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LÉONARD DE VINCI (1452-1519)

L'art

L'œuvre artistique de Léonard, et plus particulièrement son œuvre peint, constitue l'un des cas les plus difficile de l'histoire des arts. L'originalité et le rayonnement en sont manifestes et pour certains contemporains tenaient du prodige, mais tout gêne et complique l'établissement d'un catalogue : ouvrages ruinés ou disparus quand ils sont attestés ; ouvrages sans documentation, prêtant à d'interminables débats d' attribution, double version du même ouvrage, tableaux inachevés, copies anciennes trop nombreuses.

La peinture

Au xixe siècle, certains auteurs réunissaient hardiment une cinquantaine de tableaux qu'ils donnaient à Léonard ; personne aujourd'hui ne peut être affirmatif pour plus d'une quinzaine d'ouvrages. Il suffit d'un tableau récapitulatif pour établir que la plupart des tableaux de la période de jeunesse sont des récupérations, d'ailleurs souvent acceptables, du xixe siècle, et que le nombre des ouvrages perdus ou détruits est énorme (au moins sept) et celui des ouvrages inachevés élevé (cinq). La réputation de Léonard peintre s'est faite aux temps classiques sur un tout petit nombre d'œuvres sûres (La Cène, Mona Lisa), et beaucoup d'attributions douteuses, dont il ne reste que le souvenir. Il faut noter enfin que si les collaborations sont caractéristiques de l'œuvre de jeunesse, quand Léonard est lié à Verrocchio, elles le sont aussi de l'œuvre du maître après 1500, qui se contente d'élaborer des cartons que développeront les disciples.

<it>La Dame à l'hermine (Cecilia Gallerani)</it>, L. de Vinci - crédits :  Bridgeman Images

La Dame à l'hermine (Cecilia Gallerani), L. de Vinci

Œuvre peint de Léonard de Vinci - crédits : Encyclopædia Universalis France

Œuvre peint de Léonard de Vinci

Toute cette production apparaît comme étroitement liée aux programmes et à la commande. Léonard est un peintre qui obéit à l'occasion, qui ne la devance et surtout ne la provoque pas (sauf une exception : pour des raisons d'ordre pratique, il aurait, d'après Vasari, demandé à son retour à Florence, en 1500, qu'on le charge du panneau destiné à l'autel majeur de l'Annunziata). Mais par son activité graphique et réflexive, il est préparé à toute éventualité. Il a d'ailleurs abordé tous les genres : tableau d'autel (ou pala), tableau de dévotion, portrait, composition monumentale. Il n'y a chez lui aucune de ces entreprises révolutionnaires que tenteront et réussiront ses jeunes rivaux : Raphaël, Michel-Ange ; ou même ceux qu'il influencera, comme Andrea del Sarto. Visiblement, après les travaux communs à la bottega et son émancipation définitive en 1479, il restreint le plus possible son œuvre, concentrant chaque fois toutes ses forces pour dépasser ses prédécesseurs. On peut être frappé de l'importance des tableaux religieux, du petit nombre des portraits et du peu d'œuvres « mythologiques » : la Léda, peut-être un Bacchus perdu, et le décor des camerini au château Sforza (vers 1495). Dans tous ses ouvrages religieux, Léonard a subtilement renouvelé l'iconographie du sujet. Il conçoit le rapport de la madone et de l'enfant comme un mélange de tendresse et d'effroi, l'enfant se portant vers l'emblème de la future passion, que redoute la mère ; à l'image de dévotion est ainsi substitué un petit drame psychologique qui culmine dans la Madone aux fuseaux et la Sainte Anne. L'Adoration des Mages, inachevée, est comme l'empreinte d'une invention complexe où tout gravite autour d'un éblouissement. De même le traitement de La Cène est entièrement repensé, comme tout le monde l'a observé et comme l'exposent les notes de Léonard (ms. Forster II, fo 2) : les réactions distinctes de chaque apôtre à la parole du Christ transforment la scène symbolique en événement. De même encore pour La Bataille, où le problème était de donner une cohérence à la dispersion d'une mêlée, analysée dans tous ses replis terribles et mouvementés, l'opposé exactement[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur au Collège de France

