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TANZANIE

Nom officiel République unie de Tanzanie
Chef de l'État et du gouvernement Samia Suluhu Hassan - depuis le 19 mars 2021
Capitale Dodoma
Langue officielle Swahili , Anglais
Population 66 617 606 habitants (2023)
    Superficie 947 300 km²

      La Tanzanie (officiellement la République unie de Tanzanie) naquit en 1964 de l'union du Tanganyika et de l'ancien sultanat de Zanzibar. Le pays a eu son heure de gloire sur la scène politique et intellectuelle internationale dans les années 1960-1970 pour avoir suivi une voie de développement connue sous le nom de « socialisme à l'africaine ». Instituée par le chef de l'État d'alors, Julius Nyerere, et portée par des idéaux de justice et d'égalité, elle a mis en œuvre des programmes de collectivisation du monde rural et de nationalisation de l'industrie et du commerce. Ce développement favorisa la construction d'une identité nationale forte qui contribua à la stabilité politique de la Tanzanie. Les clivages ethniques, dans un pays qui dénombre plus de cent vingt ethnies, les divisions raciales construites pendant la période coloniale entre Africains, Arabes, Européens, Indiens et Swahilis, ou encore les oppositions religieuses entre musulmans et chrétiens furent contenus par un État autoritaire porté par un parti unique puissant (Tanganyika African National Union, T.A.N.U.) et grâce à une idéologie nationaliste relayée par le swahili, langue africaine officielle adoptée à l'indépendance. Le bilan de la période socialiste fut cependant mitigé : le pays parvint à développer des services publics gratuits et relativement efficaces, mais les résultats économiques furent catastrophiques. La Tanzanie se convertit au libéralisme économique au milieu des années 1980, puis à la démocratisation de la vie politique. Les espoirs nés de ces bouleversements laissent désormais la place au mécontentement populaire et à l'émergence de divisions internes, liés à l'aggravation des inégalités socio-économiques et à la corruption au sein du monde politique.

      Tanzanie : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Tanzanie : carte physique

      Tanzanie : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Tanzanie : drapeau

      Géographie

      Comprenant deux entités autonomes, l'ex-Tanganyika sur le continent africain et l'archipel de Zanzibar, réunies le 26 avril 1964, la République unie de Tanzanie couvre 945 000 kilomètres carrés, et compte 40 millions d'habitants (2005).

      Un milieu peu contraignant

      Lac Victoria - crédits : Hermes Images/ AGF/ Universal Images Group/ Getty Images

      Lac Victoria

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      L'armature topographique de la Tanzanie est constituée d'un vaste plateau cristallin précambrien bordé à l'est comme à l'ouest de roches sédimentaires et surmonté au nord et à l'extrême sud de volcans plio-quaternaires, dont le Kilimandjaro (5 895 mètres), le point culminant de l'Afrique. Ce plateau domine brutalement la Rift Valley occidentale, occupée par des lacs profonds (le Malawi − anciennement Nyassa – et le Tanganyika) aux côtes rectilignes dessinées par des escarpements de ligne de faille très vifs. Le lac Tanganyika, long de 725 kilomètres et large d'environ 60 kilomètres, est le deuxième lac le plus profond de la planète (1 471 m), après le lac Baïkal. Cassé par le Rift oriental − qui est marqué par une série de bassins endoréiques comme celui de la Bubu (au nord-ouest de Dodoma), du lac Manyara, du lac Natron –, le plateau central s'incline doucement vers le littoral swahili. Ces deux branches du Rift enserrent, au sud, un vaste dôme de dispersion hydrographique (d'où part notamment le fleuve Rufiji) et, au nord, une vaste cuvette d'accumulation qui alimente le lac Victoria, dont les contours digités et la faible profondeur (80 m) l'oppose au Tanganyika.

