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JARDINS De l'Antiquité aux Lumières

Le jardin anglais au XVIIIe siècle

Longlead House, jardins - crédits : Jason Hawkes/ Getty Images

Longlead House, jardins

L'Angleterre est sans doute le pays d'Europe où l'art du jardin a été le plus assidûment pratiqué et le plus âprement discuté. Notamment au xviiie siècle, où l'expression « jardin anglais » prit une signification particulière, désignant un type de parc aux traits distinctifs, produit spécifique d'une nation qui venait d'atteindre, en 1688, sa majorité politique : car la relation est plus étroite qu'on ne le croit d'ordinaire entre le jardin et la cité.

Sans doute les jardins anglais s'étaient-ils, aux xvie et xviie siècles, ressentis de la vogue italienne, puis française : précisément dans la mesure où l'institution monarchique, rétablie sous sa forme absolue, dénotait de nouveau la même vision du monde que sur le continent. Lorsque Charles II était revenu en 1660 de son exil à la cour de France, il avait voulu – et les grands seigneurs du royaume après lui – imiter ce qu'il avait admiré aux Tuileries. Dans les jardins du palais royal de Hampton Court, par exemple, il avait fait ouvrir trois grandes allées qui rayonnaient à partir d'un vaste demi-cercle planté de tilleuls, reproduisant – sur les conseils et avec l'aide de jardiniers français (peut-être même de Le Nôtre ? ) – un modèle aux lignes convergeant fortement vers un centre, symbole d'une conception autoritaire du pouvoir.

Il suffit par ailleurs de feuilleter le recueil de planches dessinées par Knyff et gravées par Kip, intitulé Britannia Illustrata, publié à Londres en 1707, représentant les demeures seigneuriales les plus importantes du moment et leurs parcs, pour se convaincre du rôle prépondérant du style français : allées droites, pattes d'oie et ronds-points, motifs symétriques répétés à intervalles réguliers, « parterres de broderie » caractéristiques, bosquets disposés formellement selon des figures convenues – tout y exprime l'assujettissement de la nature et le triomphe de l'ordre et de la raison.

Puis était venue, avec Guillaume d'Orange, la mode hollandaise : un goût prononcé pour les arbres à feuilles persistantes, taillés en forme de figures géométriques ou à l'image de l'homme. « La dolente famille des ifs entra chez nous avec la maison d'Orange, note un observateur de l'époque. Les bons whigs affirmèrent leur loyalisme en important de ce même pays qui avait eu l'honneur de produire leurs souverains les plans de leurs jardins. » Si bien qu'en 1712 l'essayiste Addison pouvait écrire dans le no 414 du Spectator : « Nos jardiniers anglais, au lieu de suivre la nature, aiment à s'en écarter le plus possible. Nos arbres se dressent en forme de cônes, de globes et de pyramides. On voit la marque des ciseaux sur toutes nos plantes et nos buissons. » Excès manifestes, dont Alexandre Pope témoigne à sa manière (The Guardian, 1713), bien entendu ironique, en dressant l'inventaire de « soldes » imaginaires à l'étal d'un pépiniériste : « Un Adam et une Ève en if. Adam un peu abîmé par la chute de l'arbre de la Connaissance lors de la grande tourmente. Ève et le serpent, florissants. Une tour de Babel, inachevée. Un saint Georges en buis, son bras encore trop court, mais sera en mesure de transpercer le dragon au printemps prochain, etc. »

Compton Wynyates - crédits : John Bethell/  Bridgeman Images

Compton Wynyates

Il est du reste possible, aujourd'hui encore, d'admirer – ou simplement d'étudier – les formes bizarres que prit cet engouement nouveau, dans le jardin de Levens Hall (Westmoreland), ou dans celui de Compton Wynyates (Warwickshire). On peut conclure de ce qui précède qu'au début du xviiie siècle les parcs et jardins étaient largement dépendants du goût continental en matière de formalisme et de rigueur géométrique. Leur évolution vers ce qui, en retour, deviendra plus tard un modèle pour l'Europe[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur à l'université de Toulouse-Le Mirail

Classification

Pour citer cet article

Pierre GRIMAL et Maurice LEVY. JARDINS - De l'Antiquité aux Lumières [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Médias

Fresque de la villa de Livie - crédits :  Bridgeman Images

Fresque de la villa de Livie

Château de Villandry, jardins - crédits : Bruno Barbier/ The Image Bank/ Getty Images

Château de Villandry, jardins

Jardin Bomarzo de Vicino Orsini - crédits : Electa/ AKG-images

Jardin Bomarzo de Vicino Orsini

Autres références

  • ALPHAND ADOLPHE (1817-1891)

    • Écrit par et
    • 1 674 mots
    .... Ce poste d'apparence modeste embrasse pourtant un des aspects majeurs de la transformation de Paris. C'est que Napoléon III est acquis à la cause des jardins publics. Influencé par les doctrines saint-simoniennes et par la civilisation anglaise où il a baigné en exil, Louis-Napoléon Bonaparte entend...
  • BARRAGÁN LUIS (1902-1988)

    • Écrit par
    • 969 mots

    L'architecte mexicain Luis Barragán Morfin est né à Guadalajara le 9 mars 1902, il meurt à Mexico-City le 22 novembre 1988. Sa vie traverse le siècle sans l'épouser. Fils de propriétaire terrien, il passe de longues périodes de son enfance dans un ranch de la région montagneuse de Mazamitla dans l'État...

  • BÉLANGER FRANÇOIS-JOSEPH (1744-1818)

    • Écrit par
    • 675 mots

    Protégé du comte de Caylus, disciple de David-Leroy et de Contant d'Ivry, Bélanger échoue au concours de l'Académie d'architecture (1765). Renonçant définitivement à cette distinction, il gagne l'Angleterre où il fait la connaissance de lord Shelburne pour qui il exécutera...

  • BERTHAULT LOUIS-MARTIN (1770-1823)

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    Jardinier-paysagiste, architecte et décorateur français. Issu d'une lignée de maîtres-maçons et de jardiniers, Berthault semble s'être formé dans le milieu familial, principalement auprès de ses oncles : Jacques-Antoine Berthault, important entrepreneur parisien, et surtout Pierre-Gabriel Berthault,...

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