- 1. Géographie de la Syrie
- 2. La Syrie avant la conquête arabe
- 3. La Syrie musulmane
- 4. La domination ottomane
- 5. Britanniques et Français
- 6. Le régime des colonels
- 7. Luttes pour l'indépendance politique
- 8. Stabilité retrouvée et consolidation du pouvoir du général Hafez al-Assad
- 9. Les longues années de « transition »
- 10. Succession dynastique et nouveaux enjeux régionaux
- 11. Révoltes de la société et résistance du régime Assad
- 12. Chronologie contemporaine
- 13. Bibliographie
SYRIE
Nom officiel | République arabe syrienne |
Dirigeant de facto | Ahmed al-Charaa - depuis le 1er décembre 2024 (de son nom de guerre Abou Mohammed al-Joulani) |
Premier ministre de transition | Mohammed al-Bachir - depuis le 10 décembre 2024 |
Capitale | Damas |
Langue officielle | Arabe |
Population |
23 594 623 habitants
(2023)
|
Superficie |
185 180 km²
|
La Syrie est un pays paradoxal, au cœur d'enjeux géopolitiques régionaux majeurs, tout en étant un paradis pour les archéologues qui sillonnent cette région où sont apparus les royaumes de Mari et d'Ebla (IIIe millénaire av. J.-C.), les Cananéens (IIe millénaire av. J.-C.) et les Araméens (xie siècle av. J.-C.), où s'est exercée l'influence hellénistique, puis romaine, avant l'expansion du christianisme (à Damas et à Antioche) et l'éclosion des églises chrétiennes sous l'Empire byzantin, et où Damas est devenue la capitale du calife Omeyyade Mu'awiyya. Un tel patrimoine historique s'explique par le fait que l'ensemble géographique de la Syrie, appelé en arabe Bilād al-Shām, est un carrefour où convergent de multiples influences. Il est délimité au nord par les montagnes du Taurus et de l'Asie Mineure, à l'ouest par la Méditerranée, à l'est par la Mésopotamie (le pays de l'Euphrate et du Tigre) et au sud par les déserts arabiques.
La Syrie en tant qu'État émerge dans les années 1920 à la suite du découpage territorial, effectué par les puissances « impérialistes » européennes, la France et le Royaume-Uni, de l'Empire ottoman qui s'effondre à l'issue de la Première Guerre mondiale. La séparation d'avec le Liban provoque, pour certaines élites syriennes, un traumatisme qui est à l'origine de relations complexes entre les deux États. Puis, dans les années 1950-1960, les puissances régionales (Jordanie, Irak et Égypte) s'affrontent pour contrôler la Syrie qui menace alors d'éclater. Mais le pays devient, à partir des années 1970, sous la houlette du général Hafez al-Assad, un État redouté, une puissance régionale centrale exerçant son influence sur le Liban, la Jordanie ou les Palestiniens, et un acteur incontournable dans toutes les initiatives diplomatiques. Le régime Assad se perpétue en 2000 par une succession dynastique du père au fils. Mais le pouvoir de Bachar al-Assad est sérieusement remis en cause à partir de 2011 par une révolte de la société qui se mue en guerre civile et aboutit à son renversement en 2024.
Géographie de la Syrie
La Syrie possède une superficie de 185 000 kilomètres carrés, dont seuls les deux tiers sont habités en permanence, du fait de l’aridité qui règne dans le centre du pays. La Syrie est née du découpage de l’Empire ottoman par la France et le Royaume-Uni après la Première Guerre mondiale. Le territoire actuel n’est donc pas le fruit d’une construction nationale ou historique ancienne. Au nord, la frontière avec la Turquie suit pendant la majeure partie du tracé la ligne de chemin de fer Bagdad-Istanbul. À l’est, la frontière avec l’Irak et la Jordanie est rectiligne au sud de l’Euphrate et faite de segments au nord du fleuve pour ne pas séparer brutalement les pâturages des tribus bédouines. À l’ouest, les frontières s’appuient sur quelques limites « naturelles », la rivière Yarmouk avec la Jordanie, la ligne de crête de l’Anti-Liban et le fleuve Nahr-el-Kebir-el-Janoubi avec le Liban. La Syrie revendique toujours le sandjak d’Alexandrette (la province actuelle du Hatay), donné par la France à la Turquie en 1939, mais il s’agit d’un vœu pieux. Le plateau du Golan, occupé par Israël depuis 1967, constitue une revendication plus sérieuse qui bloque toute négociation de paix avec Israël.