      Paysage de Tanzanie (steppe) - crédits : John Beatty/ The Image Bank/ Getty Images

      Paysage de Tanzanie (steppe)

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      Sur la côte, le climat chaud et humide est aéré par les alizés. Au centre, les plateaux entre 800 et 1 500 mètres ont une température comprise entre 21 et 24 0C. Dans l'ensemble, le climat est de type équatorial. Cependant, la Tanzanie est marquée par une anomalie pluviométrique de la façade orientale du continent, puisqu'il pleut en moyenne trois fois moins qu'en République démocratique du Congo. Plus du tiers du territoire, situé au centre du pays, reçoit moins de 800 mm/an de précipitations et est considéré comme semi-aride, alors que la côte et les montagnes bénéficient de plus de 1 000 mm/an de précipitations. L'influence du lac Victoria et de l'océan rend les climats du pays sukuma, au sud du lac Victoria, et du littoral swahili plus humides. Aussi, du point de vue du risque de sécheresse, et donc des potentialités agricoles, deux espaces s'opposent clairement : d'un côté, un vaste croissant qui, de Tanga sur la côte nord longe le littoral et le versant oriental des Southern Highlands, pour atteindre l'ensellement entre les lacs Malawi et Tanganiyka et ensuite remonter jusqu'au lac Victoria ; et un espace central soumis aux aléas climatiques, à l'exception des montagnes du Kilimandjaro, du Meru (4 567 m), des Usambara et des Uluguru. Les rythmes saisonniers montrent une différence entre le nord et le sud du pays. Le premier connaît une double saison des pluies (d'octobre à novembre et de mars à mai), tandis que le second est soumis à l'alternance tropicale d'une longue saison des pluies (de décembre à mai) et d'une longue saison sèche (de mai à octobre). À cette zonation climatique correspondent quatre ensembles biovégétaux : la région du lac Victoria marquée par la pluie (2 024 mm/an à Bukoba, près de la frontière ougandaise) porte une forêt sempervirente, la zone côtière abrite des reliquats d'une forêt primaire aux nombreuses espèces endogènes, le plateau central est couvert de miombo (savane arborée) piqueté de baobabs et d'acacias et, enfin, les steppes septentrionales sont marquées par l'aridité (moins de 500 mm/an de précipitations au sud d'Arusha).

      Girafes - crédits : Daryl Balfour/ The Image Bank/ Getty Images

      Girafes

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      La place du Kilimandjaro dans les représentations nationales est importante : cette montagne fait office de véritable oasis dans un environnement steppique. C'est un vaste stratovolcan, aujourd'hui éteint, couvert de glaciers dont la surface a diminué d'environ 80 p. 100 depuis le début du xxe siècle. Cependant, des fumeroles dans la caldeira sommitale témoignent d'une activité sous-jacente. En contrebas du désert altitudinal, des landes à éricacées surmontent la forêt de nuages, protégée depuis l'époque coloniale des défrichements et brûlis des pasteurs masaï à l'ouest et au nord et des agriculteurs chagga au sud et à l'est. Sur ces deux versants au vent, la forêt fait brutalement place à la « ceinture banane-café », qui connaît de très fortes densités de population sur de petites exploitations agricoles dont les performances économiques ont, depuis longtemps, permis aux Chagga d'investir dans l'éducation qui, avec la migration vers les villes, est à l'origine de leur prospérité. À l'ouest, sur le versant sous le vent, la colonisation a créé de vastes exploitations céréalières et caféières qui ont été délaissées par la politique de nationalisation du gouvernement Nyerere (1964-1985), et qui sont en cours de lotissements ou de réhabilitation.

