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KABBALE

Le terme kabbala, littéralement «   tradition », désignait à l'origine toute tradition doctrinale, même biblique à l'exclusion du Pentateuque, et plus particulièrement la transmission, d'abord orale, ensuite écrite, d'enseignements concernant la pratique religieuse. C'est seulement au xiiie siècle que ce terme désigne un système doctrinal particulier et au xive siècle que les penseurs de ce courant sont appelés « kabbalistes » de préférence à toute autre désignation.

L'apparition de la mystique juive coïncide avec la période des grands courants théosophiques et gnostiques des premiers siècles de l'ère chrétienne. On peut suivre son développement ininterrompu du iie siècle à nos jours. Comme toute autre forme de mystique religieuse, elle cherche essentiellement à réinterpréter les données de la Révélation en vue d'atteindre des réalités supérieures par le moyen de la connaissance, de la vision ou à travers une expérience vécue. La spécificité de la mystique juive par rapport à la mystique grecque, chrétienne ou musulmane s'exprime dans certains concepts fondamentaux qui demeurent permanents quelle que soit la diversité des formes ou des moyens d'approche que revêtent ou adoptent les courants doctrinaux.

La méditation est centrée en premier lieu sur le concept du Dieu vivant, dont l'essence inconnaissable se manifeste dans ses attributs. Ces attributs sont en même temps les étapes de procession du monde de la divinité, qui transcende l'univers phénoménal et est cependant activement présente dans tout ce qui existe. Cette multiplicité de niveaux et d'attributs a pour origine le Dieu unique, source de toute existence.

La finalité de l'investigation mystique est la connaissance de ce monde divin. Les deux instruments providentiels qui permettent de la réaliser sont la Tora et la langue hébraïque. La Tora n'est pas seulement un texte composé de phrases et de mots, mais la manifestation concrète de la Sagesse divine, dont aucune interprétation en langage humain ne peut exprimer le sens intégral. Les commandements qu'elle contient selon le sens littéral sont les expressions, adaptées à l'entendement humain, de lois universelles. Leur accomplissement permet une participation effective à la réalisation de l'harmonie cosmique.

La langue hébraïque reflète la nature spirituelle de l'univers. Les lettres qui la composent sont les éléments de la création ; la connaissance de leurs lois internes donne accès à celle du monde divin dont elles procèdent. Par l'interprétation anagogique de la Tora et des commandements, la mystique juive se greffe sur la religion exotérique. Si l'on excepte deux ramifications tardives qui s'en détournent, l'orthodoxie rigoureuse reste la base commune de tous les courants ésotériques du judaïsme.

En fonction de leur contenu particulier et suivant leur succession chronologique, on peut distinguer les principaux courants suivants : l'ésotérisme de la période talmudique (iie-ve s.), qui se prolonge, avec une évolution de la terminologie, dans les spéculations mystiques sur le « char divin », la merkaba(iiie-viie s.) ; le mouvement des ḥassidim (« hommes pieux ») d'Allemagne (xiie-xive s.) ; la kabbale d'Espagne avec ses deux branches de la théosophie spéculative et de la kabbale « prophétique » (xiie-xve s.) ; l'école d'Isaac Luria (à partir d'environ 1530) et la mystique populaire, en Pologne, appelée également hassidisme (de 1750 à l'époque contemporaine).

Chacun de ces courants a laissé une littérature abondante qui revêt une forme et des moyens d'expression particuliers. Leur trait commun est l'absence de toute donnée d'autobiographie spirituelle. L'objet de la vision ou de la contemplation est décrit objectivement[...]

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Pour citer cet article

François SECRET et Gabrielle SED-RAJNA. KABBALE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LIVRE DE LA SPLENDEUR, KABBALE JUIVE

    • Écrit par Gérard NAHON
    • 220 mots

    À côté de la Torah et du Talmud axés sur les aspects juridiques et moraux, enseignés publiquement dans les académies, un courant mystique réservé à des initiés se développe à partir de la fin du second temple (70) et durant le Moyen Âge : la Kabbale ou tradition. Des cénacles kabbalistes...

  • ABRAHAM BEN DAVID DE POSQUIÈRES (1125-1199)

    • Écrit par Gabrielle SED-RAJNA
    • 346 mots

    Célèbre dans le monde juif du xiie siècle par son école talmudique (yeshīvah), Abraham ben David est né à Narbonne, où son père Abraham ben David, qui a eu une influence durable sur son orientation, était président du tribunal religieux. L'école dont il prit la direction à Posquières recevait...

  • ABULAFIA ABRAHAM BEN SAMUEL (1240-apr. 1291)

    • Écrit par Gabrielle SED-RAJNA
    • 338 mots

    Kabbaliste né à Saragosse, Abulafia voyage dès sa première jeunesse en Palestine, où la guerre des chrétiens contre les musulmans l'arrête à Acre et le force à revenir en Europe. Il se marie en Grèce, puis séjourne quelque temps en Italie, à Capoue, où il étudie sous la direction de Hillel ben...

  • AZRIEL DE GÉRONE (1re moitié XIIIe s.)

    • Écrit par Gabrielle SED-RAJNA
    • 333 mots

    Kabbaliste appartenant au Cénacle des kabbalistes de Gérone, qui était le deuxième après celui de la Provence et était constitué des disciples d'Isaac l'Aveugle. Azriel était le contemporain et, suivant certaines traditions, le gendre de Ezra ben Salomon, kabbaliste lui-même et...

  • BAAL SHEM TOV ISRAËL BEN ÉLIÉZER dit LE (1700 env.-1760)

    • Écrit par Gérard NAHON
    • 927 mots

    L'application hébraïque de Baal Shem Tov (Ba‘al Šem Tov : maître du Nom [divin] ou maître du Bon Nom [divin] ; abrégé en Bešt) désignait au xviie siècle, chez les juifs d'Europe centrale un thaumaturge en état d'effectuer des guérisons par l'usage magique du Nom divin qu'il connaissait...

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Voir aussi