SUCRE

Vers un nouveau paysage sucrier européen

La nette limitation des exportations européennes de sucre et la large ouverture du marché intérieur européen aux importations font que l’Union européenne est devenue, après avoir longtemps été l’un des grands exportateurs mondiaux de cette denrée, l’un des principaux importateurs.

Les PMA (pays les moins avancés) ont obtenu, dès 2001 et pour 2009, dans le cadre de l’initiative Everything but Arms (« Tout sauf les armes »), une ouverture au marché européen en franchise de droits, avec toutefois des prix devenus moins rémunérateurs. En outre, les pays ACP qui ne sont pas classés dans le groupe des PMA sans être pour autant des pays développés vont se retrouver en compétition directe sur le marché international du sucre avec des États particulièrement compétitifs tel le Brésil. Aux oppositions d’intérêt Nord-Sud s’ajoutent désormais des oppositions Sud-Sud. Certains PMA (Mozambique, Zambie, Tanzanie, Malawi…) commencent toutefois à attirer les investissements de grands groupes sucriers en raison des coûts très bas de leur foncier et de leur main-d’œuvre.

À l’intérieur de l’ Union européenne, la concentration déjà effective de la production sucrière est appelée à se poursuivre. Avant même la fin des quotas sucriers, une nouvelle géographie de la production de sucre se met en place au profit des pays les mieux placés – Allemagne, France, Royaume-Uni – et des entreprises les plus performantes tels les grands groupes coopératifs français Tereos et Cristal Union. Cela dans le contexte d’une volatilité croissante des prix en raison d’une sensibilité accrue aux fluctuations du marché international, mais avec de nouvelles opportunités d’accroître les productions et les exportations pour les groupes les plus compétitifs. Une internationalisation croissante des groupes sucriers européens est en marche : Tereos possède déjà des sucreries au Brésil, British Sugar en Chine… Les grands groupes de l’agroalimentaire (Coca-Cola, Nestlé, Unilever…), qui sont acquéreurs de plus de 50 p. 100 du sucre mis sur le marché français, ont encouragé cette libéralisation croissante du marché du sucre. Afin de mesurer les poids respectifs des grands groupes sucriers européens, on peut se référer aux quotas qu’ils contrôlent. Ainsi, en 2014, les grands groupes allemands ont bénéficié de près de la moitié des quotas sucriers européens, avec 24 p. 100 pour Südzucker, 15 p. 100 pour Nordzucker et 8 p. 100 pour Pfeifer & Langen. Les groupes français (Tereos avec 13 p. 100 des quotas et Cristal Union avec 8 p. 100) sont classés loin derrière, mais devant le britannique British Sugar (11 p. 100) pour le premier groupe sucrier français. En 2015, Tereos a racheté la firme britannique Napier Brown Sugar qui était le premier distributeur indépendant de sucre en Europe. Le renforcement des capacités de distribution et d’exportation est devenu essentiel dans le contexte de disparition des quotas de production à compter du 30 septembre 2017 et de libéralisation du marché. Les fabricants européens de sucre pourront toutefois exporter librement sans être limités par un plafond à l’OMC à partir de cette date.

Jusque-là, malgré la restructuration de ce secteur, les superficies consacrées à la betterave à sucre dans l’Union européenne ont peu diminué en raison du développement de la production d’éthanol et d’alcool à partir de la betterave à sucre. En 2015, les productions d’alcool et de bioéthanol de l’Union européenne ont dépassé 71 millions d’hectolitres. Elles provenaient pour plus du quart de la betterave et de mélasse (résidu de la production de sucre, mais en contenant encore un peu). Les principaux pays producteurs européens sont la France (19 millions d’hectolitres), l’Allemagne (11,5 millions), le Royaume-Uni (7,5 millions) et l’Espagne (4,9 millions).[...]