      Un archipel démographique fragmenté

      La Tanzanie est, en apparence, un État sous-peuplé avec une faible densité moyenne (41 hab./km2), mais qui cache des contrastes et des gradients très brutaux : certains terroirs des pentes sud du Kilimandjaro abritent 800 hab./km2, alors que la steppe masaï située à une trentaine de kilomètres et 600 mètres en contrebas ne porte que 10 hab./km2. Au-delà de ces contrastes locaux, l'essentiel de la population vit dans des régions périphériques aux densités avoisinant 200 hab./km2, telles que le pays makonde sur la Ruvuma, à la frontière avec le Mozambique, qui prolonge le liseré irrégulier des hautes densités littorales (Tanga, Pangani, pays zaramo, Lindi) et insulaires (archipel de Zanzibar), que l'on retrouve également sur les bords du lac Victoria, en pays sukuma autour de Mwanza, en pays nyamwezi jusqu'à Singida et en pays haya autour de Bukoba. Ces fortes densités se prolongent également dans la région de Kigoma, à la frontière avec le Burundi. Enfin, les peuplements denses se retrouvent sur les isolats montagneux des Uluguru, du mont Meru, du Kilimandjaro peuplé par les Chagga, des Usambara peuplé par les Wausambara et, dans une moindre mesure, de la région près du lac Eyasi. Ces espaces forment une sorte d'archipel, séparés au centre du pays par d'immenses plateaux sous-peuplés, infestés par les mouches tsé-tsé et couverts de miombo.

      Cette répartition inégale et fragmentaire de la population est le produit d'une histoire démographique qui combinent les ravages de la traite esclavagiste orientale (xvie-xixe siècles), les effets des opérations de pacification des colonisateurs allemands et la surmortalité liée aux épidémies de trypanosomiase et de peste bovine de la fin du xixe siècle.

      La question des transports

      Cette répartition des hommes pèse sur l'organisation spatiale du pays. Les complémentarités interrégionales nécessiteraient un réseau de transport performant dont la Tanzanie ne dispose pas. L'enclavement régional constitue un des obstacles au développement, et la lutte contre l'isolement et pour l'intégration de chaque région dans l'ensemble national est un des enjeux majeurs de la politique d'aménagement du territoire. Depuis 1985, un effort important a été consenti par les bailleurs de fonds pour résoudre certains problèmes. Ainsi l'asphaltage des routes progresse, l'indice de motorisation également, des ponts sont construits sur les principales rivières, mais la carte du réseau routier reste encore très lacunaire, marquée par l'impact des décisions coloniales, l'absence d'investissements pendant la période britannique (1918-1961), l'incurie du gouvernement Nyerere uniquement compensée par la mise en service du Tazara – voie ferrée construite entre 1966 et 1971 par les Chinois pour exporter le cuivre zambien. Aussi, le tracé du réseau est-il des plus simples : à partir du port de Dar-es-Salam (9 millions de tonnes de marchandises manutentionnées, en 2005), véritable poumon économique de la Tanzanie et de l'hinterland congolais, burundais et zambien, deux routes asphaltées mènent l'une vers la Zambie et l'autre vers le Kenya via Moshi au pied du Kilimandjaro et Arusha au pied du mont Meru ; la première est doublée par le Tazara et par un oléoduc (le Tazama) destiné à approvisionner la Zambie. Une troisième route ouvre vers l'ouest (Morogoro, Dodoma, mais n'est plus asphaltée à partir de Singida). La voie ferrée centrale, construite entre 1904 et 1907 par les Allemands, atteint les lacs Victoria à Mwanza et Tanganyika à Kigoma, mais ne dessert plus que de manière erratique Arusha et Tanga. Un tiers du pays environ est ainsi très mal desservi. La construction du pont sur la Rufiji à Ndundu a raccourci le trajet de Dar-es-Salam à Mtwara (sur la côte sud) de trois jours à vingt-quatre heures. La question des transports reste donc une question centrale du développement tanzanien.

      Les relations entre l'Union et Zanzibar, une menace pour l'État-nation.

      Au-delà de cette fragmentation démographique et physique, la question nationale se pose différemment en Tanzanie que dans les autres pays de la région, car elle constitue un véritable État-nation. Cette construction est le produit d'une longue histoire où la décision des Allemands d'imposer le swahili comme langue coloniale, l'humanisme missionnaire, la personnalité du mwalimu (« l'instituteur », en swahili) Nyerere et la voie politique originale qu'il a adopté – le socialisme africain, l'ujamaa –, l'extraordinaire diversité ethnique (126 ethnies dont la plus nombreuse, les Wasukuma, ne représente que 13 p. 100 de la population) et le fait qu'aucune ethnie n'est dominante à Dar-es-Salam ont joué un rôle dans la pacification de la vie politique. La Tanzanie constitue un havre de paix par rapport à ses voisins, malgré la présence de 500 000 réfugiés qui viennent du Congo, du Burundi et du Rwanda, dans la mesure où elle n'a pas connu de guerre civile, ni de conflits ethniques.

