INCONSCIENT

L'exil de Freud

L'exil de Freud

L'exil de Freud

Sigmund Freud et sa fille Anna, lors de leur arrivée à Paris en 1938. Gravement malade, le fondateur…

Dans un article paru en 1917, Freud compare la révolution provoquée par la psychanalyse à celles de Copernic et de Darwin. De même que la Terre ne peut plus être considérée comme le centre de l'univers et que l'homme apparaît tard venu dans la lignée animale, de même le moi conscient n'est plus le maître dans sa propre maison. Après une première humiliation dans l'ordre cosmologique et une seconde dans l'ordre biologique, l'homme se voit infligé une troisième humiliation qui l'atteint dans son psychisme même. Par sa découverte de l'inconscient, Freud marque, en effet, que nous sommes mus, dans la plupart de nos actions, non par les mobiles que nous croyons consciemment être les nôtres, mais par d'autres que nous ignorons et qu'en tout état de cause nous ne pouvons connaître que partiellement.

L'acceptation de la réalité de l'inconscient rencontre donc une difficulté propre. L'admettre, c'est en effet déjà renoncer pour soi-même à la prétendue maîtrise de ses actes, à la toute-puissance de la lucidité et du vouloir. « J'ai acquis l'impression, écrit Freud, de ce que la théorie de l'inconscient se heurtait principalement à des résistances d'ordre affectif qui s'expliquent par ce fait que personne ne veut connaître son inconscient, et partant trouve plus expédient d'en nier tout simplement la possibilité » (Le Mot d'esprit et ses rapports avec l'inconscient). Ce n'est d'ailleurs pas parce que la psychanalyse a été vulgarisée que le problème a perdu de son acuité. Nombreux sont aujourd'hui les psychiatres ou les philosophes qui, tout en acceptant verbalement l'existence de l'inconscient, en nient pratiquement par leurs explications le caractère insolite et scandaleux ; c'est-à-dire qu'ils le rejettent, car il faut bien toujours à leurs yeux que la conscience reprenne ses droits sous peine de voir s'écrouler leur propre univers de pensée.

Pour respecter l'originalité de la découverte freudienne et pour tenter de la faire échapper aux glissements inévitables qu'elle subit, le mieux est de serrer au plus près le texte de Freud, car son œuvre reste pour la psychanalyse le lieu à partir duquel se reforme ou se déforme la juste compréhension de l'inconscient.

La découverte freudienne

De l'hypnose à l'association libre

Séance d'hypnose

Séance d'hypnose

Séance d'hypnose

Patiente lors d'une séance d'hypnose, en Allemagne vers 1925.

C'est d'abord à travers la pratique de l'hypnose (1887) que se révèle à Freud l'impossibilité d'identifier psychique et conscient. Lorsque des ordres sont donnés à un sujet hypnotisé et qu'il s'y soumet après son réveil, c'est bien la preuve que la parole du médecin a mis en branle un certain nombre de mécanismes sans que le malade en sache rien. Quelque chose qui échappe totalement à la conscience entre donc ici en jeu et produit des effets. Bien plus, lorsqu'un malade, une hystérique par exemple, est interrogé sous hypnose sur les causes de son mal, il peut évoquer certains événements traumatiques, origine des symptômes, et se trouver par là guéri, bien qu'il ne se souvienne plus d'avoir parlé lorsqu'il se réveille. On est donc ici en présence de processus psychiques inconscients dont la réalité est rendue suffisamment manifeste par leur efficacité.

Le fait qu'ils soient liés à la parole conduit Freud, à partir d'expériences que lui communique Josef Breuer (1893), à abandonner l'hypnose dont les résultats se révèlent souvent peu durables et à mettre au point une nouvelle méthode, celle de l'association libre. On demande au malade de dire tout ce qui lui vient à l'esprit sans choisir, sans rien cacher, sans faire intervenir son jugement critique ; bientôt apparaissent des événements totalement oubliés et dont il était incapable de se souvenir lorsque sa conscience[...]

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Écrit par

  • Christian DEROUESNE : professeur à l'université Paris-VI, chef du service de neurologie à l'hôpital de la Salpêtrière
  • Hélène OPPENHEIM-GLUCKMAN : psychiatre et psychanalyste, attachée à l'hôpital de la Salpêtrière, chargée de cours à l'université de Paris-VII
  • François ROUSTANG : diplômé de psychopathologie, psychanalyste

Classification

Pour citer cet article

Christian DEROUESNE, Hélène OPPENHEIM-GLUCKMAN, François ROUSTANG, « INCONSCIENT », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

L'exil de Freud

L'exil de Freud

L'exil de Freud

Sigmund Freud et sa fille Anna, lors de leur arrivée à Paris en 1938. Gravement malade, le fondateur…

Séance d'hypnose

Séance d'hypnose

Séance d'hypnose

Patiente lors d'une séance d'hypnose, en Allemagne vers 1925.

Autres références

  • INCONSCIENT (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 18 010 mots

    Sigmund Freud (1856-1939) a pesé d’un tel poids dans la formulation de la notion d’inconscient qu’il est trop souvent perçu comme celui qui l’aurait découvert, à la façon dont les « inventeurs » d’un trésor arrachent à sa cachette un coffre rempli d’or qui avait jusqu’alors échappé à tous les regards.[...]

  • ALIMENTATION (Comportement et pratiques alimentaires) - Troubles du comportement

    • Écrit par Laurence APFELBAUM-IGOIN
    • 18 470 mots
    • 1 média
    [...]intérêt particulier des analystes pour le comportement alimentaire et pour ses troubles. Ce serait cependant méconnaître la portée de la découverte de l' inconscient et de la sexualité infantile que de s'attendre à en trouver chaque fois une expression immédiate dans le champ nutritionnel. Si Freud a pu[...]
  • ANIMUS & ANIMA

    • Écrit par Alain DELAUNAY
    • 5 681 mots
    • 1 média

    Le couple anima-animus joue un rôle important dans la « psychologie des profondeurs » de Carl Gustav Jung. Il s'agit d'une résurgence de deux termes du corpus de la philosophie médiévale. On les rencontre chez de nombreux auteurs, notamment Guibert de Nogent, où généralement ils[...]

  • ASSOCIATION LIBRE, psychanalyse

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 2 570 mots

    Expression utilisée en psychanalyse pour désigner l'objet de la règle fondamentale, laquelle consiste pour le patient à exprimer toutes les pensées (idées ; images ; Einfall, dit Freud, « ce qui tombe » dans l'esprit) sans discrimination aucune et de manière spontanée. L'école[...]

  • AUTOMATISME, art et littérature

    • Écrit par José PIERRE
    • 5 352 mots

    « Dans le monde organique, dans la mesure où se fait plus obscure ou plus faible la réflexion consciente, plus rayonnante et triomphante s'avance la grâce. » Cette affirmation de Kleist (Sur le théâtre de marionnettes, 1810) pourrait être tenue pour la charte originelle de[...]

  • AUTRE, psychanalyse

    • Écrit par Alexandre ABENSOUR
    • 7 177 mots

    Le débat philosophique sur autrui est inséparable de la question du primat de la conscience : comment expliquer l'existence d'une autre conscience, sous quelles modalités la rencontrer ?

    La doctrine qui va produire un impact certain sur les réflexions proprement psychologiques est celle[...]

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Voir aussi