Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ARABE (MONDE) Littérature

Échos de l'Espagne musulmane

Une périodisation nuancée de l'évolution de la littérature arabe dans l'Espagne musulmane, qui tiendrait compte à la fois des événements extérieurs et des fluctuations de la lutte engagée par des esprits avisés contre l'inévitable influence de la culture orientale, ferait sûrement apparaître une certaine concordance avec les phases successives de l'histoire politique du pays ; il est toutefois permis de diviser les huit siècles durant lesquels des musulmans ont régné sur une portion de plus en plus réduite du territoire européen, nommé al-Andalus par les Arabes, en deux grandes périodes à peu près égales, selon l'importance du rôle joué par l'idéologie islamique dans la vie politique, sociale et intellectuelle de la région.

La première période correspond au règne des émirs, des califes umayyades et des roitelets appelés mulūk al-ṭawā'if en arabe, reyes de taifas en espagnol ; elle s'étend de 92 à 485 (après l'hégire ; 711 à 1092 après J.-C.) et se caractérise en gros par la prépondérance de la littérature profane et, singulièrement, de la poésie classique, sur la littérature religieuse pourtant assez largement développée, ainsi que par la formation progressive de la personnalité andalouse.

La seconde période s'étend de la conquête almoravide à la fin de la domination islamique (485-897/1092-1492). Alors que, sous les Umayyades et les reyes de taifas, les gouvernants et, en quelque mesure, les populations éprouvaient une relative indifférence à l'égard des impératifs religieux et que les matières littéraires occupaient une place considérable dans la préparation de l'élite intellectuelle destinée à remplir de hautes fonctions dans l'administration et le gouvernement, sous les Almoravides et les Almohades, le triomphe de l'intégrisme prôné par les Berbères maghrébins moins sensibles que leurs prédécesseurs aux charmes de la langue arabe s'accompagne, par la force des choses, d'une floraison remarquable des sciences religieuses ; d'une façon plus inattendue, la philosophie et les sciences mathématiques et naturelles se développent considérablement et dominent l'activité intellectuelle au détriment de la littérature proprement dite, tandis que la versification classique tend à s'effacer devant des formes originales de poésie populaire et que la prose, censément littéraire, devient de plus en plus alambiquée.

Naissance d'une lyrique andalouse

On ne sait rien des premières compositions poétiques auxquelles ne manqua certainement pas de s'adonner la minorité de guerriers arabes engagés dans les opérations militaires, mais on peut supposer que ceux d'entre eux qui possédaient quelque talent ne se privèrent pas de chanter en vers leurs prouesses, de glorifier leur tribu, de se plaindre de l'éloignement du pays natal et de pleurer leurs morts. À en croire Ibn Ḥazm, le poète Ǧa‘wana b. al-Ṣimma n'était nullement inférieur à ses célèbres contemporains Ǧarīr et al-Farazdaq (ier-iie/viie-viiie s.), mais il est aujourd'hui impossible de s'en assurer, car ses vers, probablement de facture traditionnelle, n'ont pas été conservés ; on ne sait d'ailleurs pas si des spécimens en figuraient dans une anthologie qui est probablement une des plus anciennes tentatives visant à la défense et à l'illustration d'al-Andalus, le Kitāb al-Ḥadā'iq d'Aḥmad b. Faraǧ (mort en 344/956) composé à l'imitation du Kitāb al-Zahra de Muḥammad b. Dāwūd, mais contenant exclusivement des œuvres andalouses.

Au demeurant, d'après une donnée qu'al-Tīfāšī (viie/xiiie s.) rapporte tardivement en se référant à une série de transmetteurs successifs, « les gens d'al-Andalus chantaient à la manière des chrétiens ou des chameliers arabes[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jamel Eddine BENCHEIKH, Hachem FODA, André MIQUEL, Charles PELLAT, Hammadi SAMMOUD et Élisabeth VAUTHIER. ARABE (MONDE) - Littérature [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Séances d'al-Harîrî - crédits :  Bridgeman Images

Séances d'al-Harîrî

Al-Idrisi : l'Inde - crédits : De Agostini/ Getty Images

Al-Idrisi : l'Inde

Autres références

  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
    • 37 316 mots
    • 19 médias
    Les Arabes entrèrent en Afghanistan vers le milieu du viie siècle sur deux fronts parallèles : par la ville de Herat au nord et par la province du Sistan au sud. De Herat, ils poussèrent vers Balkh, chef-lieu de l'ancienne Bactriane, où ils se heurtèrent aux Turcs, qui s'y étaient établis après la destruction...
  • AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale

    • Écrit par Roland POURTIER
    • 21 496 mots
    • 29 médias
    ...occupent les rives européennes et asiatiques de la Méditerranée. Elles ont connu des brassages millénaires. Les différences qui existent entre Berbères et Arabes, par exemple, sont de nature historique et culturelle. Dans les confins méridionaux, les métissages ont été fréquents entre les Blancs et les...
  • AFRIQUE (Histoire) - De l'entrée dans l'histoire à la période contemporaine

    • Écrit par Hubert DESCHAMPS, Jean DEVISSE, Henri MÉDARD
    • 9 654 mots
    • 6 médias
    Après la mort du Prophète, les Arabes, maîtres du Proche-Orient, envahissent l'Égypte en 640, puis la Cyrénaïque d'où ils lancent des reconnaissances jusqu'aux abords du lac Tchad. En 670, ils fondent Kairouan, dans l'ancienne province d'Africa, alors dénommée Ifriqiya. Ayant vaincu...
  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, Universalis, Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    Tandis que, dans l'Algérie occidentale, se reconstituaient de grandes confédérations berbères, les Arabes venus d'Égypte pénétrèrent, dès 647, dans le Maghreb. Mais ce fut seulement en 683 que la grande armée de Sidi ‘Oqba en entreprit la conquête. Byzantins et Berbères, souvent alliés, résistèrent...
  • Afficher les 39 références

Voir aussi