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COLLECTIONNISME

Le fait de rassembler un groupe d'objets singuliers est attesté dès la préhistoire. On le retrouve, principalement sous la forme d'hommage ou de butin, comme un signe de possession, dans les tombes des pharaons et les palais royaux de Babylone. À partir de la période hellénistique, les œuvres d'art font désormais partie des collections qui fleurissent pendant la civilisation romaine. Les trésors artistiques pris aux pays vaincus, en particulier la Grèce, sont exposés publiquement sous les portiques ; l'avidité collectionneuse de Verrès, propréteur de Sicile, fut dénoncée par Cicéron. On peut dès lors parler de collectionnisme : un marché se développe ; des valeurs distinctives sont créées pour les objets (la patine, la série, l'attribution) ; des termes propres sont inventés pour désigner les collections (musée, pinacothèque, etc.) ; Pline l'Ancien décrit par exemple des collections de camées. Pendant la plus grande partie du Moyen Âge, la collection se confond de nouveau avec le trésor, ecclésiastique ou princier. Mais la progressive séparation, au sein de ce dernier, entre les regalia (les objets du sacre des rois) et les mirabilia et l'extension de ceux-ci incite à placer au xve siècle le véritable début de l'histoire du collectionnisme.

Du xvie au début du xxe siècle, la connaissance commune que l'on a de cette pratique, généralement d'origine privée, se confond souvent avec sa représentation publique (un recueil de planches illustrant la galerie d'un prince, le catalogue de vente rédigé par un marchand, l'exposition ou la donation d'une collection remarquable par la singularité de ses objets) qui tend à mythifier la figure du collectionneur (une coutume qui n'a pas disparu). L'érudition des xixe et xxe siècles privilégie les publications d'inventaires, qui servent plus à reconstituer l'historique des objets qu'à faire comprendre l'histoire des collections. Dans les années 1970, l'essor des sciences humaines favorisa de nouvelles approches, à partir de l'épistémologie (la « culture de la curiosité ») ou de la sociologie (une pratique socioculturelle), voire de la psychanalyse. Au xxe siècle enfin, l'extension du champ des objets artistiques jugés dignes d'être collectionnés (de « l'art nègre » à la photographie) et la progressive institutionnalisation de cette pratique suscitent de nouvelles problématiques (les rapports entre collection et création, par exemple).

Aussi a-t-on opté ici pour une entrée « collectionnisme », la préférant à celles de collectionneur ou de collection. Le suffixe en isme n'est pas utilisé pour énoncer un système général de collection ; il permet simplement d'appréhender globalement collectionneurs et collections comme objet d'analyse, un phénomène déjà reconnu en tant que tel par les historiens d'art italiens sous le vocable collezionismo.

Mythes et lieux communs

À première vue, la figure du collectionneur, l'univers de la collection relèvent plus du mythe que de l'histoire. Le nombre de tableaux d'une collection, calculé à l'unité près, la célébrité rétrospective des « noms » possédés par tel collectionneur, qui signale le flair de son goût, l'individualité de son tempérament, vue à travers le prisme d'une psychologie populaire, tout cela fascine. Une véritable mythologie s'est ainsi établie autour du phénomène.

L'hagiographie du collectionneur en fait un mécène. Il l'est rarement. Laurent le Magnifique, grand collectionneur, commanda peu d'œuvres aux artistes de son temps. Les grands personnages du siècle de Louis XIII ou de Louis XIV, Séguier ou Fouquet, collectionnèrent surtout des toiles des maîtres anciens, mais commandèrent simplement des décors aux artistes contemporains. Très[...]

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Écrit par

  • : conseiller scientifique à l'Institut national d'histoire de l'art

Classification

Pour citer cet article

Olivier BONFAIT. COLLECTIONNISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence - crédits : Paolo Gallo/ Shutterstock

Tribune des Offices, musée des Offices, Florence

<it>Frédéric de Montefeltre, duc d'Urbin, et son fils Guidobaldo</it>, P. Berruguete - crédits :  Bridgeman Images

Frédéric de Montefeltre, duc d'Urbin, et son fils Guidobaldo, P. Berruguete

Palais ducal, Urbino : studiolo - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Palais ducal, Urbino : studiolo

Autres références

  • ARCIMBOLDO GIUSEPPE (1527 env.-1593)

    • Écrit par Frédéric ELSIG
    • 1 566 mots
    • 3 médias
    ...sur l'ambiguïté, la contamination, l'hybridation et la métamorphose. Nourri de valeurs rhétoriques telles que l'inventio et son corollaire la varietas, il s'exprime dans de riches collections, réunies dans des cabinets de curiosités, constituées par l'accumulation d'objets variés – naturels ou artificiels...
  • L'ATELIER D'ANDRÉ BRETON (collection)

    • Écrit par Cécile DEBRAY
    • 955 mots

    Quelque trente-sept ans après la mort d'André Breton (1896-1966), son atelier, qui renfermait ses collections d'objets et d'œuvres d'art, ses archives et sa bibliothèque, a été dispersé en vente publique, à l'hôtel Drouot à Paris, du 7 au 17 avril 2003.

    L'annonce...

  • COLLECTION M.+M. AUER. UNE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE (exposition)

    • Écrit par Pierre VAISSE
    • 955 mots

    On a beaucoup écrit sur la psychologie des collectionneurs, mais peut-être faudrait-il créer une nouvelle catégorie pour le couple Auer. Depuis plus de quarante ans, Michel Auer, photographe de formation, a réuni, d'abord seul, puis avec sa femme Michèle, non seulement quelque cinquante mille photographies,...

  • FOUILLES D'HERCULANUM ET DE POMPÉI (Italie)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 239 mots
    • 1 média

    Menées à l'initiative du roi de Naples et de Sicile, Charles de Bourbon, les fouilles sur le site d'Herculanum (depuis sa découverte, en 1709, jusqu'à la fouille proprement dite, en 1738) et sur celui de Pompéi (fouillé à partir de 1748) eurent de profondes conséquences sur l'idée...

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Voir aussi