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ÉMAUX

Le terme émail, au singulier, suscite plus d'impressions tactiles que visuelles ; il évoque la dureté lisse de surfaces impénétrables aux corrosions, la netteté réfractaire d'une glaçure où le toucher ne saurait découvrir de faille. Mais que le pluriel en souligne les aspects, et les émaux brillent de tous leurs feux ; car les rayons de la lumière, sans entamer la virginité minérale de la matière, en pénètrent la substance et éveillent dans sa profondeur des gammes de vibrations colorées.

Capté par le réseau d'or du métal, leur jeu s'ordonne. Les couleurs opaques ou translucides tantôt s'unissent à la lumière en valeurs calmes, sur les plages paisibles de l'azur clair et du vert pré, tantôt l'absorbent dans les réverbérations nocturnes du cobalt, tantôt la ponctuent de jaune et de rouge, comme d'étoiles, de fleurs ou de flammes. L'émeraude coruscant répond au mystère des violets, à la majesté des pourpres et rivalise avec la fraîcheur des turquoises. L'ambre assourdit les clartés ; les gris cendre, les noirs les voilent d'ombres.

Sobre ou riche, la palette appuie ses nuances sur celles du métal. Mais sa surface dorée oppose à la lumière un obstacle infranchissable ; elle la reflète, la libère, donc, mais la fait rayonner, désormais voulue, unie ou divisée par l'outil et toujours chaude. La réverbération du four engendre ces harmonies colorées, en cristallise les vertus. Les visions se réfléchissent, éternisées, au miroir des émaux.

Les procédés

L'émail est un produit cristallin, mélange proportionné d' oxyde de plomb et de sable quartzeux se combinant en silicates avec une base, soude ou potasse, à l'aide de liants tels que la magnésie, le nitre et le salpêtre. Ce fondant transparent est coloré dans sa masse par des oxydes métalliques : cobalt pour le bleu ; cuivre à différents degrés d'oxydation pour le vert, le rouge, le noir et le turquoise ; argent pour le jaune ; antimoine et fer pour le brun ; étain pour le blanc ; manganèse pour les violets ; l'or enfin pour le rubis. Le plus ancien traité technique mentionnant l'émail, texte écrit en Basse-Saxe pendant la première moitié du xiie siècle par le moine Théophile, et les travaux de Blaise de Vigenère au xvie siècle confirment la permanence de cette palette toujours employée. Ces oxydes métalliques n'ont été analysés chimiquement et fabriqués par synthèse qu'au xixe siècle. Auparavant, on les obtenait par des opérations successives d'affinage de minerais ou par des oxydations pragmatiques ; ils comportaient donc des impuretés. Objets d'un commerce intercontinental avant l'ère chrétienne, ils aboutissaient aux verreries et de là aux émailleurs. La température de fusion des émaux se situe entre 700 et 800 0C.

L' émaillage consiste à broyer en poudre les émaux et à les appliquer à la surface d'un support soit céramique, soit vitreux, soit métallique ; on ne considérera ici que l'émaillage sur métal : l'or, l'argent, le cuivre et ses alliages, voire le fer se trouvent ainsi revêtus d'un épiderme qui les protège, les colore, les embellit. On décèle l'existence d'émail à Chypre vers le xive siècle avant J.-C. et dans la Grèce mycénienne. Sa présence sporadique persiste dans les régions orientales du monde grec, en Scythie, puis dans le bassin oriental de la Méditerranée héllénistique, là où tôt prospérèrent des sociétés urbaines. Ces essais révèlent d'emblée ce que sera l'intention permanente de l'émailleur : rivalisant avec la nature géologique, mais la dépassant en quelque sorte, il colore le métal avec une pierre précieuse artificielle et ductile, le verre coloré.

On a préparé depuis lors le support métallique avec des procédés définissant trois catégories principales[...]

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Classification

Pour citer cet article

Marie-Madeleine GAUTHIER. ÉMAUX [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Retour des envoyés de Canaan, N. von Verdun, retable de Verdun - crédits : Leemage/ Corbis/ Getty Images

Retour des envoyés de Canaan, N. von Verdun, retable de Verdun

Autres références

  • ALICATADO

    • Écrit par Colette CROUZET
    • 211 mots

    Le terme d'alicatado désigne, en Espagne, une mosaïque constituée par des fragments de céramique émaillée de formes et de couleurs différentes, incrustées dans du plâtre. Ces fragments de faïence sont obtenus à partir d'azulejos monochromes sur lesquels on trace un décor...

  • ALPAIS (1185 env.-env. 1215)

    • Écrit par Marie-Madeleine GAUTHIER
    • 603 mots

    Insculpée à l'intérieur du couvercle d'un ciboire célèbre, une inscription désigne indubitablement un artiste émailleur : Magister G. Alpais me fecit Lemovicarum (Maître G. Alpais m'a fait à Limoges) ; il paraît en effet préférable de traduire ainsi en français le locatif ...

  • ART DE COUR

    • Écrit par Philippe VERDIER
    • 4 801 mots
    • 1 média
    ...grotesques ont gardé toute leur verve dans les Heures de Savoie pour Blanche de Bourgogne (1348). Dans l'émaillerie de basse-taille parisienne, aux émaux translucides posés sur un fond d'argent faiblement ciselé, l'esthétique de la décoloration et des tonalités claires, qui triomphe dans le vitrail...
  • AZULEJOS

    • Écrit par Colette CROUZET
    • 953 mots
    • 2 médias
    ...L'utilisation de la céramique en plaques de revêtement remonte aux civilisations anciennes du Moyen-Orient (Babylone, la Perse aux environs du Ier millénaire). Mais le terme azulejos désigne d'une manière plus précise les plaques de revêtement à décor émaillé utilisées d'abord à Samarra au ...
  • Afficher les 35 références

Voir aussi