu d'une famille d'artisans bourguignons, Cabet adhère à la Charbonnerie et devient même membre de son comité dirigeant, la Vente suprême, sous la Restauration. Un moment procureur général en Corse, au lendemain de la révolution de Juillet, puis député de la Côte-d'Or,...

  • CANONIQUE DROIT

    • Écrit par Patrick VALDRINI
    • 8 003 mots
    Le droit organise le statut de deux sortes de communautés, les communautés hiérarchiques et les communautés associatives. Ces dernières sont constituées par les fidèles eux-mêmes et structurées comme ils l'entendent. Ils ont un droit d'y appartenir librement. Les liens de l'autorité à ces communautés...
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Voir aussi