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PSYCHANALYSE

Être et pensée

En 1964, cependant, succède à l'élaboration d'un organon la restitution de la dialectique sous-jacente à la psychanalyse. Dans cette vue, l'analyse des opérations logiques dont se soutient le cogito porte au niveau d'une critique de l'ontologie la genèse précédemment développée du rapport du signifiant au sujet.

Le sujet se constitue, en effet, de l'éclipse d'un signifiant ; plus précisément et en vertu de la définition même du signifiant, il émerge, comme sujet désirant, du renvoi métonymique d'un signifiant éclipsé dans la représentation qui est donnée de lui par un autre signifiant.

Le cogito présenté dans la formule d'une disjonction non exclusive – « ou je ne pense pas, ou je ne suis pas » – en vue de l'application des lois de Morgan, se traduira, en tant que réunion de deux ensembles, comme l'expression d'une aliénation. En effet, un même élément pouvant appartenir à chacun des deux ensembles, la réunion ou ensemble formé des éléments appartenant au moins à l'un d'entre eux a pour conséquence un « ni l'un ni l'autre » : de part ou d'autre, un manque. En l'occurrence, et compte tenu de ce que le sens se constitue au lieu de l'Autre, si j'opte pour l'être, le sujet s'éclipse, tombe dans le non-sens ; si j'opte pour le sens, celui-ci est « écorné » de cette partie de sens que nous désignons comme inconscient (Les Quatre Concepts). Le processus est engendré par le développement originaire du signifiant, dont la fonction induit la disparition de l'être, laquelle éclipse une partie du champ de l'Autre.

Envisageons, par ailleurs, la partie commune aux deux ensembles S et A, c'est-à-dire leur intersection. Dans le registre où nous sommes situés, le manque ouvert par la carence de l'Autre (que me veut-il ?) recouvre le manque du sujet, fondant la dialectique du désir. Et par là se trouve tracée la voie de retour du vel de l'aliénation, le sujet revenant à ce point où il s'engendre d'un manque et se caractérise par son éclipse.

Nous aurions donc posé, sur un fondement logique, mais d'une logique prenant relief de ses impasses, les deux dimensions de l'aliénation et de la vérité. Un premier corollaire de la structure ainsi manifestée concerne le « je ». Dire (Logique du fantasme, 1967) que le « je ne pense pas » est écorné du « sens » fait porter l'accent de la négation sur le « je », lequel « n'est, d'être pas, pas sans être » : ce qui nous désigne le ça. Tandis que le « pense », complémentant le « je ne suis pas », désigne l'inconscient.

Formellement, on peut alors observer que la structure ainsi dégagée n'est pas sans analogie avec un groupe de Klein, groupe doté d'un coin quart, constitué d'opérations dont chacune représente son essence dans son résidu et qui tient sa valeur représentative de ce que « s'y close le cycle par quoi l'impasse du sujet se consomme de révéler sa vérité ».

Mais quelle est la portée de cette théorisation ? Aurait-elle à s'autoriser de normes et de critères qui lui soient extérieurs (y aurait-il une vérité de la vérité ?), alors qu'il appartient précisément à l'expérience psychanalytique d'exhumer dans la scission subjective la vérité du désir inconscient ? La démarche de Lacan consiste, au contraire, à faire émerger la problématique de la vérité des variations de la structure quaternaire dont on vient de suggérer l'esquisse.

L'impulsion est donnée par une interprétation critique de la dialectique hégélienne du maître et de l'esclave, rapportée à la topologie des quatre « lieux » – initialement qualifiés de « sites » – de la vérité, de l'agent (initialement repéré comme[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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Pour citer cet article

Pierre KAUFMANN. PSYCHANALYSE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

L'exil de Freud - crédits : Keystone/ Getty Images

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