Conditions physiques et climatiques
La Syrie est une table inclinée vers l’est. Les mouvements alpins du Taurus et le rift de la mer Morte expliquent le relief accidenté de l’ouest du pays, tandis que de vastes plateaux s’étendent dans l’intérieur. Le littoral méditerranéen est composé d’une étroite plaine adossée au djebel Ansarieh (ou montagne Alaouite) qui culmine à 1 602 m au Nebi Younès. Ce massif calcaire, modeste réplique du mont Liban, est dissymétrique : le versant occidental est en pente douce, tandis que le versant oriental est constitué par un abrupt qui surplombe le fossé d’effondrement de la plaine du Ghab. Au nord de Lattaquié, la plaine littorale se heurte aux premiers contreforts de l’Amanus, le djebel Akra (le mont Chauve), qui marque la frontière avec la Turquie depuis 1939. Le point culminant de Syrie est le mont Hermon (2 814 m) appelé en arabe djebel Sheikh, au sud-ouest de l’Anti-Liban. Les chaînons anticlinaux se prolongent au nord (Qalamoun) jusqu’à Palmyre, tandis qu’ils s’estompent rapidement au pied de l’Hermon, faisant place au plateau basaltique du Hauran. Le djebel Druze, au sud de la Syrie, est un massif volcanique en forme de dôme, culminant à 1 809 m au Tall al-Djayna. Passé ce massif, en raison de la forte aridité, la présence humaine se limite à quelques oasis (Palmyre et Soukhné) et surtout aux vallées des fleuves et rivières allogènes (Euphrate et Khabour) qui entaillent les plateaux sédimentaires.
La Syrie appartient au domaine méditerranéen dans sa partie occidentale, mais au-delà des chaînes côtières, qui bénéficient d’une pluviométrie abondante, l’aridité se manifeste rapidement. Les précipitations passent de 800 mm de moyenne annuelle à Lattaquié à seulement 300 mm à Alep, éloignée seulement de 150 km de la mer. Le contraste est encore plus fort entre Beyrouth (800 mm) et Damas (150 mm), qui n’est pourtant distante de la Méditerranée que d’une centaine de kilomètres. L’effet d’abris – le relief bloque les entrées maritimes – joue davantage au sud qu’au nord de la Syrie, en raison des altitudes du mont Liban et de l’Anti-Liban. Le gradient de précipitation diminue progressivement vers l’est et les plateaux cultivés (maamoura) font place au domaine steppique (badiya). Le climat levantin qui règne sur le littoral est une variante du climat méditerranéen : les précipitations ont lieu de novembre à avril et non durant les intersaisons, aussi la sécheresse estivale est-elle particulièrement rigoureuse. Au-delà des reliefs côtiers, le climat est continental : forts écarts thermiques entre l’été et l’hiver, précipitations extrêmement irrégulières d’une année à l’autre, ce qui fragilise les activités agricoles sur les marges du domaine sédentaire.
