ANTICIPATIONS, économie
Les anticipations sont des représentations individuelles, plus ou moins informées, d'événements futurs généralement aléatoires. Relevant à titre principal du domaine de compétence de la psychologie, elles ont été progressivement prises en compte par les autres sciences humaines et les sciences sociales, en particulier par la science économique.
Comme la monnaie, l'anticipation individuelle, quel que soit son domaine d'application, constitue un lien entre le passé, le présent et l'avenir. En effet, les agents économiques se fondent sur l'évolution passée et courante pour former leurs représentations de l'avenir : l'anticipation est à l'articulation de la mémoire et du projet, dans des proportions variables d'un individu à l'autre.
Les anticipations concourent à la détermination des comportements individuels et des variables macroéconomiques (taux d'inflation, taux d'intérêt, taux de change, etc.), et jouent un rôle crucial dans les fluctuations économiques, l'apparition et la résorption des crises. Quel poids convient-il de leur accorder dans le raisonnement économique ? Ce serait une forme de démission de la part de l'économiste que de réduire l'ensemble des explications proposées à des inflexions dans les anticipations, d'autant plus que l'observation directe de ces dernières demeure très limitée. Don Patinkin (1965) nous a mis en garde contre certains abus lorsqu'il affirmait qu'une fois ouverte la « boîte de Pandore » des anticipations tout peut arriver.
Il faut cependant oser ouvrir cette « boîte de Pandore » et faire aux anticipations la place qui leur revient. L'explication des phénomènes économiques par les anticipations sera d'autant moins contestable que l'économiste parviendra à analyser la formation et l'altération des représentations individuelles de l'avenir (anticipations endogènes).
La formation des anticipations
Nature et mesure des anticipations
La distinction suggérée par Gunnar Myrdal (1933) entre l'ex ante (a priori) et l'ex post (a posteriori) est au cœur de la dynamique économique : il n'y a aucune raison pour que les prévisions coïncident exactement avec les variations effectives ; de l'écart constaté par les agents entre les deux types de grandeurs découlent des adaptations des comportements et les mouvements économiques.
Plusieurs critères permettent de distinguer les anticipations de concepts voisins, et diverses catégories d'anticipations :
– Le degré de contrôle. Est posée ici la question de l'articulation entre le plan et l'anticipation, la pondération entre le souhaitable (dimension normative) et le probable (aspect « positif »). Dès 1939, Erik Lindahl élaborait une théorie du planning individuel : les plans sont conditionnés à la fois par les anticipations et par l'évaluation des diverses conséquences des actions menées, compte tenu des prévisions. Henri Theil (1965) poussait plus loin la distinction. D'après lui, un agent ne peut concevoir de plan que pour les variables exclusivement contrôlées par lui. Pour les autres variables, même celles qui sont partiellement contrôlées, il ne peut former à leur sujet que des anticipations. Dans le même esprit, Leif Johansen (1977) suggérait une typologie plus fine. La projection désigne toute description de l'état futur de l'économie, sans hypothèse aucune sur sa probabilité d'occurrence ou son caractère souhaitable. La prévision consiste en une représentation de l'état futur de l'économie, considérée par l'agent comme probable, voire la plus probable. La planification introduit dans la prévision une dimension normative, en pondérant le probable et le souhaitable.
– Le degré de certitude. La certitude des anticipations recouvre deux situations qu'il[...]
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Écrit par
- Christian de BOISSIEU : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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Médias
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