ARAGON
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Histoire
Des origines au royaume
Avant la conquête arabe, il n'y a pas d'Aragon. Le pays était englobé dans la province romaine dite Tarraconaise. Assez forte dans la vallée de l'Èbre, où naquirent des villages qui furent ensuite des cités épiscopales (Saragosse, Huesca, Tarazona), la romanisation fut presque nulle dans les Pyrénées. L'occupation arabe ne se heurta à aucune résistance sérieuse, et se limita à quelques garnisons. Les musulmans furent surtout des indigènes convertis à l'islām, comme Cassius, comte du district de Borja, chef de la famille des Banu Kassi. Dans les vallées pyrénéennes, le seul signe de soumission était le paiement d'un tribut aux autorités arabes. À la faveur des luttes internes qui agitèrent l'Espagne musulmane au viiie siècle, ces tributs furent payés de plus en plus irrégulièrement. L'intervention franque se traduisit par l'installation temporaire (806-809) du comte Aureolus dans la région de Jaca. Une indépendance de fait s'établit ainsi progressivement.
Depuis le début du ixe siècle apparaît, d'abord dans les vallées de Hecho et de Canfranc, un petit comté, dirigé par Aznar Galindo et ses successeurs. Aux montagnards indigènes se joignent quelques Francs et quelques réfugiés du Sud, qui encouragent l'esprit de résistance. Une ligne de forteresses se constitue sur la frontière sud. La vie ecclésiastique s'appuie surtout sur les monastères : San Pedro de Siresa, San Juan de la Peña. Un évêché apparaît en 922. Ce petit comté jouit d'une conscience propre, suffisante pour résister à l'absorption par la monarchie de Pampelune, menaçante au xe et au début du xie siècle.
À la mort de Sanche le Grand, roi de Navarre (1035), son fils illégitime Ramire Ier reçut, outre ce noyau primitif, des territoires voisins qui portaient la superficie de son domaine de 600 à 4 000 kilomètres carrés, et qu'il arrondit encore par l'annexion du Sobrarbe et de la Ribagorza. Son fils Sanche Ramírez en fit un véritable royaume, avec l'aide de la papauté, dont il se déclara vassal en 1089. Tous deux tirèrent grand profit des péages perçus sur la route qui, par Jaca et Canfranc, fait communiquer l'Espagne avec le sud de la France, ainsi que des tributs (les parias) versés par les riches principautés musulmanes comme prix de leur tranquillité. Sanche Ramírez put créer la cité de Jaca, y attirer une population artisanale venue de France. Ramire Ier et son fils favorisèrent la vie religieuse, dotèrent les sièges épiscopaux de Jaca et de Roda assez largement pour permettre la rapide construction d'amples églises romanes.
Cependant, alors que la Castille réalise des progrès spectaculaires aux dépens de l'Espagne musulmane, Ramire Ier et son fils mirent plusieurs décennies à forcer la ligne de forteresses qui leur interdisait l'accès de la plaine. Ramire Ier mourut sous les murs de Graus (1063). Sanche Ramírez établit le château de Montearagón aux portes de Huesca (1088). Pierre Ier triompha d'une armée musulmane aidée par les Castillans, et enleva enfin cette cité (1096). Alors la tierra nueva s'ouvrit enfin au royaume.
Crise de croissance et expansion
À ce rapide dénouement d'une longue entreprise succède, plus rapide encore, la conquête de la principauté musulmane de Saragosse : en un peu plus de deux ans, Alfonse Ier le Batailleur (1104-1134), frère de Pierre Ier, aidé par des croisés venus de France, enlève Saragosse (18 décembre 1118), occupe le pays, écrase à Cutanda (18 juin 1120) une armée de secours musulmane. Mais, faute d'entente avec le comte de Barcelone, il échoue devant Lérida, et il est même écrasé à Fraga (17 juillet 1134). Mourant peu après, sans enfant, il lègue son royaume aux ordres militaires : formule inapplicable, vite abandonnée pour la montée sur le trône du frère du défunt, le moine Ramire, marié pour l'occasion. Cette crise fit craindre un retour offensif des musulmans et accueillir en libérateur Alfonse VII, roi de Castille, à Saragosse. Mais elle fut dénouée par le mariage de Pétronille, fille de Ramire, avec Raimond Bérenger IV, comte de Barcelone (1137), qui s'intitula « prince et gouverneur » d'Aragon, sous la suzeraineté du roi de Castille – vite théorique, et formellement rejetée en 1177. Dès lors, la conquête put reprendre, Lérida et Fraga tombèrent en 1149, et l'Aragon acheva de trouver avant la fin du siècle ses frontières définitives.
Cette croissance considérable ( [...]
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Écrit par :
- Roland COURTOT : agrégé de l'Université, maître assistant à l'Institut de géographie d'Aix-Marseille
- Marcel DURLIAT : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail
- Philippe WOLFF : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse
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Pour citer l’article
Roland COURTOT, Marcel DURLIAT, Philippe WOLFF, « ARAGON », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 21 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/aragon/