La Syrie est donc pénalisée par une mauvaise répartition des précipitations dans le temps et l’espace. Les montagnes occidentales sont bien arrosées durant l’hiver, mais les cours d’eau sont soit dirigés vers la mer soit captés par la série de fossés d’effondrement du Levant (de la mer Rouge à la plaine d’Antioche), tel l’Oronte qui prend sa source dans la Bekaa libanaise et coule vers le nord, alimentant au passage Homs, Hama et la plaine du Ghab avant de rejoindre la Méditerranée après Antioche. La rivière Barada, qui draine les eaux de l’Anti-Liban vers Damas et la Ghouta, est un des rares exemples de cours d’eau se dirigeant vers l’est. La Syrie du nord bénéficie de l’apport de cours d’eau allogènes, notamment l’Euphrate et ses affluents (le Baligh et le Khabour), qui prennent leur source en Turquie. La Syrie puise les deux tiers de son alimentation en eau dans ce bassin, ce qui lui permet d’irriguer des centaines de milliers d’hectares de céréales et de coton. Il était prévu, avant la guerre civile, de construire une conduite d’eau depuis l’Euphrate pour alimenter Damas, car le Barada est devenu insuffisant pour une agglomération de 5 millions d’habitants. La concurrence pour l’eau s’aiguise entre les territoires et les usages, car la quasi-totalité des ressources hydriques naturelles sont mobilisées. Le retraitement des eaux usées permettrait d’augmenter considérablement l’eau disponible, mais les coûts sont élevés et l’opération exigerait une vérité des prix à laquelle l’État n’a jamais pu se résoudre. Depuis 2005, les surfaces cultivées n’ont cessé de régresser en Syrie. Face à l’épuisement des sols, le gouvernement a interdit l’agriculture en dessous de l’isohyète de 200 mm, sauf dans les périmètres irrigués gérés par l’État. La limite est arbitraire puisque cette isohyète est très fluctuante en fonction des années. La mesure a permis néanmoins de protéger les marges arides d’une destruction irrémédiable, avec des conséquences désastreuses également pour le domaine cultivé comme les vents de sable ( dust bowl), car une terre labourée en milieu semi-aride est décapée par le vent. Mais elle risque d’être insuffisante. À l’horizon de 2050, l’évolution climatique est préoccupante. La température devrait s’élever de 3 à 4 °C et les précipitations diminuer de 40 mm par an. La diminution devrait être plus forte en Anatolie, ce qui aura des répercussions directes sur les débits du Tigre et de l’Euphrate en aval.
La population
La Syrie comptait 21 millions d’habitants en 2011, au début de la guerre civile, soit une densité d’environ 200 hab./km2 rapportée à la superficie habitée en permanence (120 000 km2). La population est urbanisée à 60 % environ, ce qui est inférieur à la moyenne du Moyen-Orient. Le maintien d’un mode de vie rural et agricole entretient une certaine dispersion de la population à l’échelle locale. Sur le plan national, le poids de Damas est contrebalancé par celui d’Alep, des quatre métropoles régionales intermédiaires : Lattaquié, Homs, Hama et Deir ez-Zor, et d’un réseau de moyennes et petites villes qui structure l’espace rural.
Au début des années 1980, la Syrie était le troisième pays au monde pour sa fécondité, derrière le Rwanda et le Yémen. La population doublait tous les vingt ans depuis l’Indépendance, mais cette progression a commencé à fléchir dans les années 2000, indiquant une sortie de transition démographique plus rapide que prévu. La généralisation de l’éducation féminine conjuguée à des difficultés économiques croissantes a fait baisser le taux de fécondité des Syriennes, qui est passé de 8 enfants par femme en 1980 à 3 enfants en 2010. En 2007, 65 % des filles intégraient l’enseignement secondaire contre seulement 32 % en 1998. Cette évolution s’inscrit dans un processus général d’éradication de l’analphabétisme, qui concernait moins de 10 % de la population de plus de quinze ans en 2004. Mais la destruction des écoles et l’effondrement du système d’éducation à partir de 2011 ont enrayé ce processus. On note un retard important dans la vallée de l’Euphrate, notamment dans les provinces de Raqqa et de Deir ez-Zor où les taux d’analphabétisme sont supérieurs à la moyenne nationale, à rapprocher des taux de croissance démographique, qui y sont les plus élevés de Syrie.