      Néanmoins, la question des relations avec Zanzibar pèse sur l'avenir politique du pays. La tension est palpable ; elle est liée, d'une part, à l'asymétrie des contributions respectives du continent et de l'archipel à la richesse nationale, le premier subventionnant largement le fonctionnement du second, et, d'autre part, à la réislamisation rapide de la société zanzibarite. Sous l'influence de la réactivation des liens avec la péninsule arabique et le golfe Persique, cette réislamisation fait peser une menace grandissante d'expansion sur le continent (la Tanzanie compte 36 p. 100 de musulmans contre 45 p. 100 de chrétiens) et de séparatisme. En effet, alors que la politique étrangère relève du cadre fédéral, selon les termes de l'Union de 1964, l'archipel est, depuis 1993, membre de l'Organisation de la Conférence islamique. En 1998, l'attentat contre l'ambassade américaine à Dar-es-Salam a montré la porosité de la côte swahilie aux idées islamiques radicales. Les chancelleries occidentales sont inquiètes et font pression sur le gouvernement central pour qu'il maintienne l'Union avec Zanzibar. Celui-ci est d'autant plus enclin à suivre les recommandations de ces puissances que la perspective d'un État islamiste indépendant à proximité du cœur économique du pays pourrait faire fuir les investisseurs étrangers. Aussi les tensions entre l'archipel et le continent sont-elles régulièrement réactivées, notamment à l'occasion des élections. Pemba, île septentrionale de Zanzibar, élit régulièrement des députés et des conseillers du Front civique uni (C.U.F.), ouvertement sécessionnistes et souvent islamistes. Ce parti d'opposition progresse à Unguja, l'île principale de l'archipel de Zanzibar, notamment auprès des jeunes de la ville de Zanzibar. Afin d'éviter que l'archipel tombe sous la houlette d'une opposition sécessionniste, le pouvoir de Dar-es-Salam manipule les résultats au profit du Chama Cha Mapinduzi – le parti dominant sur le continent – provoquant la fureur des électeurs du C.U.F.

      Les aléas de la lutte contre la pauvreté

      La Tanzanie est un des États les plus pauvres du monde, ruiné par vingt ans de politique ujamaa qui avait trois objectifs : diminuer l'emprise des intérêts étrangers sur l'économie, notamment des projets d'aide au développement perçus comme les outils privilégiés de l'ingérence néo-coloniale ; réduire le poids des intermédiaires, notamment d'origine indo-pakistanaise dans le commerce ; et atténuer les inégalités de développement entre les régions et entre les villes et les campagnes. La politique menée à partir de la déclaration d'Arusha de 1967 a contribué à l'émergence d'une conscience nationale, à une diminution des écarts entre les revenus les plus hauts et les plus bas, et à la prise en main par le gouvernement des rênes de l'économie. Cependant, elle a été un fiasco économique, notamment à cause d'une assiette de l'impôt trop réduite, le nivellement social s'est effectué vers le bas et elle n'a pas permis de réduire la dépendance économique. En effet, l'obligation de vendre au prix fixé par le gouvernement incita les paysans à abandonner les circuits de commercialisation formels et à se tourner vers une économie de troc peu compatible avec les exigences macroéconomiques d'un État en développement. Au début des années 1980, la Tanzanie est asphyxiée économiquement ; elle doit négocier avec les bailleurs internationaux qui, comme condition préalable à toute aide financière, exigent le démantèlement de la politique ujamaa.

      Les plans d'ajustement structurel mis en place à partir de 1985 entraînent une forte croissance économique, le recul de la pauvreté relative, l'augmentation des capacités d'intervention de l'État grâce à l'accroissement de l'assiette de l'impôt. La politique économique du président Jakaya Kikwete, élu en décembre 2005, s'inscrit dans la continuité et porte sur trois axes principaux : la croissance économique et la lutte contre la pauvreté, l'amélioration de la qualité de la vie et du bien-être social, et le soutien à la bonne gouvernance et la responsabilité du secteur public par la lutte contre la corruption. Inspirée des pays d'Asie du Sud-Est, cette politique doit installer un climat propice à l'investissement.

