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ANALYSE MATHÉMATIQUE

Théorie spectrale et analyse fonctionnelle

On sait qu'un problème célèbre de mécanique consiste à déterminer les « petites oscillations » au voisinage d'une position d'équilibre d'un système formé d'un nombre fini de solides, donc « à un nombre fini de degrés de liberté » (ce qui signifie que l'état du système est entièrement connu par la donnée d'un nombre fini de paramètres réels qj(1 ≤ j  n) qui varient en fonction du temps t). La solution, due à Lagrange, consiste à chercher les « oscillations propres » (ou « en phase »), c'est-à-dire de la forme qj(t) = cjϕ(t), où cj est une constante, et où figure pour tous les indices j la même fonction du temps ϕ (t) ; en admettant que l'énergie du système est un polynôme quadratique par rapport aux qj, et en cherchant, pour la commodité du calcul, les solutions complexes des équations du mouvement, on trouve qu'il n'y a qu'un nombre fini de fonctions ϕ(t) possibles, de la forme exp (iλkt), où les nombres λ2k sont les valeurs propres d'une matrice carrée symétrique U = (aji) d'ordre n. Si les λ2k sont supposés distincts, il correspond à chacun d'eux un vecteur propre ck = (ckj) 1 ≤ j ≤ n, solution de l'équation U(x = λ2kx  ; toute « oscillation » du système donné est alors combinaison linéaire des oscillations propres qk (t) = ck exp (iλkt).

La mécanique des milieux continus conduisait à des problèmes analogues, mais avec « une infinité de degrés de liberté » ; les exemples les plus simples en sont les petites oscillations d'une corde ou d'une membrane tendue : la forme de la corde (ou de la membrane) ne peut être décrite par un nombre fini de fonctions du temps seul, mais bien par une fonction u(x, t), ou u(x, y, t), qui représente le déplacement à l'instant t du point d'abscisse x (respectivement de coordonnées x, y) sur la corde (ou la membrane). Les oscillations « en phase », où tous les points se meuvent « de la même façon » dans le temps, sont ici observables expérimentalement (ce sont les « sons harmoniques »). Mathématiquement, elles correspondent à des solutions de la forme u(x, t) = v(x)ϕ(t) pour la corde (respectivement u(x, y, t)=v(x, y)ϕ(t) pour la membrane). On trouve encore que la fonction ϕ(t) doit, dans les deux cas, être de la forme exp (iλt) et l'on a alors pour la corde homogène l'équation v″ + λ2v = 0, pour la membrane l'équation :

Il faut exprimer en outre que la corde est fixée en ses extrémités, ce qui donne (en supposant que ces extrémités sont x = 0 et c = 1) v (0) = v (1) = 0, et que la membrane est fixée sur son contour Γ, ce qui donne v (x, y) = 0 le long de la courbe Γ ; c'est ce qu'on appelle les conditions aux limites du problème (fort différentes, comme on le voit, des « conditions initiales » de Cauchy). La solution est très simple pour la corde homogène, puisqu'on intègre explicitement l'équation v″ + λ2v = 0 : on trouve aussitôt qu'on doit avoir λ2 = n2π2, où n est entier, ce qui concorde avec les résultats expérimentaux. Mais déjà lorsque la corde n'est pas homogène, l'équation donnant v(x) (avec les mêmes conditions aux limites) est :

p(x) et ρ(x) sont des fonctions continues quelconques, et où on ne peut donc espérer avoir explicitement l'intégrale générale de l'équation ; le problème paraît donc beaucoup moins aisé, et il est encore plus difficile pour l'équation des membranes (1) lorsque le contour Γ est quelconque.

L'idée générale qui permit de vaincre ces difficultés est celle du « passage du fini à l'infini ». Cette idée fut déjà exprimée au xviiie siècle par Daniel Bernoulli : l'illustre savant considérait l'oscillation[...]

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Pour citer cet article

Jean DIEUDONNÉ. ANALYSE MATHÉMATIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ABEL NIELS HENRIK (1802-1829)

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 1 304 mots

    À une époque où la Norvège était d'une extrême pauvreté par suite des guerres qui l'avaient ruinée, Niels Henrik Abel, second fils d'une famille de sept enfants, naquit le 5 août 1802 dans l'île de Finnøy, près de Stavanger. Dès sa quinzième année, il lut et assimila les travaux les plus difficiles d'Euler...

  • BESICOVITCH ABRAM SAMOILOVITCH (1891-1970)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 440 mots

    Mathématicien russe ayant effectué la plus grande part de ses recherches à Cambridge (Royaume-Uni), spécialiste de la théorie des fonctions. Né le 24 janvier 1891 à Berdyansk (Russie), Abram Samoilovitch Besicovitch est le fils d'un joaillier devenu caissier à la suite du cambriolage de sa boutique....

  • BOLZANO BERNARD (1781-1848)

    • Écrit par Jan SEBESTIK
    • 3 609 mots
    Le premier travail mathématique de Bolzano est consacré à la « démonstration » du postulat des parallèles d'Euclide.Plus importants sont ses mémoires d'analyse de 1816-1817, dont les préfaces esquissent le programme d'une « transformation totale des sciences a priori » et qui, en particulier,...
  • BOURGAIN JEAN (1954-2018)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 390 mots

    Mathématicien belge, lauréat de la médaille Fields en 1994 pour ses travaux en analyse. Né le 28 février 1954 à Ostende (Belgique), Jean Bourgain fait ses études supérieures à l'université libre de Bruxelles, où il soutient sa thèse de doctorat en 1977. Boursier de recherche puis professeur à Bruxelles...

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