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ERREUR

La définition classique de la vérité et de l'erreur est celle d'Aristote : « Dire de ce qui est qu'il est, ou de ce qui n'est pas qu'il n'est pas, c'est dire vrai ; dire de ce qui n'est pas qu'il est ou de ce qui est qu'il n'est pas, c'est dire faux. » Cet énoncé, parfois jugé trop métaphysique, a retrouvé, dans les années 1930, grâce aux travaux de logiciens tels qu'Alfred Tarski, un regain de crédit sous le nom de conception sémantique de la vérité et de l'erreur.

Toutefois, définir simultanément et symétriquement la vérité et l'erreur est une source de méprise : en effet, il y a entre ces deux notions de profondes différences. On peut, en soumettant à l'expérience, par exemple, une conjecture, la réfuter et établir qu'elle est fausse, sans être pour autant en mesure de lui substituer une autre hypothèse dont on pourrait établir qu'elle est vraie.

Il ne peut y avoir erreur que là où il y a prétention à la vérité. Si nous ne cherchions pas la vérité, nous ne nous soucierions pas de nos erreurs. Or, puisque toute connaissance débute avec l'expérience, même si elle ne se réduit pas à elle, la réflexion sur l'erreur doit comporter deux types d'interrogations : à quelles conditions la connaissance sensible – ou perception – est-elle fiable ? à quelles conditions le savoir scientifique – expérimental et théorique – est-il, lui aussi, testable et fiable ?

Le lieu privilégié de l'erreur est la science. L'erreur n'est pas dans l'activité scientifique un accident que plus d'attention ou de soin permettrait d'éliminer. Elle est première et la vérité dans la science est toujours « erreur rectifiée », selon Gaston Bachelard.

L'erreur dans la connaissance ordinaire

Les philosophes de l'Antiquité ont poussé aussi loin qu'il est possible la critique de la connaissance sensible, celle que nous acquérons par les sens ou perception. Montaigne, dans les Essais (livre II, chap. xii), en a brossé un tableau qui, aujourd'hui encore, n'a pas été dépassé : « Que les choses ne logent pas chez nous en leur forme et en leur essence, et n'y fassent leur entrée de leur propre force et autorité, nous le voyons assez : parce que, s'il était ainsi, nous les recevrions de même façon ; le vin serait tel en la bouche du malade qu'en la bouche du sain. » Bien plus, « si de notre part nous recevions quelque chose sans altération, si les prises humaines étaient assez capables et fermes pour saisir la vérité par nos propres moyens, ces moyens étant communs à tous les hommes, cette vérité se rejetterait de main en main de l'un à l'autre ». En un mot, comment nous assurer que les sens nous peignent les choses comme elles sont et que les impressions ne varient que faiblement d'un homme à l'autre ? Les exigences de la vie en société donnent d'ailleurs plus de poids à la seconde question qu'à la première. Épicure et Lucrèce insistaient sur le fait qu'il fallait se tenir fermement au témoignage de la perception, « car, dit Lucrèce, ce n'est pas seulement notre raison qui s'écroulerait, mais notre vie même qui périrait, si, perdant confiance en nos sens, nous n'évitions pas les précipices et autres dangers du même ordre qu'il faut fuir ». Mais peut-on aller plus loin qu'un acte de foi et dire à quelles conditions la perception est ou non fiable ? On ne peut pas exhiber de preuves directes de la similitude foncière de ce que voient deux individus, Pierre et Paul. Mais on en a de fortes présomptions indirectes : si, à la chasse, ils abattent du gibier, on ne doute pas qu'ils voient et visent ; si, descendant une piste à skis, ils font un parcours sans faute, c'est qu'ils auront vu les bosses, les dénivellations, les plaques de glace, etc., car, par expérience,[...]

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Bertrand SAINT-SERNIN. ERREUR [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Autres références

  • ANTICIPATIONS, économie

    • Écrit par Christian de BOISSIEU
    • 6 072 mots
    • 4 médias
    – Les anticipations adaptatives posent que les agents tiennent compte de leurs erreurs de prévision et, par un processus d'apprentissage (learning), révisent leurs anticipations à la lumière de l'écart constaté à chaque période entre la valeur effective de la grandeur et son niveau...
  • CATASTROPHES

    • Écrit par Yves GAUTIER
    • 7 372 mots
    • 3 médias
    Autre faille,l'erreur de perception (ce que l'opérateur a vu ou entendu) et/ou de représentation (ce que l'opérateur a compris) est particulièrement illustrée par l'accident de l'Airbus A-320 du mont Sainte-Odile (Bas-Rhin, 20 janvier 1992, 97 morts et 9 blessés) : mauvais positionnement...
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    • Écrit par Daniel ANDLER
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    Erreurs de raisonnement et illusions cognitives. Les psychologues ont en effet découverttoute une série d'erreurs systématiques dans certains raisonnements élémentaires. Ces erreurs affectent aussi bien la déduction logique que le raisonnement inductif et probabiliste. C'est ainsi que, placés devant...
  • CROYANCE

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    L'analyse du jugement en est l'occasion (IVe Méditation) ; mais celle-ci, à son tour, n'est élaborée que pour rendre compte de l'erreur, laquelle est tenue pour une manière de « faillir », donc comme l'équivalent du mal moral dans l'ordre de la connaissance ; comme chez Platon, par...
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