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DÉFINITION

Traditionnellement, définir, c'est expliciter, lorsqu'il s'agit d'un mot, et, lorsqu'il s'agit d'un être, c'est lui assigner un statut ; on définit par genre prochain et différence spécifique : « La rose est une fleur d'églantier dont les étamines sont devenues pétales. »

Cela présuppose :

sur le plan ontologique, le primat métaphysique de la substance première, indépendante de ses attributs, et une hiérarchie de formes substantielles ;

sur le plan logique, un parallélisme logico-grammatical qui entraîne à son tour le primat du jugement de prédication et du sujet-substance ;

sur le plan épistémologique, le primat du jugement de perception.

Cette notion s'est profondément renouvelée lorsque le modèle précédent d'intelligibilité a été mis en cause par la révolution galiléenne et par l'esprit cartésien. La définition devient générative et intuitive. En effet, le langage des mathématiques appliqué à la nature présuppose un plan de vérité supérieur à tous les autres, un ordre d'enchaînement des notions spécifiques. Définir, c'est donner un procédé d'engendrement par une consigne verbale brève, où le definiens règle la génération du definiendum. Toute définition suppose des indéfinissables et n'utilise pas de notion qui soit connue postérieurement dans l'ordre des raisons.

La critique de Leibniz marque la transition vers une troisième étape. Outre que la conception précédente suppose une intelligibilité dont les limites sont celles de l'intuition humaine, Leibniz reproche aux règles de la méthode cartésienne d'être des recettes psychologiques sans rigueur et d'avoir négligé l'importance du symbolisme. Lorsque par exemple Leibniz définit π/4 par un développement en série : π/4 = 1 — (1/3) + (1/5) — (1/7)..., il donne assurément une expression approximative de π/4, mais cette approximation est réglée ; elle est adéquate au nombre transcendant en question ; et cela sans requérir ni susciter aucune idée claire et distincte du sujet. L'intelligibilité est désormais mesurée par la constructivité et non plus par une intuition intellectuelle, que Kant allait rejeter peu après.

L'importance des définitions chez les Anciens s'expliquait par l'origine empirique et l'aspect qualitatif des sciences de la nature, et en mathématiques par le caractère matériel de l'axiomatique (Éléments d'Euclide). Dès lors que les objets sont relatifs à une théorie et que celle-ci s'exprime dans une axiomatique formelle, on ne distingue plus entre postulat, axiome et définition. Les individus apparaissent à partir des variables soumises à une quantification, et les prédicats utilisés ne sont plus qu'implicitement définis dans les axiomes qui servent d'énoncés primitifs et indémontrables de la théorie. Les définitions modernes sont implicites et opératoires.

— Françoise ARMENGAUD

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes

Classification

Pour citer cet article

Françoise ARMENGAUD. DÉFINITION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 23 786 mots
    • 2 médias
    ...car la matière appartient bien au sujet (elle est même en un sens le substrat par excellence), mais, étant indéfinie, elle répugne à toute définition. En revanche, la définition, qui exprime la forme à l'exclusion de la matière, est un prédicat du sujet, mais ne se confond pas avec lui quand celui-ci...
  • ONTOLOGIE

    • Écrit par Paul RICŒUR
    • 15 658 mots
    • 1 média
    ...ontologique paraît morcelée par Platon en multiples idées, c'est pour répondre aux sophistes, accusés de cautionner l'arbitraire des dénominations, celui des définitions éthiques et celui des principes de la cité. Face à la sophistique, à l'ère du doute, du scepticisme moral et de la violence politique,...
  • PLATON (env. 428-env. 347 av. J.-C.)

    • Écrit par Monique DIXSAUT
    • 13 762 mots
    • 3 médias
    ... première − à indiquer l'essence comme le seul objet donnant sens à « ce que nous faisons quand nous interrogeons et quand nous répondons ». Car définir ne se réduit pas à énoncer une formule. La définition dialectique embrasse tout le mouvement de l'examen : le rejet des définitions erronées...
  • QUIDDITÉ

    • Écrit par Lucien JERPHAGNON
    • 83 mots

    La quiddité (quidditas), expression qui remonte aux traductions latines d'Avicenne, au xiie siècle, ressortit à la problématique scolastique de l'essence (ce que sont les êtres) et de l'existence (le fait qu'ils sont). Dans une telle perspective, deux questions se posent...

Voir aussi