La population syrienne est plurielle tant sur le plan ethnique que confessionnel. Même si le gouvernement baathiste niait l’existence de la diversité au nom d’une identité nationale arabe syrienne, le sentiment communautaire demeure puissant. Il n’existe pas en Syrie de recensement ethnico-confessionnel depuis 1960. Néanmoins, il est possible d’estimer le poids démographique des différentes communautés avant la guerre civile. À cette date, les Arabes sunnites dominent (64 % de la population), puis viennent les Kurdes (14 %), sunnites eux aussi, mais qui se définissent d’abord comme Kurdes. Les Turkmènes forment le troisième groupe ethnique (1 %), ils n’ont pas de revendication irrédentiste contrairement aux Kurdes, et s’assimilent au groupe majoritaire tout comme les Tcherkesses. Ces derniers, chassés par l’avance russe, sont venus du Caucase au xixe siècle et furent installés par les Ottomans sur les marges steppiques du Proche-Orient pour protéger le domaine sédentaire contre les razzias des Bédouins. Les Arméniens de Syrie sont pour l’essentiel des descendants des rescapés du génocide de 1915. Ils étaient environ 150 000 avant la guerre civile, dont les deux tiers à Alep où ils résidaient dans des quartiers bien identifiés.
Au total, les onze communautés chrétiennes, Arméniens y compris, représentaient 5 % de la population syrienne en 2010. Les Grecs orthodoxes étaient les plus nombreux, puis les Arméniens apostoliques, les Grecs catholiques et les Syriaques orthodoxes. Il est difficile de donner une estimation de leur poids démographique en 2024, car toutes les communautés ont connu une véritable hémorragie. Le sentiment d’insécurité est renforcé par la dispersion et les divisions entre les différents rites. En 1945, les chrétiens représentaient 20 % de la population syrienne, mais du fait d’une émigration deux fois supérieure à celle des musulmans et d’une fécondité deux fois moindre, leur poids relatif a été divisé par quatre en soixante ans. Le déclin semblait s’être stabilisé dans les années 2000, mais la guerre civile a relancé le processus : les trois quarts des chrétiens ont quitté le pays, et leur nombre est désormais compris entre 200 000 et 300 000 personnes. La plupart de ceux qui sont réfugiés à l’étranger ne reviendront pas. Il existait des communautés juives à Alep et à Damas, mais elles ont disparu dans les années 1950, victimes comme ailleurs du conflit israélo-arabe. En 1991, lorsqu’ils furent autorisés à émigrer aux États-Unis, il ne restait plus qu’un millier de Juifs à Damas.
La famille chiite représentait, en 2010, 15 % de la population : Alaouites (10 %), Druzes (3 %), chiites duodécimains (1 %) et ismaéliens (1 %). Durant la guerre civile, elles furent moins contraintes à l’émigration car elles étaient en très grande majorité loyales ou neutres à l’égard du régime de Bachar al-Assad. La communauté alaouite, particulièrement investie dans les forces loyalistes, a versé un lourd tribut puisqu’un homme sur quatre entre 20 et 50 ans serait mort. Avec l’arrivée au pouvoir des rebelles islamistes en décembre 2024, leur présence en Syrie est remise en question.
À l’époque ottomane, ces populations étaient recluses dans les marges de la Syrie utile et les montagnes refuges, telles que le djebel Ansarieh et le djebel Druze. Le mandat français a assuré leur promotion à travers l’armée en vertu du célèbre adage colonial : « diviser pour régner et s’appuyer sur les minorités ». Le coup d’État baathiste de 1963, dans lequel elles étaient surreprésentées, a accéléré le processus d’ascension sociale et de migration vers les villes. Le président Hafez al-Assad a fait bénéficier la région côtière, fief de la communauté alaouite, de la politique volontariste d’aménagement du territoire.
