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ÉGLISE, architecture

La réforme grégorienne

Le césaropapisme carolingien était lié au centralisme administratif. Il portait en lui-même ses propres limites : dès lors que les forces de dissolution l'emporteraient, apparaîtraient de nouvelles structures politiques adaptées aux nécessités de l'époque. L'empereur du Saint Empire romain germanique tenta de protéger le schéma dont il était l'héritier. Partout ailleurs, une multitude de seigneurs cherchèrent à affirmer leur pouvoir en conservant une partie de l'autorité publique. Le conflit devenait inévitable avec l'Église, dont la mission ne pouvait se réduire à une obéissance au monde laïc. Il prit suivant les régions des aspects bien différents, se prolongeant parfois très tardivement. Le grain semé par Benoît d'Aniane, portant la promesse d'une réforme monastique, finit par germer au tout début du xe siècle au sein d'une abbaye, celle de Cluny, fondée par un seigneur laïc. Il s'agissait, comme il a été dit en une formule, d'« arracher l'Église aux laïcs ». Le mouvement irrésistible triompha lorsque fut élu sur le trône pontifical, en 1073, un pape qui prit le nom évocateur de Grégoire VII. On lui donna le nom de « réforme grégorienne » ; elle aboutit à créer pour l'Église un nouvel espace de liberté, l'évêque retrouvant une certaine indépendance, et un nouvel équilibre s'instaurant entre clercs et laïcs. Ce courant réformateur était étroitement lié au fantastique sursaut qui traversa l'Europe occidentale autour de l'an mil. Touchant tous les domaines, en raison de la nécessité vitale de reconstruction sur des cendres dont certaines étaient encore chaudes, il connut dans le domaine démographique une ampleur dont on a pris conscience depuis quelques années seulement : il aboutit en effet à un repeuplement généralisé, plus accentué encore dans les villes. Les nouveaux arrivants, ceux que l'on appelait les « pieds poudreux », transformèrent celles-ci très rapidement. De désertées, elles se trouvèrent rapidement repeuplées, en même temps que leur destin basculait définitivement, pour devenir enfin des villes modernes. Les évêques, attentifs – ainsi certains prélats du nord de la France –, saisirent aussitôt quel avenir les attendait, et comprirent qu'il était nécessaire de tenir compte des habitants. Alors qu'à l'époque carolingienne, ils avaient été peu présents dans la réflexion de l'Église, ils y prirent une place fondamentale. Le message de Grégoire Ier avait une fois de plus porté dans la longue durée. Le pape souhaitait restituer à la cathédrale d'un diocèse sa finalité première de rassemblement de la communauté, clercs et laïcs confondus. Telle fut la politique conduite par nombre de prélats, ce qui aboutit à modifier considérablement l'aménagement intérieur de l'édifice, en adoptant un nouveau parti architectural lorsque la décision de reconstruction était prise.

Comme à l'époque carolingienne, les évêques entreprirent la modification de leurs cathédrales en deux endroits : la façade occidentale et le chevet. La question qui se posait de façon renouvelée était celle de l'accueil des fidèles. Jusqu'alors, il était généralement latéral, en raison de l'implantation dans un parcellaire antique. Les maîtres d'ouvrage souhaitèrent l'établir franchement à l'ouest, en détruisant les éléments qui s'y trouvaient jusqu'alors – ainsi Adalberon, à Reims, à la fin du xe siècle. D'autres imaginèrent d'établir un bloc-façade formé de tours, destinées à intégrer clochers et portails. Le premier exemple est sans doute celui de Bayeux, au milieu du xie siècle. Par sa clarté, ce parti s'imposa aussitôt dans l'architecture des cathédrales, mais aussi dans l'[...]

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Pour citer cet article

Alain ERLANDE-BRANDENBURG. ÉGLISE, architecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Premier Saint-Pierre de Rome - crédits : Encyclopædia Universalis France

Premier Saint-Pierre de Rome

Cathédrale de Cologne - crédits : Encyclopædia Universalis France

Cathédrale de Cologne

Autres références

  • ABADIE PAUL (1812-1884)

    • Écrit par Claude LAROCHE
    • 977 mots

    Paul Abadie est né à Paris le 9 novembre 1812. Il est le fils d'un architecte néo-classique homonyme (1783-1868) qui fut architecte du département de la Charente : on lui doit notamment le palais de justice d'Angoulême (env. 1825-1828). Abadie entre à Paris dans l'atelier d'Achille Leclère...

  • ABBATIALE DE CLUNY III

    • Écrit par Christophe MOREAU
    • 223 mots

    La légende veut que ce soit saint Pierre, apparaissant au moine Gunzo, qui ait jeté les plans de la troisième église abbatiale de Cluny, la plus grande de tout l'Occident médiéval. Cette transformation débuta en 1088, sous l'abbatiat d'Hugues de Semur (1049-1109), afin de répondre aux besoins...

  • ALBERTI LEON BATTISTA (1404-1472)

    • Écrit par Frédérique LEMERLE
    • 3 110 mots
    • 8 médias
    ...édifices sont cependant très importants pour l'histoire de l'architecture, car ils posent, d'entrée de jeu, les deux problèmes cruciaux de l'architecture religieuse de la Renaissance : celui du plan (centré ou longitudinal) et celui de l'adaptation des formules antiques aux façades des églises modernes....
  • AMBON

    • Écrit par Maryse BIDEAULT
    • 194 mots

    Nom donné, dans l'art paléochrétien, à la chaire du haut de laquelle sont lus les textes sacrés ou prononcés les sermons. De formes diverses, l'ambon peut être isolé dans la nef principale de l'édifice ou bien faire partie d'un chancel situé devant l'abside ; dans ce...

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