Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GUERRE

Les groupes humains, quelle que soit leur taille, se reconnaissent comme tels et affirment leur unité en se distinguant d'autres groupes. Il y a entre eux à la fois des affinités et des oppositions qui affectent leurs relations, dans la mesure où celles-ci ont une réalité, c'est-à-dire lorsque la proximité dans l'espace ou les moyens de communication les amènent à se poser les uns par rapport aux autres. Quand il s'agit de groupes qu'on peut considérer comme des totalités, par exemple au niveau des sociétés globales (tribus, nations, empires), les relations susceptibles d'exister entre eux peuvent, au-delà de toutes les nuances possibles, se classer en deux catégories, suivant qu'elles sont de l'ordre de la paix ou de celui de la guerre. Comment définir chacun de ces deux termes ? Quelles sont les causes et les conséquences et quels sont les divers aspects de la paix et de la guerre ? Ces problèmes comportent, certes, des éléments politiques, diplomatiques, militaires ; mais comme ils mettent toujours en cause des collectivités humaines, c'est à l'anthropologie et à la sociologie qu'il appartient d'en connaître au premier chef.

Premiers canons - crédits : British Library/ AKG-images

Premiers canons

Peut-être y a-t-il toujours eu dans la vie sociale, et aujourd'hui plus que jamais, une inévitable succession de tensions et de périodes de relâchement. Alors, le cycle des guerres et des paix apparaîtrait comme un aspect de ce rythme essentiel. Une telle question s'approfondira si l'on remarque que les conflits sont en quelque sorte institutionnalisés dans la paix, puisque les nations entretiennent un appareil guerrier pour garantir la paix ou se préparer aux hostilités éventuelles, de même qu'inversement les guerres sont faites pour contraindre l'ennemi à accepter une certaine paix. Cette dialectique est-elle fatale ?

Guerre et paix

L'intelligence réciproque de la guerre et de la paix

Les études proprement sociologiques consacrées à la paix sont en nombre extrêmement réduit, surtout si on les compare à toutes celles qui ont trait à la guerre. Il n'en faudrait pas conclure à une préférence marquée de la part des auteurs pour la situation la plus souvent décrite, ou à une infirmité des méthodes d'approche à l'égard de la paix, qui est, indiscutablement, la forme d'existence normale des sociétés, même si l'on admet que les guerres sont inévitables. Les travaux sur la vie sociale en général, sur les institutions, les coutumes, les mœurs portent ordinairement sur ce qui se passe en temps de paix, sans qu'on éprouve le besoin de le spécifier. C'est le cas par exemple pour la plupart des monographies consacrées à tel ou tel peuple. La pauvreté de la littérature sociologique sur l'état de paix n'est donc qu'une apparence. Par contre, quand on décrit la vie des sociétés dans la guerre, c'est-à-dire les transformations que celle-ci apporte à leur existence normale, la cause de ce changement est mise en évidence et se trouve étudiée en elle-même. D'autre part, de même que la psychopathologie fournit des points d'observation privilégiés qui enrichissent la psychologie normale, de même les sociologues ont intérêt à porter leur attention sur ce phénomène social qu'est la guerre : par le fait même qu'il est exceptionnel, il rend en effet perceptibles des mécanismes importants qui, dans la paix, passent inaperçus ou sont à l'état latent. Enfin, la guerre intensifie la fusion des individus au sein de la société et crée une sorte de paroxysme de l'emprise sociale.

Cependant, ici encore, on n'a affaire qu'à une apparence, car en révélant les unités sociales dans leur opposition la guerre renvoie à une explication qui doit être cherchée dans la paix, dans l'état social qui précède les hostilités. Quant aux relations sociales, elles n'arrivent au point de rupture[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • : auteur de Law in Diplomacy
  • : professeur à l'Institut universitaire de hautes études internationales, Genève
  • : emeritus professor of international law, université de Chicago

Classification

Pour citer cet article

Jean CAZENEUVE, P. E. CORBETT, Victor-Yves GHEBALI et Q. WRIGHT. GUERRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Premiers canons - crédits : British Library/ AKG-images

Premiers canons

Destruction de l'aviation égyptienne au début de la guerre de Six Jours - crédits : Central Press/ Getty Images

Destruction de l'aviation égyptienne au début de la guerre de Six Jours

Pacte Briand-Kellogg - crédits : Keystone/ Getty Images

Pacte Briand-Kellogg

Autres références

  • BOUTHOUL GASTON (1896-1980)

    • Écrit par Hervé SAVON
    • 1 271 mots

    Juriste et sociologue, docteur en droit et docteur ès lettres, Gaston Bouthoul aurait pu s'engager dans une carrière universitaire classique qui eût été assurément brillante. Mais ce non-conformiste tranquille a craint d'aliéner ainsi une trop grande part de sa liberté. Entré au barreau (il fut notamment...

  • CALLIGRAMMES, Guillaume Apollinaire - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 627 mots
    ...du recueil, signalée par son titre même, on ne saurait tenir pour secondaires les circonstances de sa rédaction, et, de fait, sa thématique centrale – la guerre – dont Apollinaire donne une vision profondément originale. À sa parution et plus encore dans les années qui ont suivi, Calligrammes n’a...
  • CHASSEURS-CUEILLEURS (archéologie)

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 727 mots
    • 3 médias
    ...Néolithique, quand apparaissent la fortification des villages et la création d’armes ad hoc. Dans les observations ethnographiques, la fréquence de la guerre semble varier suivant les régions et relever souvent de la vendetta, d’autant qu’elle ne met aux prises que quelques dizaines de combattants. En...
  • CLAUSEWITZ KARL VON (1780-1831)

    • Écrit par André GLUCKSMAN
    • 4 635 mots
    Savoir rassembler ses forces, tout subordonner à la nécessité d'obtenir une victoire décisive, telle est la condition première de toute stratégie efficace et rationnelle. Chaque guerre est recherche de la décision, le moyen de cette décision est l'épreuve de force (réelle ou potentielle). « Cette unicité...
  • Afficher les 21 références

Voir aussi