Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

IDÉALISME

Les mathématiques et l'idéalisme

La réalité mathématique se présente sous trois aspects : entités, conceptions abstraites, symboles. Privilégier l'un de ces aspects à l'exclusion des autres donne à chaque fois une philosophie des mathématiques : platonisme ou réalisme, constructivisme, formalisme. L'attitude constructiviste, représentée par les intuitionnistes qui se rangent du côté de Luitzen Egbertus Jan Brouwer, correspond à l'idéalisme.

Les intuitionnistes soutiennent que les mathématiques consistent en une activité mentale d'engendrement d'objets et de preuves. Aucune proposition n'a de valeur de vérité indépendamment du fait que nous en possédons une démonstration ou une réfutation. Admettre qu'une proposition est vraie ou fausse en soi implique la croyance à une réalité mathématique en soi, alors que seule une construction effective peut conférer à une proposition une valeur logique. Les raisons par lesquelles les intuitionnistes rejettent la validité universelle et a priori du tiers exclu suffisent à mettre en lumière le caractère idéaliste de la doctrine : les mathématiques sont coextensives à l'expérience subjective qu'on en a, dans des constructions ou des opérations réalisées dans la pensée. Le langage symbolique n'est qu'un moyen d'enregistrement qui facilite la communication.

Le point de vue formaliste s'apparente au positivisme, qui attribue un caractère de certitude fondamentale aux constatations des sens. Ce qui est objet de perception sensible en l'occurrence, ce sont les symboles concrets et les suites de tels symboles, appelées formules. Les mathématiques seront donc des systèmes de formules obtenues par des manipulations réglées de symboles concrets. Une démonstration formelle ou formalisée est une suite de formules dont chacune est soit un axiome soit un conséquent de règle dont l'antécédent est un axiome ou une formule déjà démontrée. En fait, personne n'a jamais vu de démonstration mathématique entièrement formalisée. Dans la pratique, on se contente, s'il y a doute, de produire une formalisation partielle. À la différence des démonstrations « ordinaires », une démonstration formelle n'a pas à être comprise. Cela va contre l'usage dans les mathématiques, où l'on s'efforce, autant que possible, de comprendre une démonstration, d'en saisir au moins les idées directrices. La raison en est que la formalisation est un procédé en vue d'objectifs particuliers : la correction d'une démonstration formelle est vérifiable mécaniquement étape par étape ; la possibilité (théorique) de formaliser au moins partiellement une démonstration donne l'assurance qu'elle serait formalisable entièrement.

Le formalisme est une position de repli et permet de faire l'économie d'entités mathématiques abstraites. Un mathématicien de cette école peut toujours dire que son travail consiste à démontrer rigoureusement des théorèmes et que le reste est une affaire extraprofessionnelle. La démonstration devient l'élément le plus important des mathématiques, en conformité de l'idéal euclidien. Là contre, on peut aussi bien estimer que l'essentiel est l'intuition et qu'une démonstration n'a jamais aidé à mieux comprendre l'énoncé d'un théorème ni pourquoi il est vrai ; que les mathématiques se donnent une grande peine pour substituer une évidence logique à une évidence intuitive fondée sur un sens inné du spatial dans toutes ses variantes plus ou moins abstraites. C'est que la démonstration est un instrument de contrôle et un moyen de consensus.

Le formalisme n'implique aucune métaphysique. Strictement parlant, il est la thèse selon laquelle les problèmes de correction d'un raisonnement mathématique sont traductibles en problèmes[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université Paris-XII-Val-de-Marne, Créteil

Classification

Pour citer cet article

Jean LARGEAULT. IDÉALISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BERKELEY GEORGE (1685-1753)

    • Écrit par Geneviève BRYKMAN
    • 2 919 mots
    • 1 média

    Soucieux d'enrayer la marée montante du scepticisme induite par le progrès des sciences positives, Berkeley fut essentiellement un apologiste. Mais il fut aussi un authentique philosophe, dont l'ambition paradoxale était de définir, d'une façon à la fois nouvelle et traditionnelle, les rapports...

  • BOSANQUET BERNARD (1848-1923)

    • Écrit par Françoise ARMENGAUD
    • 895 mots

    Philosophe anglais, qui fut professeur à Saint Andrews. Bosanquet est un représentant original, avec Bradley et Royce, de l'idéalisme néo-hégélien. Il était le combattant d'une cause perdue en ce qu'il se voulait le défenseur de l'idéalisme ancien (absolu) contre les « hérésies » de l'idéalisme...

  • BRUNSCHVICG LÉON (1869-1944)

    • Écrit par Françoise ARMENGAUD
    • 948 mots

    Philosophe français, né à Paris, Léon Brunschvicg entre, en 1880, à l'École normale supérieure et suit à la Sorbonne les cours de Victor Brochard et d'Émile Boutroux. Sa thèse de doctorat a pour sujet et pour titre La Modalité du jugement(1892). Il fonde, en 1893, la Revue de...

  • CAUSALITÉ

    • Écrit par Raymond BOUDON, Marie GAUTIER, Bertrand SAINT-SERNIN
    • 12 987 mots
    • 3 médias
    On doit donc choisir entre deux positions métaphysiques : l'idéalisme, qui part des représentations, et limite ses ambitions, du moins en sciences, à « sauver les phénomènes » ; le réalisme, qui pense que, même si « le réel est voilé », on peut soulever certains coins du voile, et avoir accès à ce...
  • Afficher les 40 références

Voir aussi