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      La croissance économique (3 p. 100 au début des années 1990, 7 p. 100 depuis 2003) améliore les termes du commerce extérieur, les importations diminuent de 37 à 26 p. 100 du P.I.B. entre 1990 et 2005, alors que, dans le même temps, les exportations passent de 13 à 17 p. 100. Mais le déficit de la balance commerciale est net, les importations étant, en 2007, encore 2,5 fois supérieures aux exportations. Au-delà de cette situation, la structure de la balance commerciale reste stable : les produits primaires, l'or au premier rang, dominent encore largement les exportations, et les produits pétroliers et de consommation courante représentent l'essentiel des importations.

      Cependant, le coût social de ces succès macroéconomiques est très élevé. Les plans d'ajustement structurel ont entraîné un recul du taux d'inscription scolaire dans le primaire, une diminution des dépenses scolaires (de 2,8 à 2,2 p. 100 du P.I.B. entre 1991 et 2005), la privatisation de quatre cents entreprises, et le licenciement de cent mille fonctionnaires. La criminalité et les comportements déviants sont en augmentation réelle face à une insécurité sociale croissante liée au délitement des systèmes coutumiers d'entraide et des contrastes de richesse de plus en plus criants. Par ailleurs, si la croissance est au rendez-vous, le recul effectif de la pauvreté tarde : en 2005, 57 p. 100 de la population vit avec moins d'un dollar par jour, et 44 p. 100 de la population souffrirait périodiquement de sous-nutrition. La Tanzanie occupe le 159e rang pour l'indicateur de développement humain (I.D.H.) en 2007. La sécurité alimentaire reste problématique du fait de l'inadéquation des réseaux de distribution aux besoins, des entraves logistiques aux échanges interrégionaux, d'une agriculture tributaire des précipitations, peu consommatrice d'intrants et peu performante.

      De plus, le recours à l'aide internationale reste indispensable. En effet, la Tanzanie reçoit encore 1,4 milliard de dollars d'aide (600 millions de dollars de soutien budgétaire et 800 millions d'aide aux projets de développement), ce qui représente 45 p. 100 des dépenses publiques, contre seulement 4 p. 100 pour les investissements directs étrangers (I.D.E.).

      Des potentialités réelles

      Cependant, le pays ne manque pas d'atouts. Tout d'abord, la structure économique présente une plus grande diversité que dans de nombreux pays africains. Si l'agriculture vivrière et l'élevage représentent 32 p. 100 du P.I.B., les cultures de rente en constituent 16 p. 100, le tourisme 16 p. 100, les mines, le secteur de l'énergie et les industries manufacturières 17 p. 100, permettant ainsi au pays d'échapper aux aléas des cours d'une seule matière première. Cependant, en termes de main-d'œuvre, 80 p. 100 des Tanzaniens travaillent encore dans l'agriculture, 3 p. 100 dans l'industrie et 17 p. 100 dans les services, pointant ainsi du doigt les déséquilibres importants de productivité entre les secteurs.

      Ensuite, la Tanzanie est probablement le pays d'Afrique subsaharienne qui offre la plus grande variété de ressources minières, et en quantité non négligeable. De nombreux gisements de pierres précieuses – diamants dans les kimberlites au sud du lac Victoria, à Mwadui notamment – et semi-précieuses – notamment la tanzanite à Mererani au pied du Kilimandjaro –, et d'or à Geita et Bulyanhulu (première ressource minière du pays) ; la Tanzanie est le 3e producteur africain d'or et celui-ci lui a rapporté, à l'exportation, plus de 600 millions de dollars en 2007. Aussi, depuis le Mining Act de 1998 et la libéralisation de l'exploitation minière, la Tanzanie est devenue un véritable eldorado pour les sociétés canadiennes, australiennes, sud-africaines et chinoises qui tendent à évincer les petites exploitations artisanales qui, jusque-là, prédominaient. Le pays a connu un véritable boom minier. Cependant, on peut se demander dans quelle mesure la réussite du secteur minier peut, au sein d'une économie encore en développement, bénéficier à tout le pays.

