JARDINSDe l'Antiquité aux Lumières
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Le jardin classique
Le premier jardin vraiment « classique », c'est-à-dire celui dont les lignes sont commandées par des rapports géométriques avec celles de la demeure dont il constitue le cadre et la continuation, est la cour du Belvédère, dans le palais du Vatican. Sa conception est de l'architecte Bramante, dont l'art était imprégné par les souvenirs et la présence autour de lui des ruines antiques qui parsemaient Rome. Le projet de Bramante (qui ne fut réalisé qu'en partie) comprenait trois terrasses, dont la plus élevée s'étendait devant une façade formée d'un portique, creusée en son milieu par une abside où s'abritait une loggia. La terrasse médiane devait, dans le projet primitif, être occupée par deux grandes pelouses entourées d'un treillis de roseaux ; la terrasse inférieure, fort allongée, servait de carrière pour les carrousels. Les trois plans étaient reliés par des escaliers monumentaux, appliqués transversalement et non selon l'axe principal, et aussi par des pentes latérales. Des statues, généralement des antiques, mais aussi des créations « modernes », ornaient les grottes et les nymphées ménagés dans les murs de soutènement. Ce jardin, véritablement architectural, était destiné à relier deux palais, c'est-à-dire à structurer géométriquement un espace à ciel ouvert.
Palais de Caserte : la cascade et le groupe sculpté, L. et C. Vanvitelli
Luigi et Carlo Vanvitelli, cascades et groupe sculpté dans le parc du palais de Caserte, près de Naples.
Crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images
Non moins célèbre, et aussi importante comme jalon, la villa d'Este, élevée quelques années plus tard (à partir de 1555-1560) par l'architecte Pirro Ligorio pour le cardinal Hippolyte d'Este à Tivoli. Les difficultés imposées par le terrain obligèrent à ménager non plus trois mais cinq terrasses, dont l'ensemble donne l'impression d'une seule façade, répartie sur cinq « ordres » superposés. Il est presque possible de donner une idée fidèle de la villa d'Este sans mentionner son décor végétal : les jeux d'eau, placés à l'extrémité des terrasses, ou étirés le long des axes transversaux comme des buffets d'orgue, les escaliers, les grottes, et, sur le plan inférieur, les grands bassins immobiles pourraient se passer des cyprès centenaires, des chênes, des bosquets qui revêtent les pentes. Dans le parc se trouvaient des automates, des oiseaux chanteurs et animés.
Villa d'Este, Tivoli, Cent-Fontaines
Allée des Cent-Fontaines, villa d'Este, Tivoli (environs de Rome). Architecte : Pirro Ligorio.
Crédits : Bridgeman Images
Villa d'Este, Tivoli, fontaine
Fontana dell'Organo, villa d'Este, Tivoli (environs de Rome). Architecte : Pirro Ligorio.
Crédits : Bridgeman Images
Cet art du jardin classique, qui naît en Italie, sera acclimaté en France. À vrai dire, les châteaux royaux qu'édifia la Renaissance sur les rives de la Loire eurent des jardins qui ne devaient rien à ceux de Florence ni de Rome. À Blois, par exemple, c'est la tradition des préaux de l'époque antérieure qui survit, mais ils se multiplient en un grand nombre de parterres de broderie. L'impression générale est celle de tapisseries qui auraient été tendues autour du palais. La structure géométrique s'introduit selon une autre voie que dans les jardins italiens, où elle est inséparable du plan en terrasses. L'un des caractères originaux du style français est aussi l'emploi des miroirs d'eau qui, tantôt sont mis à la place de l'un des parterres de broderie, un des rectangles en quoi se répartit l'aire totale du jardin, et tantôt servent d'axe à celle-ci, ou la bordent.
Le premier « jardin à la française » qui mériterait ce nom – que leur donnera la fin du xixe siècle – est celui que le surintendant des Finances, Nicolas Fouquet, fit établir autour de son château de Vaux-le-Vicomte (1656-1661). L'architecte est Louis Le Vau ; il collabore avec un jeune dessinateur, André Le Nôtre, qui deviendra le plus grand « jardinier » de son siècle. Le style qu'ils mettent au point, ensemble, est une synthèse des éléments français et italiens. Il y a des terrasses et des plans conjoints, comme en Italie, mais les plans sont immenses, la dénivellation entre eux faible, et la perspective issue du château se prolonge par un canal, avant de culminer sur une lointaine statue d'Hercule. L'ensemble donne l'impression d'une clairière, enserrée de toutes parts, mais à distance respectueuse, par un mur de frondaisons. Partout, au moment de la création, il y avait de l'eau qui apportait le mouvement et la vie ; comme sur l'allée des Cent-Fontaines à la villa d'Este, des jets d'eau innombrables jaillissent le long de l'allée centrale, formant « une balustrade de cristal » (Mme de Scudéry). Ce jardin, ravissement pour les yeux, était, comme l'é [...]
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Écrit par :
- Pierre GRIMAL : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
- Maurice LEVY : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur à l'université de Toulouse-Le Mirail
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Pour citer l’article
Pierre GRIMAL, Maurice LEVY, « JARDINS - De l'Antiquité aux Lumières », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/jardins-de-l-antiquite-aux-lumieres/