L’aménagement du territoire
Dès leur arrivée au pouvoir, en 1963, les officiers baathistes nationalisent les grandes entreprises et les banques et lancent une réforme agraire ambitieuse. Les grands domaines sont démantelés et les terres distribuées aux paysans. Le secteur agricole bénéficie d’un fort soutien de l’État, notamment en matière d’irrigation : de grands travaux ont été menés dans le bassin de l’Euphrate (20 % des investissements publics entre 1970 et 1990), la plaine du Ghab et la plaine littorale. Le nouveau régime prend en main l’industrialisation du pays et crée des pôles de développement industriel. La région côtière est favorisée par l’État qui, au prétexte de sa vocation maritime, y implante plusieurs grandes entreprises. Au total, la côte représentait 20 % de l’emploi dans le secteur public industriel, pour 10 % de la population syrienne. Grâce aux aides arabes après la guerre du Kippour (1973) et au soutien soviétique, dont la Syrie est un allié stratégique, Damas se lance dans un mode de développement de type autocentré. Cependant, la chute de l’URSS et la réduction de la rente indirecte plongent le pays dans une grave dépression économique. Hafez al-Assad se voit obligé de libéraliser graduellement l’économie syrienne dans les années 1990. Son fils Bachar al-Assad accélère le processus. Cependant, il se refuse à toucher aux fondamentaux de la période précédente (réforme agraire, secteur public industriel, administration pléthorique, etc.), car cela remettrait en cause les réseaux de clientélisme qui soutiennent son régime. En revanche, il abandonne la politique de développement des périphéries et laisse se dégrader les services publics faute de privatisation officielle. La tendance naturelle à la concentration des activités et de la population autour des quatre métropoles de l’intérieur ( Damas, Homs, Hama et Alep) reprend au détriment des campagnes et des petites villes. Les déséquilibres centre-périphérie s’accroissent tant sur le plan national que local et provoquent un fort mécontentement social qui est en partie responsable du soulèvement de 2011.
L’économie
En comparaison avec ses voisins arabes, l’économie de la Syrie est plutôt diversifiée. Jusqu’en 2010, les exportations couvraient les importations, et le pays n’était pratiquement pas endetté à l’étranger. La guerre civile a évidemment modifié en profondeur cette situation.
La Syrie dispose de gisements de pétrole dans le nord-est du pays. La production a connu un pic en 1996 avec 690 000 barils par jour, mais elle n’a cessé de décroître depuis lors pour atteindre 380 000 barils en 2010, faute de nouvelles prospections et par le fait que les gisements syriens sont loin d’être comparables en quantité à ceux du voisin irakien. Au milieu des années 2020, elle est tombée à moins de 100 000 barils par jour. Avant la guerre civile, les revenus du pétrole représentaient 20 à 25 % du budget de l’État. Mais cette ressource se réduisait à mesure que la consommation intérieure augmentait avec la multiplication des voitures individuelles et la demande en électricité. L’exploitation des gisements de gaz de la Palmyrène dans les années 2000 et l’arrivée de gaz égyptien par un nouveau gazoduc venant de Jordanie ont permis de convertir certaines centrales à fuel afin d’économiser le pétrole. La Syrie espère découvrir des gisements d’hydrocarbures off-shore en Méditerranée, comparables à ceux qui l’ont été entre Israël et Chypre, ce qui pourrait lui apporter des ressources pour reconstruire le pays, s’il reste uni.
Berceau de l’agriculture au Néolithique, la Syrie est un grand pays agricole qui est resté longtemps pratiquement autosuffisant, contrairement à ses voisins qui ont recours à des importations massives de produits alimentaires. L’agriculture a toujours bénéficié d’un fort soutien politique durant la période baathiste à travers la réforme agraire et l’irrigation. En 2010, l’agriculture contribuait encore pour 20 % au PIB et occupait 25 % de la population active. La Syrie était un des principaux producteurs d’huile d’olive, de coton et de céréales du sud du bassin méditerranéen. Elle exportait également ses moutons de race awassi, très réputés dans les pétromonarchies du Golfe. La région côtière, grâce à son climat méditerranéen, est devenue la banlieue maraîchère des grandes villes de l’intérieur, tandis que le nord-est du pays était le grenier à blé.