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      La disponibilité des sources d'énergie représente également un autre atout de la Tanzanie. En particulier le gaz naturel du gisement offshore de Songo-Songo qui, depuis 2004, alimente une centrale thermique à Dar-es-Salam. Deux autres champs seront exploités à partir de 2010, à Mnazi Bay et à Mburanga. Grâce à l'exploitation de ces gisements, l'approvisionnement électrique se régularise, offrant de la sorte un environnement favorable aux industries urbaines.

      L'agriculture se diversifie. Le maraîchage de contre-saison et l'horticulture à destination de l'Europe, pratiqués autour de l'aéroport international du Kilimandjaro, dans la région d'Arusha, de Moshi, des Usambara, autour de Dar-es-Salam, dans les Uluguru et le long de la voie ferrée dans la Kilombero Valley, constituent des alternatives au déclin des denrées agricoles tropicales traditionnelles. En effet, à l'exception du thé, très marginal (région d'Iringa, dans le centre du pays), les cultures de rente introduites par les colonisateurs, telles que le cacao, le café (Kilimandjaro, Meru, Mbeya), le coton (pays sukuma), le sisal (basses terres littorales du nord), la noix de cajou (basses terres littorales du sud), le clou de girofle (Zanzibar), se portent mal, malgré les efforts de réhabilitation engagés – surtout pour le coton – avec l'aide des bailleurs internationaux, après la libéralisation de 1985. La chute des cours mondiaux liée à la surproduction, les subventions données aux cotonniers américains et le difficile accès aux intrants agricoles sont autant de facteurs qui font baisser la qualité des productions et réduisent les superficies cultivées.

      Par ailleurs, la Tanzanie devient une destination touristique émergente (croissance du secteur de 8 p. 100 en 2004, 400 000 touristes en 2007), en tant qu'alternative à la saturation et à l'insécurité du Kenya. Outre Zanzibar et le circuit nord (parcs de Ngorongoro, Tarangire, Manyara), de nouveaux équipements sont développés par des investisseurs étrangers mais aussi nationaux. La côte autour de Dar-es-Salam combine les atouts classiques de la tropicalité balnéaire et de la mise en valeur patrimoniale des sites historiques de Zanzibar, Bagamoyo et Kilwa. Des efforts importants sont menés sur le circuit des parcs animaliers du sud du pays : Mikumi, Udzungwa et surtout le Selous qui, grand comme la Suisse, est la plus vaste réserve naturelle du monde.

      Des défis colossaux

      Ces dynamismes sectoriels récents mais localisés participent à la redistribution spatiale de la population. Le taux d'urbanisation est passé de 11 p. 100 en 1975 à 25 p. 100 en 2005 ; essentiellement du fait de la progression de Dar-es-Salam et des métropoles régionales que sont Arusha, Mwanza, Mbeya. Entre 1988 et 2008, les régions d'Arusha, du Kilimandjaro, de Dar-es-Salam et de Rukwa (au sud-ouest) ont vu leur poids démographique relatif augmenter, aux dépens des autres régions du pays.

      Par ailleurs, dans le contexte d'une forte croissance démographique, de la demande mondiale croissante en produits agricoles dynamisée par la hausse des cours des céréales, l'extension de l'espace cultivable constitue une des potentialités de la Tanzanie. Au début de 2008, la hausse des prix des céréales empêche les importateurs tanzaniens d'avoir accès aux volumes nécessaires pour couvrir le déficit alimentaire. Ces menaces de pénuries alimentaires incitent les pouvoirs publics et les sociétés agro-industrielles à planifier la création de grands projets agricoles, notamment irrigués, orientés vers les céréales et la canne à sucre. Si l'intérêt économique à court terme est louable, les impacts sur l'environnement et sur les sociétés locales ne sont pas toujours mesurés honnêtement. Il y a donc un certain paradoxe à voir la Tanzanie, relativement bien dotée en ressources naturelles, emprunter les voies les plus décriées en termes de développement durable. De plus, les sécheresses (en particulier en 2005-2006) font diminuer le niveau des lacs de barrage à tel point que les pénuries électriques induites incitent le pouvoir à reprendre la politique des grands barrages qui, au-delà d'indéniables améliorations macroéconomiques à court terme, mène à plus long terme à une impasse environnementale, sociale et même économique.

