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JUGEMENT

Le jugement est l'acte de la pensée qui affirme ou nie, et qui ainsi pose le vrai ; plus largement, c'est le point d'arrêt d'un problème, qui s'achève dans une décision. L'existence du jugement est donc au point de rencontre de multiples approches, celles de la logique, de la psychologie, ou même de la doctrine de l'activité. Le logicien retient que le jugement est l'adhésion à une proposition, qui est justifiée de quelque manière par la liaison des représentations qu'elle rassemble, ou par quelque référence de la proposition à d'autres propositions ou à l'expérience. Il revient ainsi à la logique d'étudier la structure propositionnelle du jugement, les modalités de l'affirmation qui peut s'effectuer dans le registre de l'effectif, du possible ou du nécessaire, l'appartenance du jugement aux sphères de la pensée déductive ou expérimentale. Mais c'est laisser hors de considération certains aspects de l'activité concrète de juger.

Le psychologue porte son attention sur les facteurs de la croyance ou de l'attitude, sur les prises de position, par rapport à la réalité, du sujet qui juge. Au reste, le jugement inclut des consignes normatives, qui exigent que l'on étende les références psychologiques vers des références sociologiques ou socio-culturelles ; le judicium est, étymologiquement, la décision judiciaire, et c'est un des aspects parmi d'autres des bases normatives du jugement : on parle du « jugement de goût », qui est le discernement des valeurs esthétiques ou culturelles, ou du jugement moral, qui est le discernement dans le domaine des mœurs.

Ainsi, la doctrine du jugement est entrée dans celle de la pensée par de multiples voies. Une philosophie du jugement a pour première tâche de situer les fonctions logiques du jugement dans une conception d'ensemble des activités de l'intelligence. Mais elle s'intéresse aussi aux liens du jugement et de l'activité, et cherche une mesure de la capacité de juger dans la conduite de l'homme, considérée en totalité, sous ses aspects individuels et sociaux. De manière générale, elle donne une place au jugement parmi les actes porteurs de sens, les régulations de l'existence et de la pensée. Elle le situe à un niveau élevé de l'exercice des pouvoirs de réflexion et de résolution, et, qu'elle exalte ou qu'elle dévalorise ce rôle, elle l'associe étroitement au sens de l'initiative rationnelle, qui trouve son expression directe dans la capacité de juger.

Proposition et assertion, expression et déclaration, croyance et adhésion

Le jugement synthétise les contenus de la perception ou de la représentation et les porte au niveau d'un critère de vérité qui permet leur affirmation. Mais cette opération du jugement emprunte en général le canal du langage, dont il reçoit une structure constituée de termes et de relations. En outre, le jugement ainsi exprimé occupe une place dans une chaîne de questions, de réponses, d'énoncés qui s'entraînent les uns les autres. La médiation linguistique apporte au jugement d'autres déterminations encore : le jugement est une prise de position, non seulement vis-à-vis d'un contenu de pensée, mais par rapport à l'auditeur auquel une croyance est communiquée et une adhésion demandée. Ainsi est-il une opération fondamentale et complexe, qui a plusieurs couches et plusieurs destinations : il importe donc de le rapporter à toute une famille de termes, dont chacun désigne un aspect ou une phase définie de son effectuation.

Le terme de proposition désigne de préférence la forme logiquement structurée du jugement, qui est une liaison de termes auxquels s'ajoutent l'indication d'une affirmation ou d'une négation et souvent l'indication de nuances modales. Il convient au reste de distinguer[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université des sciences humaines, lettres et arts de Lille

Classification

Pour citer cet article

Noël MOULOUD. JUGEMENT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANALYTIQUE PROPOSITION

    • Écrit par Françoise ARMENGAUD
    • 459 mots

    Le mot « analytique » a au moins trois sens.

    1. Au sens large, une proposition est dite analytique si elle est vraie en vertu de la signification des termes qu'elle contient. La simple considération des significations suffit à donner l'assurance de sa vérité. À ce sens se rattachent le...

  • ART (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 282 mots
    Dans sa troisième Critique, la Critique de la faculté de juger (1790), Kant part à la recherche des caractéristiques du jugement esthétique. Qu’est-ce que le spectateur (ou l’auditeur s’il s’agit de musique) a présent à l’esprit quand il affirme que ce qu’il voit ou entend est « beau » ? En premier...
  • ATTRIBUTION CAUSALE, psychologie sociale

    • Écrit par Olivier CORNEILLE
    • 961 mots

    Afin de mieux comprendre et prédire leur environnement, les individus tentent régulièrement d’identifier les causes responsables d’événements physiques et de comportements sociaux. L’attribution causale concerne les processus psychologiques impliqués dans ce raisonnement. Elle peut également...

  • AYER ALFRED JULES (1910-1989)

    • Écrit par Francis JACQUES
    • 1 310 mots
    b) On donnera une analyse des jugements moraux qui tienne compte des certitudes du sens commun (ce ne sont pas des hypothèses) et rectifie l'analyse fautive de G. E. Moore (elles seraient synthétiques et a priori). Pour autant qu'ils ont un sens, ce sont des énoncés scientifiques, psychologiques ou...
  • Afficher les 40 références

Voir aussi