À l’abri des protections douanières, une industrie manufacturière a prospéré en Syrie jusque dans les années 1990. Le secteur privé cohabitait avec le puissant secteur public industriel hérité des nationalisations des années 1960 et de l’achat d’usines clés en main auprès des pays communistes d’Europe de l’Est. L’ouverture économique des années 1990 n’a pas sacrifié le secteur public industriel déclinant, elle a simplement supprimé des entraves à l’économie capitaliste. L’intégration de la Syrie dans le Greater Arab Free Trade Area (GAFTA) en 2005 puis l’accord de libre-échange signé avec la Turquie en 2004 (et entré en vigueur en 2007) ont profondément déstabilisé l’industrie syrienne, incapable de s’adapter à la concurrence étrangère. Les blocages bureaucratiques et la corruption n’ont pas permis à la Syrie de bénéficier pleinement de ses avantages comparatifs, tels que la main-d’œuvre bon marché ou sa situation de carrefour géographique entre l’Europe et le Moyen-Orient. Dans le contexte politique syrien et l’ouverture des marchés, il était préférable pour les entrepreneurs syriens d’investir dans les services plutôt que la production. Ce secteur exige en effet moins d’immobilisation de capitaux, il s’adapte aisément à la conjoncture, et les bénéfices sont plus facilement dissimulables, ce qui n’est pas à négliger dans un État prédateur. Bachar al-Assad a tenté de promouvoir le secteur touristique, espérant créer 2 millions d’emplois à l’horizon de 2020, et compenser ainsi la perte des revenus du pétrole. Le patrimoine culturel de la Syrie et les aménités balnéaires pouvaient ainsi attirer les touristes occidentaux intéressés par ce livre d’histoire à ciel ouvert et les touristes du Golfe, venant oublier les rigueurs du wahhabisme.
L’impact de la guerre civile
Depuis 2011, la Syrie est en proie à une violente guerre civile aux lourdes conséquences sur les populations et l’économie. Le régime de Bachar al-Assad s’effondre en décembre 2024, après l’offensive du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC). Dans le nord-est du pays, les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, refusent leur intégration dans la nouvelle armée syrienne. Au Sud, les Druzes demandent l’autonomie de leur région, sur le modèle kurde, et refusent de laisser pénétrer les rebelles islamistes sur leur territoire.
En septembre 2024, l’ONU estime que le conflit a fait déjà 500 000 morts. La population résidente était estimée à 18 millions d’habitants en 2023, contre 21 millions en 2011. Un Syrien sur deux a quitté son domicile et se retrouve déplacé interne (7 millions de personnes), résident à l’étranger reconnu comme réfugié (6,5 millions) ou non inscrit comme tel (1,5 million). Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), près de 13 millions de Syriens sont en insécurité alimentaire, en décembre 2024, soit les deux tiers de la population résidente. La moitié des enfants ne sont plus scolarisés.
L’économie syrienne fonctionne au ralenti. La majeure partie de l’appareil industriel et des infrastructures énergétiques est anéantie. Plus du tiers des logements sont détruits ou fortement endommagés. Les problèmes d’alimentation en eau et en énergie n’ont fait que s’accroître avec la destruction d’une partie des réseaux. Le total des pertes économiques était déjà estimé à plus de 450 milliards de dollars par la Banque mondiale en 2018. Le PIB syrien a reculé de 80 % entre 2010 et 2024.
Le futur de la Syrie demeure à ce jour incertain, avec les risques d’une dictature islamique ou d’un scénario à la libyenne dans une division durable du pays.
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Écrit par
- Fabrice BALANCHE : maître de conférences, université Lyon 2
- Jean-Pierre CALLOT : ancien élève de l'École polytechnique
- Philippe DROZ-VINCENT : professeur des Universités en science politique
- Philippe RONDOT : docteur en sociologie politique des relations internationales
- Charles SIFFERT : spécialiste économique et politique pour le Proche-Orient, conseiller privé
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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