JARDINSDe l'Antiquité aux Lumières
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Rome et les jardins
L'Empire de Rome fondit en un art nouveau du jardin ces différentes tendances, ces éléments épars dans le monde antique. Cet art peut être baptisé, en latin, du nom d'ars topiaria, que l'on traduirait par « art du paysage » ; le jardin de plaisance, à Rome, est en effet appelé à créer des lieux privilégiés, des compositions formées d'éléments architecturaux et naturels, destinés au plaisir des hommes. L'ars topiaria naquit dans la seconde moitié du iie siècle avant J.-C., après les contacts de Rome avec l'Asie hellénistique. L'exemple des paradis perses fut décisif (il y eut, dès l'origine, à Rome, des parcs de chasse), mais les Romains ne se bornèrent pas à les copier. Ils adoptèrent aussi dans leurs parcs de plaisance des édifices qui, en Grèce, accompagnaient les jardins sacrés, par exemple les « palestres » (où s'exerçaient les éphèbes), ou les portiques de promenade construits le long des ensembles funéraires (comme à l'académie d'Athènes) ou des lieux de culte.
Dès le début du ier siècle avant J.-C., on voit ainsi, à Pompéi, une véritable villa de plaisance, comme la maison du Faune, développer deux promenoirs péristyles (entourés entièrement de colonnes), sur lesquels s'ouvre un grand salon. Le jardin est, d'ores et déjà, destiné à servir de cadre à la vie quotidienne. À l'imitation de maisons comme celle du Faune, les architectes imaginent de prolonger la demeure traditionnelle par des « péristyles » plantés de fleurs et d'arbustes, ou, si leurs dimensions le permettent, d'arbres fruitiers, de cyprès, de platanes, etc. Ainsi naît la maison campanienne, que les fouilles de Pompéi ont rendue familière, et dont les modèles plus vastes ont été dégagés sur les hauteurs de Stabies, à quelque distance de la ville enfouie. Peu à peu apparaît un type nouveau d'architecture, où le jardin a sa place, qui est essentielle : les pièces d'habitation qui, dans la maison grecque, donnaient sur des cours dallées, sont ici disposées de telle sorte que chacune ait la vue d'un jardin, petit ou grand, tantôt réduit à un seul arbre, tantôt composant tout un bocage. Les fenêtres s'ouvrent sur un paysage spécialement aménagé ou, à défaut, le remplacent par un tableau peint, une fresque de jardin, qui doit donner l'illusion d'une présence de la nature.
Fresque de la villa de Livie, Prima Porta, Rome. Muzeo nationale, Rome.
Crédits : Bridgeman Images
À partir du ier siècle avant J.-C., les collines autour de Rome se couvrent de villas composées de grands parcs à l'intérieur desquels sont disséminés les bâtiments, dont la façade est le plus souvent formée d'une colonnade qui fournit une transition entre le jardin et la demeure. À Tusculum (Frascati), à Tibur (Tivoli), les grands seigneurs possèdent ainsi des résidences où ils passent les mois chauds de l'année et les fêtes. Ces villas sont le lieu du loisir, c'est-à-dire des conversations entre amis et, aussi, d'échanges intellectuels. Dans de tels parcs, Cicéron a situé la scène de ses dialogues philosophiques. Plus tard, lorsque les territoires de l'Empire tendront à se séparer les uns des autres, les riches propriétaires, en Gaule, en Germanie, en Afrique, en Asie, vivront de plus en plus dans leurs maisons domaniales, et la tradition du jardin conservera le souvenir de la culture païenne. Et cela d'autant plus que les paysages aménagés dans les jardins s'inspirent des images popularisées par la poésie classique : rocailles où l'on a mis des statues de faunes, de bacchantes, de nymphes ; sources sacrées, autels élevés aux dieux des bois et des champs, parfois de véritables mises en scène retraçant une légende pittoresque, comme l'histoire d'Actéon dévoré par ses chiens, ou la chasse de Méléagre. Cette présence des dieux et des héros sera caractéristique de la tradition romaine du jardin. Elle réapparaîtra plus tard lorsque, à partir de la Renaissance, cette tradition sera renouée.
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Écrit par :
- Pierre GRIMAL : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
- Maurice LEVY : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur à l'université de Toulouse-Le Mirail
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Pour citer l’article
Pierre GRIMAL, Maurice LEVY, « JARDINS - De l'Antiquité aux Lumières », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 25 janvier 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/jardins-de-l-antiquite-aux-lumieres/