JARDINSDe l'Antiquité aux Lumières
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Le Moyen Âge occidental
C'est autour des abbayes qu'apparaissent, vers le xe siècle, les premiers jardins d'Occident, une fois oubliée la tradition romaine des grandes villas. Ils servent de potager, et l'on y cultive aussi les simples destinés à l'infirmerie et à l'hospice. Peu à peu, les cloîtres s'ornent de plantes diverses grimpant, par exemple, autour de la margelle du puits central, et les sculptures végétales qui décorent colonnes et chapiteaux des cloîtres romans conservent peut-être le souvenir d'une végétation réelle.
Dans les châteaux et les demeures seigneuriales du xive et du xve siècle français, le jardin n'est guère qu'une cour étroite, séparée de la campagne par un mur au-dessus duquel passe le regard. Cette cour est le plus souvent un « préau », c'est-à-dire une étendue herbue autour de laquelle ont été plantées des herbes odorantes (souvent médicinales), qui assainissent l'air. Souvent aussi, ce préau est couvert d'une treille qui donne de l'ombre et des fruits. Il est le lieu où, par excellence, se plaisent les dames.
Lorsque la disposition du château le permet, le préau est continué, au-delà de son mur, par le verger (nom générique donné aux jardins de plaisance), où la nature est moins contrainte. Là se dressent de grands arbres, passent des ruisseaux, vivent des animaux, en liberté ou en semi-captivité sous des filets peu visibles. Selon la fantaisie, on y construit des pavillons en lattis de bois, où grimpent des plantes comme le chèvrefeuille et l'églantier, chantés par les poètes de ce temps.
Avec les croisades, quelques seigneurs, au retour de leur aventure méditerranéenne, veulent imiter les jardins qu'ils ont vus là-bas. À cet égard, le parc le plus remarquable est celui que le comte d'Artois Robert II établit à Hesdin, dans les dernières années du xiiie siècle. Il y introduisit les « enchantements » des jardins orientaux, notamment les automates, qui devaient connaître en France une fortune durable.
Il est probable que les jardins français subirent, à partir du xive siècle, l'influence des jardins d'Italie et de Sicile, qui se devine dans les descriptions du Roman de la Rose. Mais il existait aussi une tradition nationale, qui remontait au temps des romans « celtiques », popularisés par Chrestien de Troyes, deux siècles plus tôt. Ce sont les jardins des enchanteurs ; dissimulés derrière des haies impénétrables, ils sont le lieu des plus singuliers sortilèges : gentilshommes changés en animaux, ou en arbres, belles prisonnières, nacelles qui naviguent d'elles-mêmes sur les étangs et les pièces d'eau. Et ce sera là une des origines du jardin « français ».
Parterre de buis taillés dans les jardins du château de Villandry, Indre-et-Loire, France.
Crédits : Bruno Barbier/ The Image Bank/ Getty Images
C'est en Italie que le début de la Renaissance va transformer l'art des jardins. Les thèmes médiévaux (pelouses, treilles, charmilles, fontaines ornées de statues) n'ont pas disparu, mais ils sont utilisés dans des ensembles plus vastes, disséminés sur des terrasses aux larges perspectives, comme on se plaît à en aménager alors sur les collines qui bordent l'Arno, dans la région de Florence. Des statues imitées de l'antique remplacent celles des allégories morales, chères au siècle précédent. Mais surtout, dans ce jardin italien de la Renaissance s'impose, pour la première fois, la règle du nombre, la division mathématique de l'espace plan. On peut considérer comme une expression de ce style nouveau le Discours du songe de Poliphile, livre célèbre publié en 1499 par Francesco Colonna. Là est décrit un jardin consacré à Vénus, dans l'île de Cythère, et ce jardin est entièrement, et jusque dans le détail de ses plantations, dominé par la géométrie. Et, au milieu du parc, qui est circulaire, des buis taillés figuraient des géants casqués dont chaque main supportait une tour, également en buis.
Jardin Bomarzo de Vicino Orsini
Une statue de Cérès-Proserpine dans le jardin Bomarzo de Vicino Orsini, dit parc du monstre, Étrurie, réaménagé par l'architecte Pirro Ligorio vers 1560.
Crédits : Electa/ AKG-images
Jean Bologne (1529-1608), dit Giambologna, L'Apennin, sculpture en briques, pierre, mortier, 1580-1582. Villa Demidoff, Pratolino, Italie.
Crédits : Bridgeman Images
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Écrit par :
- Pierre GRIMAL : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
- Maurice LEVY : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur à l'université de Toulouse-Le Mirail
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Pour citer l’article
Pierre GRIMAL, Maurice LEVY, « JARDINS - De l'Antiquité aux Lumières », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 02 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/jardins-de-l-antiquite-aux-lumieres/