Classification

Pour citer cet article

André CHASTEL. LÉONARD DE VINCI (1452-1519) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Draperie pour une figure assise</em>, Léonard de Vinci - crédits : Michel Urtado/ Musée du Louvre/ RMN-Grand Palais

Draperie pour une figure assise, Léonard de Vinci

<it>La Cène</it>, Léonard de Vinci - crédits : Universal History Archive/ Getty Images

La Cène, Léonard de Vinci

<it>Mona Lisa</it> ou <it>La Joconde</it>, L. de Vinci - crédits : Universal History Archive/ UIG/ Getty images

Mona Lisa ou La Joconde, L. de Vinci

Autres références

  • TRAITÉ DE LA PEINTURE, Léonard de Vinci - Fiche de lecture

    • Écrit par Martine VASSELIN
    • 1 235 mots
    • 1 média

    Vers 1490, à la cour de Ludovic le More, duc de Milan, Léonard de Vinci (1452-1519) songeait déjà à composer un traité, dont le manuscrit A de la bibliothèque de l'Institut à Paris contient le projet et le premier noyau. Jusqu'à sa mort, il ne cessa de rédiger des notes, élargissant, compliquant...

  • LA JOCONDE (PORTRAIT DE MONA LISA), Léonard de Vinci

    • Écrit par Universalis
    • 932 mots
    • 2 médias

    La Mona Lisa de Léonard de Vinci est un des tableaux les plus célèbres du monde. Ce portrait représenterait Lisa del Giocondo (née Gherardini), épouse du marchand florentin Francesco di Bartolomeo del Giocondo : Mona Lisa est ainsi surnommée La Gioconda ou, en français, La Joconde. Le peintre,...

  • LÉONARD DE VINCI (exposition)

    • Écrit par Christian HECK
    • 1 037 mots
    • 1 média

    La rétrospective qu’a consacrée le musée du Louvre à Léonard de Vinci (24 octobre 2019 – 24 février 2020) ne pouvait être qu’exceptionnelle. Le cinquième centenaire de la mort de l’artiste ; sa reconnaissance, sur tous les continents, comme un génie universel de l’art, en même temps mythe...

  • ANATOMIE ARTISTIQUE

    • Écrit par Jacques GUILLERME
    • 8 926 mots
    • 7 médias
    ...suffisait pour ainsi dire à lui-même, et détournait les théoriciens d'investigations proprement empiriques. Dans cet univers quasi mystique, L. B. Alberti et Léonard de Vinci inaugurent un nouveau type d'enquête, une analyse déjà scientifique de la morphologie humaine. Alberti se constitue un système métrique...
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - L'architecte

    • Écrit par Florent CHAMPY, Carol HEITZ, Roland MARTIN, Raymonde MOULIN, Daniel RABREAU
    • 16 589 mots
    • 10 médias
    ...Si Alberti apparaît davantage comme un savant, épris d'architecture, Baccio Pontelli ou Chimenti Camicia avant tout comme ingénieurs-architectes, et Léonard de Vinci comme ingénieur-artiste, génial autodidacte, et architecte, Bramante, Giuliano et Antonio da Sangallo sont présentés comme des architectes...
  • ART (L'art et son objet) - Le faux en art

    • Écrit par Germain BAZIN
    • 6 715 mots
    ...provenance est la Vierge aux rochers, dont il existe deux exemplaires. On peut suivre celui de la National Gallery de Londres depuis l'atelier même de Léonard de Vinci à Milan, grâce à toute une série de contrats. Aucun renseignement, par contre, sur la genèse de celui du Louvre, repéré seulement à partir...
  • AUTOMATE

    • Écrit par Jean-Claude BEAUNE, André DOYON, Lucien LIAIGRE
    • 6 648 mots
    • 2 médias
    ...Renaissance tire parti du nouvel essor des techniques (vulgarisation du système bielle-manivelle, miniaturisation des mécanismes d'horlogerie). Si Léonard de Vinci (1452-1519), dans ses dessins anatomiques, décompose les mouvements des membres dans un jeu de fils associés à des leviers osseux, Rabelais...
  • Afficher les 39 références

Voir aussi