ANALYSE MATHÉMATIQUE
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Géométrie différentielle
Une des origines du calcul infinitésimal avait été l'étude des courbes planes (tangente, courbure, rectification, etc.), et un de ses succès au xviiie siècle fut l'étude analogue des courbes gauches et des surfaces. Mais les résultats obtenus étaient relatifs à la position de la courbe ou surface dans l'espace (autrement dit, faisaient intervenir des points de l'espace non sur la courbe ou la surface) et n'étaient invariants que par les déplacements de l'espace ambiant ; en d'autres termes, c'étaient des propriétés de la courbe ou de la surface considérées comme des corps rigides. Carl Friedrich Gauss paraît être un des premiers qui se soient posé le problème de la recherche des propriétés d'une surface qui soient invariantes par une déformation conservant les longueurs (où en quelque sorte on considère la surface comme un tissu inextensible ; il ne faut pas confondre cette notion avec celle de déformation topologique, où il faut au contraire imaginer la surface comme un tissu élastique). Un des plus célèbres résultats obtenus par Gauss est que, dans une telle déformation, il y a conservation de la courbure totale de la surface en chaque point.
Les propriétés locales considérées par Gauss peuvent encore être caractérisées comme celles qui ne dépendent que de l'expression du « ds2 » de la surface, ds2 = Edu2 + Fdudv + Gdv2 à l'aide de « coordonnées locales » u, v ; d'où la conception (qui a peut-être aussi son origine dans les travaux de Gauss sur la géodésie) d'une surface considérée in abstracto (indépendamment de tout « plongement » dans l'espace), donnée par un certain nombre de « cartes », homéomorphismes d'une portion de surface dans un plan (où les coordonnées u, v de l'image d'un point de la surface sont dites « coordonnées locales » du point) ; on sait qu'en général il n'est pas possible, pour des raisons « topologiques », de définir une seule carte pour la surface (par exemple, pour une sphère il en faut au moins deux) ; dans chaque carte, il faut ensuite se donner l'expression du ds2 à l'aide des coordonnées locales.
Lorsque, après 1845, on se fut familiarisé avec les espaces à n dimensions pour n > 3, un grand pas en avant fut l'extension de cette idée de « surface intrinsèquement définie » aux « espaces de Riemann » à un nombre quelconque de dimensions ; la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle virent un brillant développement de ces idées avec l'exploitation des ressources du calcul tensoriel, et les théories de mathématiques pures ainsi développées devaient peu après servir de substrat à la relativité générale. Mais en l'absence de conceptions topologiques assez élaborées, ces études restaient obligatoirement de nature locale (c'est-à-dire qu'en fait on ne regardait que ce qui se passait dans une carte). Ce n'est qu'après 1900 qu'on est parvenu à donner une définition globale satisfaisante d'une « variété différentielle », en formulant mathématiquement de façon précise l'idée intuitive de « recollement » de cartes ; du coup, on s'est aperçu qu'il faut soigneusement distinguer cette notion de celle d'« espace de Riemann » (ou mieux « variété riemannienne ») ; cette dernière correspond à une variété différentielle sur laquelle on s'est donné une structure supplémentaire, un ds2 permettant de définir la notion de longueur et les notions géométriques qui s'en déduisent ; et sur une même variété différentielle on peut définir en général une infinité de ds2 qui ne se déduisent pas les uns des autres par une isomorphie de la variété différentielle.
Ce sont aussi les outils topologiques nouveaux forgés par le développement de la topologie algébrique qui ont permis, depuis 1940 environ, d'attaquer avec succès les problèmes globaux sur les variétés différentielles.
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Écrit par :
- Jean DIEUDONNÉ : membre de l'Académie des sciences
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Pour citer l’article
Jean DIEUDONNÉ, « ANALYSE MATHÉMATIQUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 19 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/analyse-mathematique/