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      L' ampleur du défi démographique posé par une population dont 53 p. 100 a moins de quinze ans est énorme. La croissance démographique a, certes, reculé de 3,1 p. 100 par an entre 1975 et 1997 à 2,3 p. 100 entre 1997 et 2007, enregistrant ainsi un recul de la natalité et de la fécondité (de 7,6 enfants par femme au début des années 1980 à 5,7 en 2005 ; la contraception est utilisée par 20 p. 100 des femmes) et une augmentation de la mortalité face à la pandémie du sida (7 p. 100 des adultes entre 15 et 49 ans sont séropositifs en 2004, bien que la prévalence au virus soit en recul). Cette dernière est responsable de la baisse de l'espérance de vie à la naissance (de 50 ans en 1990 à 43 ans en 2003, puis à 47 ans en 2004) et du taux élevé (15 p. 100) d'enfants qui n'atteignent pas l'âge de cinq ans. Malgré ce ralentissement, la croissance démographique pose de très sérieux problèmes économiques et sociaux. Chaque année, alors que 600 000 personnes arrivent sur le marché du travail, seulement 33 000 emplois formels sont créés. Ainsi, le secteur informel, notamment dans l'agriculture et le commerce, en pleine croissance, absorbe ce trop-plein de main-d'œuvre.

      — Bernard CALAS

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      Écrit par

      • : professeur de géographie à l'université de Bordeaux-III-Michel-de-Montaigne
      • : post-doctorante rattachée au Centre d'études africaines de l'École des hautes études en sciences sociales
      • : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

      Classification

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      Tanzanie : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Tanzanie : carte physique

      Tanzanie : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Tanzanie : drapeau

      Lac Victoria - crédits : Hermes Images/ AGF/ Universal Images Group/ Getty Images

      Lac Victoria

      Autres références

      • AMIN DADA IDI (entre 1923 et 1926-2003)

        • Écrit par
        • 1 055 mots
        • 1 média

        Appartenant à la petite tribu nubienne des Kakwa dans le nord-ouest de l'Ouganda, Idi Amin Dada passe son enfance à garder les chèvres ; après quelques études élémentaires vite terminées, il s'engage à vingt et un ans comme aide-cuisinier au King's African Rifles, mais prétend avoir participé...

      • DAR-ES-SALAM

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        • 458 mots
        • 1 média

        La principale ville de Tanzanie compte plus de 3 millions d'habitants en 2007.

        Fondée en 1862 par le sultan de Zanzibar pour les qualités nautiques de sa rade et, surtout, pour son relatif éloignement par rapport à Bagamoyo (à 60 kilomètres au nord) rendue ingouvernable par les querelles entre...

      • DÉCOLONISATION

        • Écrit par
        • 7 313 mots
        • 31 médias
        ...demeura un sultanat arabe sous protectorat britannique jusqu'en décembre 1963 ; en avril 1964, elle se fédéra au Tanganyika, qui deviendra en septembre la Tanzanie. Le protectorat de l'Ouganda accéda à l'indépendance le 9 octobre 1962, après un parcours rendu plus difficile par la politique britannique...
      • DODOMA

        • Écrit par
        • 370 mots
        • 1 média

        Située à 500 kilomètres à l'intérieur des terres, sur le plateau central tanzanien, peu peuplé, Dodoma est la capitale officielle de la Tanzanie. Elle comptait environ 350 000 habitants en 2005, loin derrière Dar-es-Salam (environ 3 millions d'habitants). La décision de déplacer la...

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      Voir aussi