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ANALYSE MATHÉMATIQUE

Mesure et intégration

La conception de l'intégrale au xviiie siècle reposait sur la notion intuitive d'« aire » : pour une fonction f (x), continue et ≥ 0 dans un intervalle a x b, l'intégrale :

était l'aire comprise entre la courbe y = f (x), l'axe Ox et les deux droites x = a et x = b. Avec la remise en ordre générale de l'analyse entreprise par Cauchy, on revient à une définition rigoureuse n'empruntant rien à l'intuition de l'espace : la valeur de l'intégrale est par définition prise comme limite, pour n tendant vers + ∞, des sommes :
dites souvent « sommes de Riemann » (bien qu'en fait l'idée de considérer ces « valeurs approchées » de l'intégrale remonte à Eudoxe et Archimède et ait été l'inspiration des inventeurs du calcul intégral au xviie siècle). La contribution de Riemann lui-même fut de s'apercevoir que les sommes précédentes ont encore une limite lorsque la fonction f n'est plus nécessairement continue, mais a un ensemble de points de discontinuité qui, pour tout ε > 0, peut être contenu dans une réunion finie d'intervalles dont la somme des longueurs est ≤ ε.

L'intérêt propre de ce résultat était assez mince, mais il déclencha, dans le dernier tiers du xixe siècle, toute une série d'études en vue de définir, dans des cas aussi généraux que possible, une notion de «  mesure » des sous-ensembles de R, et d'« intégrale » d'une fonction de variable réelle. Elles devaient finalement aboutir, vers 1900, avec Émile Borel et Henri Lebesgue, à la définition de l'«  intégrale de Lebesgue », que l'expérience a montré être la notion d'« intégrale » commode et féconde pour d'innombrables applications.

D'autre part, en vue d'étudier un problème particulier d'analyse, Stieltjes, en 1894, élargit la définition traditionnelle de « mesure » sur R, qui donne pour « mesure » des intervalles d'extrémités a et b le nombre b − a ; Stieltjes considère plus généralement une fonction croissante ϕ, continue à droite (c'est-à-dire, telle que ϕ(x+) = ϕ(x)), et prend comme définition de la « mesure » de l'intervalle a < x b le nombre ϕ(b) − ϕ(a), calquant ensuite la définition de l'intégrale :

sur celle de Cauchy. Un des intérêts de cette généralisation est qu'elle donne un sens mathématique aux « mesures ponctuelles » des physiciens : aux points a où la fonction ϕ est discontinue, l'ensemble {a} a une « mesure » non nulle égale au « saut » ϕ(a) − ϕ(a-) de ϕ (ce qui implique naturellement que les quatre intervalles ayant pour extrémités a et b [qui peuvent ou non appartenir à l'intervalle] n'ont pas nécessairement même « mesure »). En outre, les méthodes de Lebesgue s'appliquent aussi à cette « mesure » plus générale, et on s'est aperçu plus récemment qu'elles sont valables dans des « espaces » beaucoup plus généraux que R, ce qui a donné à l'intégration un rôle de premier plan aussi bien dans l'analyse fonctionnelle que dans le calcul des probabilités.

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Pour citer cet article

Jean DIEUDONNÉ. ANALYSE MATHÉMATIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ABEL NIELS HENRIK (1802-1829)

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 1 304 mots

    À une époque où la Norvège était d'une extrême pauvreté par suite des guerres qui l'avaient ruinée, Niels Henrik Abel, second fils d'une famille de sept enfants, naquit le 5 août 1802 dans l'île de Finnøy, près de Stavanger. Dès sa quinzième année, il lut et assimila les travaux les plus difficiles d'Euler...

  • BESICOVITCH ABRAM SAMOILOVITCH (1891-1970)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 440 mots

    Mathématicien russe ayant effectué la plus grande part de ses recherches à Cambridge (Royaume-Uni), spécialiste de la théorie des fonctions. Né le 24 janvier 1891 à Berdyansk (Russie), Abram Samoilovitch Besicovitch est le fils d'un joaillier devenu caissier à la suite du cambriolage de sa boutique....

  • BOLZANO BERNARD (1781-1848)

    • Écrit par Jan SEBESTIK
    • 3 609 mots
    Le premier travail mathématique de Bolzano est consacré à la « démonstration » du postulat des parallèles d'Euclide.Plus importants sont ses mémoires d'analyse de 1816-1817, dont les préfaces esquissent le programme d'une « transformation totale des sciences a priori » et qui, en particulier,...
  • BOURGAIN JEAN (1954-2018)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 390 mots

    Mathématicien belge, lauréat de la médaille Fields en 1994 pour ses travaux en analyse. Né le 28 février 1954 à Ostende (Belgique), Jean Bourgain fait ses études supérieures à l'université libre de Bruxelles, où il soutient sa thèse de doctorat en 1977. Boursier de recherche puis professeur à Bruxelles...

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